Un article publié en 2024 dans la revue Cell par Mendez-Gomez et ses collègues présente une nouvelle approche vaccinale pour le traitement des tumeurs cérébrales agressives, telles que le glioblastome. Lors de cet essai clinique, les chercheurs ont recruté trois patients adultes atteints de glioblastome primaire. Ils ont ensuite créé un vaccin personnalisé à base d’ARNm en utilisant des échantillons de tumeurs de chaque patient. Ce vaccin, conçu pour stimuler une réaction du système immunitaire, a été administré par petites doses pour s’assurer de la sécurité et de la tolérance du traitement. Les patients ont également suivi leurs traitements habituels, comme la chirurgie et la radiothérapie, pour voir comment le vaccin pouvait être intégré aux soins existants.
Les premières observations ont montré une transformation rapide du système immunitaire des patients. Selon Elias Sayour, oncologue pédiatrique et co-auteur de l’étude, dans une entrevue publiée par l’UF Health Cancer Center, en moins de 48 heures, les tumeurs sont passées d’un état « froid », avec très peu de cellules immunitaires et une réponse immunitaire silencieuse, à un état « chaud », caractérisé par une réponse immunitaire très active.
Depuis des décennies, la communauté scientifique nourrit l’ambition de développer un vaccin capable de mobiliser le système immunitaire pour cibler et détruire les cellules cancéreuses. Inspirée par les succès des vaccins contre les maladies infectieuses, cette approche vise à entraîner notre corps à reconnaître les tumeurs comme des intrus à éliminer. Cependant, cet objectif se heurte à de nombreux obstacles. Les cellules cancéreuses possèdent une grande capacité d’adaptation et de mutation, ce qui leur permet souvent d’échapper aux défenses immunitaires. Malgré les efforts, les résultats ont longtemps été limités, laissant les scientifiques face à un défi de taille. Toutefois, les avancées récentes dans ce secteur laissent entrevoir le développement prochain des vaccins efficaces contre le cancer.
L’une des principales difficultés réside dans la diversité des cellules cancéreuses au sein d’une même tumeur. Certaines cellules peuvent être sensibles aux traitements, tandis que d’autres peuvent y résister. De plus, ces cellules peuvent évoluer, ce qui leur permet d’échapper aux traitements au fil du temps. Cette diversité et cette capacité d’adaptation des cellules cancéreuses compliquent considérablement leur éradication par les traitements classiques, tels que la chimiothérapie ou la radiothérapie. Avec cette nouvelle approche personnalisée, le vaccin est conçu pour s’adapter à ces différences et changements, offrant ainsi une réponse plus ciblée et potentiellement plus efficace.
Une révolution inspirée des vaccins covid-19
La pandémie de COVID-19 a marqué un tournant dans l’histoire des vaccins, notamment avec l’utilisation de l’ARNm. Cette technologie a permis de développer rapidement des vaccins efficaces contre le virus, ce qui a inspiré les chercheurs à l’utiliser pour créer des vaccins thérapeutiques contre les cancers. Contrairement à d’autres plateformes de vaccination, les vaccins à base d’ARNm offrent des avantages significatifs, notamment leur polyvalence et leur rapidité de fabrication.
L’ARNm ne se contente pas de fournir un « plan » pour fabriquer les antigènes spécifiques aux cellules cancéreuses. Il stimule également le système immunitaire en amplifiant la réponse contre ces cellules, rendant ainsi les vaccins plus efficaces. Cette combinaison de rapidité, de flexibilité et d’efficacité fait des vaccins à ARNm une technologie prometteuse, non seulement pour lutter contre les infections, mais aussi contre divers types de cancers résistants.
Contrairement aux vaccins traditionnels qui sont “généraux”, ce vaccin utilise des cellules tumorales spécifiques du patient pour personnaliser le traitement. Le but est de cibler des protéines présentes uniquement dans les cellules cancéreuses. Les auteurs expliquent que cette approche personnalisée repose sur l’utilisation d’échantillons de tumeurs spécifiques aux patients pour créer un vaccin capable de cibler des antigènes uniques aux cellules cancéreuses.
« Nous injectons des agrégats de particules qui s’enroulent les unes autour des autres comme des oignons, comme un sac plein d’oignons, et la raison pour laquelle nous avons fait cela dans le contexte du cancer est que ces agrégats alertent le système immunitaire de manière beaucoup plus profonde » a déclaré Sayour.
En extrayant l’ARN de la tumeur et en l’encapsulant dans des particules, les chercheurs ont pu adapter le vaccin à chaque patient, augmentant ainsi la probabilité d’une réponse immunitaire efficace contre la tumeur. Ce procédé permet de surmonter l’un des principaux défis liés au traitement des cancers, à savoir l’hétérogénéité et la capacité d’évolution des tumeurs.
Un long chemin
Bien que prometteuse, cette étude reste une étape préliminaire. Le processus de développement d’un nouveau vaccin ou médicament implique plusieurs phases d’essais cliniques, chacune visant à évaluer la sécurité, l’efficacité et les effets secondaires à plus grande échelle. Ces étapes peuvent prendre des années avant d’aboutir à une approbation par les autorités de santé.
Il est également important de rappeler que de nombreux vaccins, initialement prometteurs lors d’études précliniques, ont démontré un succès très limité en termes de bénéfice clinique. À ce jour, seuls quelques vaccins thérapeutiques ont reçu l’approbation des autorités de santé. Il faudra donc encore du temps avant que ce vaccin puisse être utilisé en pratique clinique.