QUÉBEC – Le fameux ruban rose, symbole de la lutte des femmes contre le cancer du sein, a été passé sous la loupe, lundi dernier, lors de la projection du documentaire L’industrie du ruban rose. Présentée par l’association Cinéma Politica, la ciné-conférence dévoilait l’envers du décor du « Pink Washing » aux Etats Unis.

Aux États-Unis, pays où le ruban est né, «environ 12,3 % des femmes seront diagnostiquées du cancer du sein à un moment de leur vie», estime l’Institut National du Cancer.

Pour attirer l’attention sur cette maladie, de nombreuses actions de sensibilisation ont lieu dans le monde entier. Le documentaire réalisé par Léa Pool montre l’ampleur qu’ont prises ces campagnes à travers le témoignage de femmes victimes du cancer, de spécialistes, de militantes et de représentants des levées de fonds pour cette cause.

L’accent est mis sur la fracture entre les entreprises qui utilisent le ruban à des fins markétings et la sincérité des personnes qui consomment les produits épinglés d’un ruban ou qui participent aux marathons pour soutenir les femmes victimes du cancer.

June Marchand, professeure de marketing social à l’Université Laval, animait la conférence qui suivait le film. Ayant travaillé dix ans dans la publicité, elle  a expliqué à la trentaine de personnes présentes le phénomène de « Pink Washing ». Pour elle qui connait les facettes du métier, «les stratégies marketing sont prêtes à défier les lois. Le rôle du marketing c’est de faire acheter les gens, faire vendre les produits.»

Comme le montrent les images tournées aux États-Unis, il est difficile de passer à côté du rose emblématique qui colore les magasins particulièrement pendant le mois d’octobre: des cosmétiques (Avon) aux produits alimentaires (PFK) en passant par les autos (Ford), le phénomène se retrouve même sur le papier toilette, les cartes de crédit American Express et sur les pompes à essence.

Évidemment, ce sont les femmes avant tout qui sont visées. «Responsables de 80% des décisions d’achats pour la maison et désireuses de soutenir d’autres femmes, les consommatrices nord-américaines choisissent donc les produits roses», a expliqué Léa Pool dans une entrevue.

«La mode est au philanthropisme», a expliqué la conférencière, June Marchand. C’est une manière pour les entreprises de se démarquer et de porter une cause qui incarne la clientèle. «Ces activités philanthropiques sont stratégiques, car plaire au client c’est avoir un capital de sympathie» a-t-elle expliqué au public.

Mieux vaut guérir que prévenir?

L’argent cumulé est par la suite reversé pour la recherche sur le cancer. Le film dénonce un manque de transparence sur l’utilisation de ces sommes: les entreprises disent combien elles ont obtenu, combien elles ont dépensé, mais rarement ce qui est fait avec les millions amassés chaque année.

Les activistes interrogées affirment que la recherche scientifique est focalisée sur l’allongement de l’espérance de vie. Elles estiment que seulement 15 %  des fonds sont attribués à la recherche sur la prévention, c’est-à-dire  à la recherche des causes de ce cancer.

Barbara Brenner, explique que les recherches ne sont pas coordonnées dans le monde, et de ce fait, les équipes sont parfois amenées à reproduire des études qui coutent très cher plutôt que de se concerter pour augmenter leur efficacité.

Pour Léa Pool, «toute cette consommation de produits concourt à donner une belle image aux grandes entreprises plus qu’à mener une réelle recherche pour trouver un remède au cancer et surtout, pour le prévenir.»

Comme elle le pointe du doigt dans son documentaire, il est intéressant de réaliser que plusieurs entreprises qui font la promotion de leurs produits roses utilisent parfois eux-mêmes des substances cancérigènes.

Cette œuvre est un appel à la prise de conscience des femmes et à la réaction de la population. Les militantes interrogées aimeraient que les citoyens posent les réelles questions sur la face cachée de ce phénomène marketing qui pourrait se développer dans le monde comme une épidémie.