Son symbole : une cible de sniper à l’intérieur d’un œil. Son rôle : « Un regard critique sur l’image et la place des femmes dans les médias. » À l’heure où les violences faites aux femmes continuent de sévir au Québec, le Comité Vigilance-Médias entend bien se faire lanceur d’alerte sur le sexisme dans les publicités et à la télévision. Un fléau qui, selon Johanne Pelletier, intervenante sociale chargée du comité au Centre des femmes de la Basse-ville depuis 2002, a son lot de responsabilités dans la manière dont sont traitées les femmes dans la société.


Quel lien établissez-vous entre l’hypersexualisation du corps de la femme dans la publicité et les violences qu’elles vivent au quotidien ?

Il n’y a pas de lien direct. Sauf que! Ça banalise forcément toutes les violences et ça vient créer une norme qui ne devrait pas être une norme. Les violences, c’est pas toujours physique : c’est un regard, une parole, une petite phrase qui passe sous le ton de l’humour. Mais tôt ou tard, ça vient habituer les hommes à voir la femme comme un objet. La conséquence, c’est que certaines personnes se disent : «Ah ça j’ai le droit. Je peux me permettre de le faire! »


Quel constat faites-vous de la situation au Québec et de l’évolution des choses depuis les débuts du Comité ? 

C’est possible que ça commence à changer dans le bon sens. Ici au Québec, la publicité est très réglementée. Mais un expert du monde de la publicité qu’on a rencontré il y a trois ans nous a dit que les publicités aujourd’hui se faisaient de plus en plus à un niveau international. Résultat : on a moins d’emprise là-dessus. Aujourd’hui, l’hypersexualisation s’est banalisée. Notre œil est devenu aveugle. Un jour, une militante et une stagiaire ont fait une présentation dans une maison de jeunes de Québec. Il s’avère que même les jeunes ne voient pas toujours cette hypersexualisation de la société. C’est là qu’on se dit : on est né dans la sauce, on ne goûte plus la sauce. La sauce peut être amère, mais on ne le sait plus.


D’où est né le Comité Vigilance-médias ?

Le comité vient d’un projet organisé par le Centre des femmes de la Basse-ville, qui s’intitulait « Quand la violence joue à cache-cache ». En 1998-1999, le groupe de femmes qui avait participé au projet a décidé de se lancer dans la création d’un autre groupe destiné à faire une veille des médias. À l’époque, l’enjeu c’était surtout de s’intéresser à la place des femmes dans les télé-romans et par la suite, le comité s’est tourné vers la dénonciation de publicités sexistes. Aujourd’hui, notre but premier c’est de dénoncer la pornographisation de la société et l’infantilisation des femmes à travers les publicités, que ce soit celles qu’on voit à la télé ou les affiches publicitaires. Je vais prendre un exemple : sur une publicité, on a un sac à main à vendre et ce qu’on voit c’est un corps de femme. Pas de tête. Pas de jambes. Pas de bras. Juste un corps et un sac à main. C’est très humiliant et déshumanisant.


Vous intéressez-vous à d’autres sphères culturelles contribuant à cette infantilisation des femmes ?

On a déjà fait un café-rencontre sur le sujet du cinéma : « Le féminisme à travers nos écrans. » Certains films ne donneront jamais le premier rôle à une femme et souvent, lorsqu’on a des films avec des femmes de tête, les critiques sont mauvaises. Le dernier film « GhostBusters » était agréable, mais il a été très mal reçu. On a encore des difficultés à voir des femmes dans des rôles principaux.


Comment s’organise la veille au sein du comité et quels sont vos moyens d’action ?

C’est une vigilance constante. Le comité est composé de cinq militantes et tout le monde surveille de son côté le contenu des publicités qu’il croise. Ça se fait à titre individuel. On pourrait se rencontrer une fois par semaine mais même là, ce ne serait pas assez, donc on reste toujours alertes. Une militante m’a dit un jour : « Johanne, tu sais, des fois c’est fatigant. » Plus on est là-dedans, plus on s’aperçoit des petits messages subtils. On écrit aussi des lettres de dénonciation qu’on envoie au CRTC [Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes] ou directement à la compagnie visée. La plupart du temps, les réponses sont favorables, mais le plus dur, ça reste les publicités sur Internet! Internet est une vaste zone grise.