Alors qu’on pourrait croire que la pénurie de main d’œuvre observée cette année aurait un impact sur le bénévolat, deux associations de la ville de Québec, Opération Nez Rouge et Maison Revivre, expliquent qu’au contraire, celle-ci n’est pas un frein à leur recrutement de bénévoles. En effet, les Québécois qui s’engagent bénévolement ne le font pas pour les mêmes raisons que ceux qui occupent un emploi rémunéré. L’enjeu principal pour les organismes serait de recruter des bénévoles tout au long de l’année et pas seulement pour le temps des Fêtes. Elles ont alors recours à différentes stratégies de recrutement afin d’attirer davantage de bénévoles.

Danielle Vien, directrice en communication et marketing par intérim pour Opération Nez Rouge, explique que l’organisation ne manque pas de bénévoles mais pourrait faire mieux si elle en avait davantage. En effet, plus l’Opération Nez Rouge a de bénévoles, plus elle est capable d’optimiser son service et plus le service est rapide pour ses bénéficiaires, explique-t-elle.

Opération Nez Rouge est un service de raccompagnement gratuit qui est présent dans une soixantaine de régions du Québec et qui fonctionne grâce à l’implication d’un grand nombre de bénévoles chaque année. (Crédit photo : Isaure Patat)

D’après Mme Vien, si le recrutement de bénévoles se passe très bien pour la plupart des régions de la province, certaines petites municipalités, comme Alma ou Baie-Comeau, ont elles plus de mal à recruter. Dans ce cas, l’Opération Nez Rouge se munit de stratégies de recrutement préétablies en posant des actions au niveau des médias. Cette année, Mme Vien et son équipe ont noté une baisse de leur nombre de bénévoles et une baisse du nombre d’appels à l’échelle de la province, ce qui pourrait les inciter à user de ces stratégies avant la période des fêtes.

Cependant, la directrice ne voit pas ici de lien à faire entre la pénurie de main-d’œuvre et la diminution du nombre de bénévoles chez Nez Rouge.  L’organisation n’opère pas de jour sur les heures régulières de bureau, mais de soir, et elle ne rémunère pas ses bénévoles, au contraire des entreprises touchées par la pénurie de main-d’œuvre. La majorité des bénévoles de Nez Rouge sont des travailleurs qui donnent de leur temps le soir, après leurs heures de travail rémunérées.

Un recrutement plus facile durant les Fêtes

Même son de cloche du côté de Martin Maurice, le directeur de la Maison Revivre. D’après lui, le recrutement de bénévoles est moins difficile que l’année dernière, qui avait été assez difficile à ce niveau-là.  À l’heure actuelle, il explique que la Maison Revivre manque seulement de bénévoles pour servir le repas du midi durant les fins de semaine.

La Maison Revivre est un centre d’aide et d’hébergement pour itinérants de la Ville de Québec qui fonctionne exclusivement avec des bénévoles. (Crédit photo : Maison Revivre)

Pour Monsieur Maurice, la pénurie de main-d’œuvre n’influe pas non plus sur son recrutement de bénévoles, car son équipe ne compte aucuns salariés. « La plupart des organismes communautaires que je connais ont de la difficulté à trouver des gens pour des postes salariés, c’est là qu’il y a plus de difficultés. » Le bénévolat se différencie d’un poste rémunéré parce qu’il nécessite seulement quelques heures par semaine du temps du bénévole, alors qu’un salarié va faire jusqu’à cinq jours de travail avec des heures fixes et un salaire.

Néanmoins, à la Maison Revivre, le temps des fêtes est aussi un moment propice au recrutement de bénévoles. « Quand le temps de Fêtes approche, on a beaucoup de demandes de gens qui veulent venir faire notre service de repas du midi. », explique Monsieur Maurice. Beaucoup d’entreprises et d’organisations contactent la Maison afin de venir aider en groupe, pour le mois de décembre.

Des besoins tout au long de l’année

En effet, selon Maryline Fournier, directrice générale du Réseau de l’action bénévole du Québec (RABQ), les gens ont tendance à vouloir davantage s’impliquer lors du temps des Fêtes et lors de gros évènements, comme lors de catastrophes naturelles, qu’à d’autres périodes. « Les gens veulent s’impliquer de manière très spontanée, pourtant, les organismes n’ont pas besoin d’eux seulement pour ces périodes, mais à longueur d’année. »

Les bénévoles s’engagent souvent dans les organismes à temps partiel, en ayant à côté un emploi rémunéré à temps plein. (Crédit : RABQ)

Les organismes à but non lucratif ont toujours besoin de bénévoles. Les entreprises à but lucratif, elles, n’ont pas toujours besoin de salariés. La pénurie de main-d’œuvre est souvent passagère. Une fois les postes de travail comblés, les entreprises ne cherchent pas d’employés en plus, au contraire des organismes à but non lucratif qui cherchent des bénévoles à l’année longue.

Selon Mme Fournier, choisir entre un travail rémunéré et le bénévolat dépend des besoins de chacun et du temps que chacun a à donner. « Quelqu’un qui a besoin d’argent va être plus porté à se trouver un emploi rémunéré. Mais quelqu’un qui cherche à se créer un réseau social, à avoir du plaisir en équipe, à contribuer à une cause, et bien peu importe la pénurie de main-d’œuvre. S’il n’a pas besoin de travailler, il va se tourner vers le bénévolat, qui est beaucoup plus gratifiant. », compare Mme Fournier.

Stratégies de recrutement

Afin de recruter des bénévoles, Opération Nez Rouge use d’une campagne publicitaire, notamment avec son porte-parole qui est l’humoriste Alexandre Barette, mais aussi de campagnes de recrutement avec des affiches qui circulent sur les réseaux sociaux et des panneaux publicitaires . L’Opération utilise aussi beaucoup les médias traditionnels, en faisant des publicités ou des entrevues à la radio et à la télévision. Selon la directrice Mme Vien, l’organisation use aussi d’incitatifs de préinscription en proposant des concours, afin d’inciter les gens à s’inscrire.

Cette année, pour recruter des bénévoles et sensibiliser son public, Opération Nez Rouge utilise une campagne publicitaire mettant en vedette son porte-parole, l’humoriste Alexandre Barrette. (Crédit photo : Opération Nez Rouge)

Pour Maison Revivre, le recrutement se fait plus grâce au bouche-à-oreille ou en invitant les gens à venir visiter les maisons. L’année dernière, le directeur, M. Maurice, avait aussi fait des relances au Centre d’action bénévole du Québec (CABQ).

Selon François Bernard Malo, directeur du Certificat en gestion des ressources humaines et du Certificat en relations du travail à l’Université Laval, « le recrutement de bénévoles se fait essentiellement par cohabitation, c’est-à-dire par le bouche-à-oreille et par la référence de personnes qui sont déjà au service des organismes. » Mais il observe aussi aujourd’hui une tendance des organismes à but non lucratif à inclure des méthodes de recrutement copiées sur les entreprises privées, en utilisant les journaux, la radio, les médias sociaux et les affichages.

Les motivations à s’engager

D’après Monsieur Malo, pour attirer des gens à travailler ou à s’engager dans une entreprise à but lucratif ou à but non lucratif, on peut mettre de l’avant trois choses : « l’attachement affectif, l’attachement monétaire et l’attachement de continuité. » Pour les organismes à but non lucratif, c’est l’attachement affectif qu’on met en avant explique-t-il, puisque le bénévolat n’est pas rémunéré : les organisations vont insister sur la cause ou le partage de leurs objectifs et de leurs valeurs. Selon Monsieur Malo, cela implique donc que le bassin de recrutement est beaucoup plus restreint, parce que les gens ne seront pas payés pour faire un travail qui, à un autre endroit ou à une autre époque, pourrait être rémunéré.

« Les gens travaillent dans le but de recevoir une contrepartie. Pour le bénévolat ce n’est pas une contrepartie monétaire mais plus une contrepartie symbolique. On s’implique dans quelque chose parce qu’on croit à la cause ou aux valeurs que défend l’organisme. », explique Monsieur Malo.

Être touché par la cause est aussi une motivation pour maintenir son engagement auprès de l’organisme. (Crédit photo : RABQ)

Les gens qui font du bénévolat ne le font donc pas pour les mêmes raisons que ceux qui occupent un emploi rémunéré. La notion de temps à consacrer à une cause est aussi un critère important. Occuper un emploi ou être à la retraite ne laisse pas les mêmes dispositions à faire du bénévolat. L’attachement de continuité est aussi important pour le bénévolat : les gens qui s’impliquent pour une organisation peuvent le faire dans une perspective de moyen ou long terme.

Cependant, selon Monsieur Malo, cette nouvelle tendance des organismes sans but lucratif à recruter comme les entreprises privées aurait des effets pervers chez les bénévoles. En effet, les organismes ne recrutent plus des gens qui croient vraiment en leur cause, mais des gens ayant des compétences spécifiques. Les bénévoles se sentent exploités pour des compétences pour lesquelles ils ne sont pas rémunérés, et cela a un impact sur leur satisfaction au travail et sur leur attachement à l’organisation. Cela pourrait expliquer la difficulté des organismes à conserver leurs bénévoles.

Pour remercier les bénévoles

Afin de remercier et souligner la contribution des deux millions de bénévoles du Québec, le Réseau de l’action bénévole du Québec tient chaque 5 décembre de l’année, la Journée internationale des bénévoles, mais aussi la Semaine de l’action bénévole, qui a lieu en avril. La vidéo qui suit explique ces deux initiatives, qui permettent aussi d’inciter les citoyens à s’engager bénévolement.