Si le groupe État islamique représente aujourd’hui une si grande menace pour la sécurité intérieure des pays occidentaux, c’est qu’il est parvenu à recruter au sein même de pays comme la France ou la Belgique. Et le pouvoir d’enrôlement du groupe terroriste repose avant tout sur une communication très bien rodée.

Une communication professionnelle

L’image que l’on se fait d’un terroriste enregistrant ses vidéos de propagande dans une grotte est dépassée depuis bien longtemps. Daech [acronyme en arabe de l’État islamique en Irak et au Levant] dispose d’importants moyens pour communiquer et utilise avant tout internet pour diffuser son idéologie.

Le groupe de réflexion britannique Quilliam foundation, spécialisé dans la dé-radicalisation, a ainsi étudié toute la production mise en ligne par l’État islamique entre le 17 juillet et le 15 août 2015. Par ses longs documentaires inspirés des codes hollywoodiens, comme dans de courtes vidéos d’une minute, ou par ses photographies et ses articles, le groupe terroriste communique abondamment. Sur la période étudiée, il a ainsi publié pas moins de 1 146 documents. Le think tank en conclut donc que des équipes de spécialistes travaillent en permanence à l’élaboration de cette propagande, et ce de l’Afrique de l’Ouest à l’Afghanistan. Le groupe dispose notamment d’un magazine en ligne, Dabiq, qui a toutes les apparences d’un journal fait par une équipe professionnelle.

D’ailleurs, l’État islamique utilise un otage, le journaliste britannique John Cantlie, pour produire des images de propagande ayant toutes les apparences de reportages télévisés.

Photo 2 : Couverture de Dabiq, magazine de propagande djihadiste.

Enjoliver la vie quotidienne

Cela pourrait en surprendre plus d’un, mais le think tank révèle dans son étude que les images violentes, comme des vidéos d’exécutions ou des images de guerre et d’entraînements militaires, ne représentent pas la majorité de la publication de l’État islamique. Plus de la moitié de la production de ses équipes professionnelles de communication vise à présenter de façon positive la vie quotidienne dans les régions administrées par l’État islamique, en Irak et en Syrie. Des vidéos de la vie quotidienne, comme des enfants jouant dans des manèges, des scènes de marchés, ou encore de soldats distribuant des cadeaux à la population sont ainsi diffusées. L’idée est de montrer des images de normalité afin d’attirer de jeunes européens. Plusieurs gouvernements ont réagi en créant des sites internet dont l’objectif est de démentir la propagande de l’État islamique. En France, le site Stop-djihadisme a ainsi été mis en ligne trois semaines après les attentats contre le journal Charlie Hebdo.

Les médias occidentaux font-ils le jeu de Daech ?

Les vidéos de propagande produites par le groupe État islamique sont abondamment reprises par les médias internationaux qui ne disposent presque pas d’autres sources d’information pour documenter ce qui se passe dans les régions administrées par le groupe terroriste. Cependant, ces images ne sont pas toujours contextualisées et décryptées par les journalistes, loin de là.

Invité dans une émission de la radio française France Inter, le spécialiste de la propagande djihadiste, Abdelasiem El Difraoui déclarait en février dernier que l’on « joue le jeu de Daech actuellement. […] Les mouvances djihadistes regardent très attentivement les médias occidentaux. Ils savent très bien comment l’industrie médiatique fonctionne en Europe, donc ils fournissent, spécialement pour des médias qui font dans le spectaculaire, l’horreur totale, le plus spectaculaire. »