Depuis le 1er décembre dans la province de Québec, il est obligatoire d’avoir posé des pneus avec le pictogramme du flocon avec flanc de montagne pour circuler. Or les normes ont été récemment contestées publiquement par certains experts dans les médias. Selon eux, certains pneus qui respectent les normes de Transport Canada ne permettraient pas aux automobilistes de circuler en toute sécurité au vu des conditions de route de la province.

George Iny est le directeur général de l’Association pour la Protection des Automobilistes (APA), il explique : « « Il y a des pneus homologués hiver que l’association a marqué comme trois saisons car les pneus n’étaient pas adéquats pour affronter l’hiver. On a malheureusement vu que l’exigence est assez faible. On commence à appliquer le logo sur des pneus qui ne devraient pas être des pneus d’hiver, au Québec ou au Canada d’ailleurs. »  En effet, selon l’association, la norme mise en place par Transport Canada ne serait pas suffisante pour faire face aux hivers particuliers du Québec : « On a besoin de renforcer la norme actuellement, elle exige un rendement pas très exigeant sur la neige. On aurait voulu avoir un rendement sur glace, ou au minimum que l’on augmente l’exigence du rendement sur la neige. »

De son côté, Simon Rivet, conseiller principal et chargé des relations avec les médias pour Transport Canada assure que son organisme effectue des essais de conformité afin de s’assurer que les pneus d’hiver respectent les normes sécuritaires. En effet, depuis 2014, Transports Canada a testé une soixantaine de modèles de pneus d’hiver. Les résultats ont montré qu’un seul modèle n’était pas conforme aux exigences en matière de sécurité. Tout ceci a entraîné «un rappel rapide de ces pneus, » ajoute-t-il. Cependant, George Iny, ne partage pas cet avis : « Ils n’ont pas les connaissances pour le dire. Le reportage diffusé par J.E le 11 novembre dernier, avait fait preuve d’un problème de contrefaçons qui sont fabriquées dans certaines usines chinoises. Or Transport Canada ne semblait avoir aucune connaissance de ça. Alors pour cette partie-là, leur réponse n’est pas adéquate. »

Simon Rivet précise comment les automobilistes peuvent s’assurer de la conformité de leurs pneus : « Transports Canada a des exigences strictes en matière de performance des pneus d’hiver. Les Canadiens peuvent chercher le symbole alpin – un pictogramme représentant une montagne à trois pics, surmontée d’un flocon de neige, marqué sur l’un des flancs du pneu. Ce pictogramme confirme que le pneu est plus performant qu’un pneu quatre saisons dans les conditions hivernales canadiennes. » Sur ce point, le directeur d’APA confirme les propos de Transport Canada : « Pour la norme proprement dite ils ont raison, pour vendre un pneu au Québec en hiver il faut qu’il rencontre une norme fédérale. Alors ils ont raison de dire que cette norme s’applique à tous les pneus qu’on considère homologués pour l’hiver. » Il émet toutefois une réserve : « Mais [la norme] n’est pas adéquate pour s’assurer que le pneu ait un rendement acceptable. Ou en tous cas la façon dont elle est appliquée actuellement n’est pas adéquate. Parce qu’on s’est souvent demandé est-ce que le problème est que la norme est très faible ? Elle l’est, c’est connu. Mais en plus ce qui est possible c’est qu’il y ait des pneus homologués qui ne rencontrent pas la norme. »

Dans la province de Québec, ce pictogramme signifie que les pneus respectent les normes émises par Transport Canada pour l’hiver. Crédit image : Wikimédia

George Iny explique que le problème n’est pas nouveau, et qu’un retard s’accumule depuis plusieurs années maintenant  : « Première étape, songer à augmenter la protection proposée par la norme pour le rendement du pneu. Ce travail est en retard. La norme date de l’an 2000, et à l’époque les gens qui étaient dans le milieu disaient que dans dix ans on aura à l’améliorer. Alors on a presque dix ans de retard avec cette mise à jour.»

Le directeur de l’APA explique que ce travail a été confié à l’industrie des pneus automobile car ce sont les mieux placés pour le faire, mais qu’elle a pris du retard. Pour le combler, George Iny propose plusieurs solutions : « La première solution à court terme c’est de tester certains pneus qui étaient déjà décrits comme inadéquats pour un hiver ici, et voir si ces pneus-là peuvent réellement rencontrer la norme. La deuxième étape c’est d’améliorer les normes, car il y a un besoin, il y a une mise à jour qui s’impose. On peut la faire en collaboration avec l’industrie du pneu mais selon un échéancier gouvernemental. »

Chez Transport Canada, on indique avoir pris des mesures pour renforcer la surveillance de la conformité des pneus et avoir lancé une nouvelle série d’essais de conformités en novembre 2019. Toutefois, aucun résultat n’est encore disponible. Le chargé des relations médias conclut: « La sécurité est la priorité de Transports Canada. »

 

Des ressources disponibles

Cependant, le directeur de l’APA relativise la situation en expliquant que les Québécois ont tout de même accès à de nombreuses ressources pour s’informer, en particulier sur Internet. « Il faut dire que pour le Québec, le public est bien servi avec des aides sur le web, il y a deux ou trois experts dans l’association qui fournissent des résultats d’essais de pneus d’hiver. Ce sont de bons essais, ça permet de faire de bons achats si on le veut. L’information est là. » explique-t-il. Mais selon lui, cette information ne suffit pas toujours : « Un pneu s’achète seulement quand l’utilisateur en a besoin, il dépend de son détaillant et il veut payer le moins cher possible. Il est clair que c’est pour ces gens-là qu’on voudrait avoir une norme qui est actuelle. »

« Je dirai que le plus gros problème ce n’est pas la contrefaçon, ça c’est nouveau. Mais c’est vraiment un dérapage dans le rendement des pneus qui reçoivent le logo, l’homologation. » conclut George Iny.

Selon l’APA, même neuf, un pneu quatre saisons n’égalera pas le rendement dans la neige fondante et sur la glace d’un pneu spécialement conçu pour l’hiver. Crédit photo : Emma Georges

L’Association pour la Protection des Automobilistes est un organisme de défense des consommateurs. Elle teste les voitures, réalise des essais sur les pneus d’hiver, fait de la revendication devant les tribunaux, fournit des conseils au public, et mène des enquêtes auprès de l’industrie sur la vente et la réparation d’automobiles. Sur son site Internet, il est possible de retrouver plusieurs comptes-rendus d’essais de pneus d’hiver. Cela permet aux Québécois d’obtenir une seconde expertise afin de mieux choisir ses pneus d’hiver.