À la demande de plusieurs de ses membres, la FTQ a étudier la possibilité de réclamer un salaire minimum au Québec de 18$ de l’heure cet automne. Finalement écartée en décembre, l’organisme focalise sur la montée du salaire minimum vers 15$ de l’heure le plus tôt possible, est-ce que cette proposition aurait pu être viable? Selon plusieurs économistes de l’Université Laval, une augmentation du salaire minimum à 18$ de l’heure celle-ci aurait présentée plusieurs impacts négatifs sur la société québécoise.

Travaillant actuellement au salaire minimum, Raphaël Fortin tente d’amasser de l’argent pour pouvoir retourner à l’école et être en mesure de dénicher un nouvel emploi. Toutefois, celui-ci s’est rapidement rendu compte que la tâche serait plus ardue qu’il pensait : « J’espérais travailler environ six mois puis pouvoir m’inscrire à mon cours. Ça fait déjà sept mois que j’économise et je n’ai même pas la moitié de ramassée. »

Je veux économiser pour retourner à l’école, mais comme je n’y suis pas allé avant, je suis payé au salaire minimum et je ne peux pas économiser pour retourner à l’école… C’est un méchant cercle vicieux.

– Raphaël Fortin

M. Fortin prétend que lorsque ses dépenses de base comme son appartement, son épicerie, son électricité, son internet, son automobile, ses assurances et son téléphone cellulaire sont payées, il ne lui reste presque plus rien à mettre de côté. « Pourtant je ne me paye vraiment pas de luxe, je vis dans un petit appartement et je me limite au strict minimum pour mon épicerie, pourtant je n’arrive pas à économiser. »

 

 

Lorsqu’il est interrogé sur ce que la hausse du salaire minimum à 18$ de l’heure changerait pour lui, M. Fortin prétend pourtant qu’il garderait alors l’emploi qu’il occupe actuellement. « La seule chose qui me motive à retourner à l’école c’est l’argent. J’adore ma job actuelle, mais c’est juste pas assez payant. Si je veux une maison et une famille un jour, je n’ai pas le choix de changer d’emploi. »

Cette réponse ne surprend pas Sylvain Dessy, professeur d’économie à l’Université Laval. En effet, selon lui, la forte hausse du salaire minimum pourrait décourager beaucoup de travailleurs à poursuivre des études post-secondaires, car le salaire minimum serait suffisamment élevé pour maintenir un certain style de vie. Selon lui, cela pourrait toutefois avoir des impacts négatifs sur la société. «l’économie du pays peut devenir incapable de créer une classe moyenne qui consiste essentiellement de travailleurs qualifiés. Sans classe moyenne, la société peut devenir fortement inégalitaire. Ce qui n’est pas désirable. »

De son côté, Bernard Fortin, également professeur au département d’économie de l’Université Laval, soutient q’une société où les gens sont payés un salaire minimum de 18$ de l’heure ne favoriserait pas non plus les travailleurs qui ont peu de formation (les travailleurs peu scolarisés). Pour lui, ce sont les travailleurs syndiqués qui en bénéficieraient le plus. En effet, il affirme que comme les employeurs devront réduire la main d’œuvre, ceux qui ne sont pas les employés syndiqués seront les premiers à partir. C’est sans doute pour cette raison que les syndicats sont souvent en faveur de la hausse du salaire minimum, avance-t-il.

Paradoxalement, ce sont les travailleurs plus qualifiés qui sont souvent les gagnants d’une forte hausse du salaire minimum. Celle-ci peut engendrer des pertes d’emploi non négligeables chez les travailleurs peu qualifiés, en particulier lorsque le salaire minimum s’approche trop du salaire moyen.

– Bernard Fortin, professeur d’économie à l’Université Laval

Salaires minimums dans chaque province canadienne (Crédit : payworks.ca)

 

Difficile d’en évaluer l’impact à long terme d’une hausse

Vincent Boucher, aussi professeur d’économie à l’Université Laval, mentionne qu’il est très difficile de prévoir l’impact global qu’aurait une telle hausse du salaire minimum sur la société québécoise, car ce serait une situation inédite.

Selon lui, si une hausse aussi importante, de près de 5$ de l’heure, se faisait dès l’an prochain, comme il s’agit d’une très grande hausse, les modèles économiques actuels ne permettraient pas de mesurer son impact, ceux-ci fonctionnant seulement pour de petites hausses.

Il ajoute aussi que même si la hausse se faisait graduellement, sur 5 ans par exemple, il serait encore difficile d’en prédire l’impact, car cela nécessite de tenter de deviner dans quel état serait l’économie du Québec à ce moment, ce qui relève de la fabulation selon lui.

Cela dit, ce n’est pas une raison pour ne rien faire non plus. Ce qui me semble le plus réaliste c’est d’y aller par étapes. Commencer par des augmentations modestes et attendre de voir leur impact.

– Vincent Boucher, professeur d’économie à l’Université Laval

Toutefois, M. Boucher rappelle que, selon la plupart des économistes, la hausse du salaire minimum n’est pas un moyen efficace de lutter contre la pauvreté. L’élevé à 18$ de l’heure n’aurait donc pas beaucoup d’impact là-dessus à son avis.