Entre mars et août 2020, les écoles primaires et secondaires du Québec ont fermé leurs portes. Après cinq mois d’interruption, de grands changements ont été mis en place pour limiter la propagation du virus, ce qui a forcé les acteurs du milieu à s’adapter.

Selon Nadine Rabatel, intervenante communautaire scolaire au niveau primaire, le plus grand changement survenu dans le milieu scolaire reste les mesures sanitaires, comme la nouvelle division des classes en classes-bulles. Ce concept consiste à garder un même groupe d’élèves ensemble en tout temps, dans la classe de cours et lors de la récréation, afin de limiter les contacts entre les élèves de l’établissement. 

« C’est un peu cafouillis », déclare Mme Rabatel. Selon l’intervenante, les classes-bulles ne sont pas infaillibles. Elle mentionne qu’il est facile de préserver les classes-bulles en cours, mais que les élèves ne sont pas habitués à ce concept. Ils sont habitués à se mélanger au service de garde, avant et après l’école, dans les autobus et lors des récréations et ce n’est pas cette nouveauté qui les freine, témoigne-t-elle.

Par ailleurs, le masque et les lunettes, dont le port est obligatoire pour le personnel éducatif depuis le 5 octobre, amènent leur lot de complications. Mme Rabatel estime qu’il y a aussi une disparité dans le degré de respect des mesures autant par le personnel que par les étudiants : « ce n’est pas évident d’avoir des règles différentes pour les différents cycles au sein d’un même établissement, alors il faut régulièrement rappeler à l’ordre. »

« La vraie difficulté c’est que ça change constamment. On a l’impression qu’à chaque semaine il y a des nouvelles mesures » – Nadine Rabatel.

De nouveaux rôles pour le corps professionnel

« On n’a pas le choix de jouer à la police du masque », se désole Sabrine Berbiche, enseignante de français en secondaire 1, qui affirme devoir rappeler régulièrement aux élèves de porter leur masque dans les corridors et à la sortie de l’école. Pour elle, les enseignants sont maintenant attitrés à de nouvelles tâches, comme à de la surveillance pour veiller à ce qu’il y ait le moins de contacts possibles entre les élèves.

Ainsi, au secondaire, ce sont dorénavant les enseignants qui se promènent de classe en classe. Mme Berbiche explique que cette nouvelle réalité est problématique quand il en vient aux cours de concentrations. La pandémie de la COVID-19 fait en sorte que les écoles secondaires sont restreintes dans la façon de répartir les élèves selon leurs concentrations.

« Moi je suis enseignante de français. Il n’y a pas de français enrichi ou de français régulier, tout le monde suit le même cours de français. Je pense à mes collègues en anglais, par exemple, qui doivent parfois gérer deux niveaux dans la même classe-bulle. » – Sabrine Berbiche

Alors que les changements de salle se faisaient en fonction des matières à l’étude avant le début de la pandémie, la mise en place des classes-bulles pose des problèmes pour rassembler un enseignant de concentration et ses élèves issus de différents groupes.

« Dans un groupe de 5e secondaire, nous avons un élève dans une classe qui est le seul inscrit à la concentration chimie. Il ne peut pas changer de classe, donc une période par jour il se branche au cours de chimie pendant que le reste de sa classe suit un autre cours de concentration. » – Sabrine Berbiche

Les répercussions de la formule hybride

Des trois groupes auxquels enseigne Mme Berbiche, un suit son cours de français à distance puisque la classe-bulle est confinée. Le protocole, prévu par la santé publique, est tel que lorsqu’il y a éclosion dans une classe-bulle, toute la classe doit se confiner à la maison pendant 14 jours. Contrairement au secondaire, les enseignants du primaire se doivent de compléter une quarantaine comme leurs élèves. « La formule hybride c’est du nouveau pour tout le monde. On essaie de se débrouiller tant bien que mal, mais ce n’est vraiment pas évident. » Pour l’enseignante, cette formule hybride alourdit considérablement les tâches des enseignants. « On planifie tout en double. On planifie des cours, des exercices et des travaux qui se peuvent se réaliser tant à distance qu’en classe. On n’a pas le choix. »

Mme Berbiche déclare : « je suis transparente avec mes élèves et je leur dis que je ne sais pas où nous allons être dans un mois. Il faut qu’ils réalisent leurs travaux comme si les évaluations seront toutes en classes, mais ils sont conscients qu’il y a des chances qu’elles aient lieu à distance et qu’il y aura une autre adaptation à faire. C’est ça notre réalité maintenant ».

L’intervenante et l’enseignante estiment que les masques engendrent la perte du côté humain du domaine de l’enseignement. Ils créent un mur entre le personnel et les élèves, mais font aussi en sorte que le contact direct avec les parents est pratiquement inexistant : les rencontres parents-enseignants seront virtuelles, cette année.

De son côté, l’intervenante continue à rencontrer quelques parents puisqu’elle travaille principalement avec des parents immigrants, récemment arrivés, qui nécessitent une assistance particulière. Malgré tout, elle explique que les communications avec les parents sont facilitées grâce à la COVID. Pour elle, un point positif de la transition au travail en ligne est qu’elle a accès à des outils de traduction et qu’elle peut donc communiquer avec ces parents dans la langue avec laquelle ils sont le plus à l’aise.