QUÉBEC- Depuis une dizaine d’années, le nombre de productions cinématographiques a radicalement diminué dans la ville de Québec. Faisant face à un avenir incertain, les réalisateurs migrent davantage vers le milieu des jeux vidéo ou encore vers Montréal où les opportunités d’emploi sont plus alléchantes.

Tel est le constat du cinéaste québécois Jeremy Peter Allen qui sera à Paris dans deux semaines afin de présenter son documentaire. « Il y a déjà eu une belle période de productions dans la ville de Québec. Toutefois, c’est loin d’être le cas présentement», affirme-t-il. Il considère que la période de 1997 à 2004 a été une des meilleures périodes de productions pour la Vieille-Capitale.

Il est d’ailleurs bien heureux d’avoir pu vivre de ses œuvres pendant cette période. «Je suis bien content d’avoir su tirer mon épingle du jeu lors de ces années. Présentement, le cinéma est en crise, non seulement à Québec, mais partout en Amérique du Nord», raconte celui qui est également chargé de cours au département de littérature à l’université Laval.

Par ailleurs, lorsqu’interrogé à savoir si la ville de Québec était toujours un centre de productions culturelles, le diplômé de Concordia est catégorique. On l’écoute :

Il est également possible de visionner l’intégralité de l’entrevue avec M. Allen en cliquant ICI.

La bande-annonce d’Assassins Creed IV figure parmi les plus récentes collaborations d’Ubisoft avec un studio de cinéma. Crédit photo : Ubisoft.Mais qu’est-ce qui explique cette baisse de l’activité cinématographique à Québec ? Selon le professeur de Laval, il est question ici des coûts de production qui sont plus élevés à Québec que dans la métropole.

«Les grands studios de production sont centrés à Montréal, il n’y en a aucun à Québec. Par conséquent, il est plus coûteux pour un producteur de tourner à Québec. En fait, les réalisateurs viennent ici quand ils recherchent quelque chose qui est unique à Québec», ajoute celui qui travaille actuellement sur un documentaire pour l’Office national du film (ONF).

L’émergence des jeux vidéo au sein de l’entreprise du cinéma

S’il y a bien une industrie qui continue  de croître malgré la crise dans le milieu du cinéma, c’est celle des jeux vidéo, laquelle ne cesse d’ailleurs de s’incruster à l’intérieur des productions cinématographiques, si bien qu’elle offre maintenant de nouvelles possibilités. « Ce que les jeux vidéo ont apporté, c’est un nouveau genre de narration, les gens peuvent maintenant interagir avec l’histoire, être le maître de leur personnage et choisir dans quelle direction aller», raconte M. Allen à ce sujet.

Même son de cloche du côté d’Isabelle Genest, directrice aux arts numériques chez Québec International, qui mentionne que les compagnies de cinéma font de plus en plus affaire avec celles de jeux vidéo afin de monter des bandes-annonces. «Nous n’avons qu’à penser au film Le coq de St-Victor ou même à la bande-annonce d’Assasins Creed IV, dans laquelle la compagnie Ubisoft est intervenue», raconte celle qui occupe ce poste depuis maintenant 2004.

Ubisoft s’est démarqué comme chef de fil de productions de jeux vidéo et participe maintenant à la réalisation d’œuvres cinématographiques. Crédit photo : Nicolas Perrier.De son côté, la compagnie Beemox, une entreprise de jeux vidéo établie à Québec reconnaît qu’elle a eu des projets de collaboration avec des maisons de production cinématographique  québécoises. On parle ici d’interventions en ce qui a trait surtout à des scripts et des concepts. Toutefois, pour des raisons de confidentialité, la haute direction  n’a pas voulu donner plus de détails.

Difficile de gagner sa vie au cinéma

Une des réalités avec laquelle les producteurs et les acteurs doivent quotidiennement composer est la peur de ne pas être capable de gagner sa vie convenablement. À ce sujet, le vice-président de l’Union des Artistes, Jack Robitaille y va d’un portrait plutôt inquiétant concernant les conditions de travail des membres. «Présentement, il n’y a aucun acteur au Québec qui gagne sa vie avec le cinéma. Ils doivent faire autre chose, comme de la télévision, du théâtre et même de la doublure s’ils espèrent vivre sans souci» ,explique celui qui négocie annuellement les conditions de travail des artistes avec l’Association québécoise de productions médiatiques.

Interrogé sur les raisons qui expliquent la difficulté pour un artiste québécois de vivre de sa passion, M. Robitaille mentionne que les coupures dans le secteur culturel québécois y sont pour quelque chose : «Les budgets de production ne sont plus aussi élevés qu’ils l’étaient au début des années 2000, ce qui rend le travail des artistes plus difficile», explique-t-il.

Ceci sans oublier les coupes budgétaires que font également les grands réseaux nationaux de télévision comme Radio-Canada et TVA. Ce dernier a notamment diminué le nombre d’heures de programmation consacrées aux émissions locales qui sont  passées de 21 à 18 heures dans la région de la Capitale-Nationale il y a quelques années.