Le bruit d’un briquet qui allume, le pop d’une bouteille de pilules, la musique d’une fête qui s’efface dans le fond… précèdent l’étreinte chaleureuse et euphorique de la drogue. Les méfaits et décès associés aux opioïdes et aux stimulants ont été décrits comme une crise de santé publique. Selon l’Agence de la santé publique du Canada, vingt individus meurent chaque jour d’une intoxication aux opioïdes dans notre pays.
Le traitement d’une surdose nécessite l’intervention d’un témoin et l’accès immédiat à la naloxone, le médicament de premier soin. Cependant, la plupart des surdoses ont lieu lorsque les consommateurs sont seuls et incapacités.
Une équipe de 26 chercheurs de Northwestern University et Washington University School of Medicine ont entrepris de construire un appareil de secours autonome pour traiter les surdoses d’opioïdes. Ils ont partagé leurs résultats en octobre 2024 dans la revue ScienceAdvances.
Une intervention instantanée
Le Naloximètre placé sous la peau est doté d’un capteur qui enregistre continuellement le niveau d’oxygène dans les tissus. Ce détecteur optique utilise deux longueurs d’ondes rouges. L’hémoglobine absorbe ces rayons à des niveaux différents lorsqu’elle est attachée ou non à de l’oxygène. Lorsque le taux d’oxygène baisse soudainement et une surdose est détecté, l’appareil relâche dans le sang une dose de naloxone. Simultanément, une alerte est envoyée aux premiers intervenants.
Les chercheurs ont développé non pas un, ni deux, mais bien trois différentes versions du Naloximètre. Le premier sert à étudier cet appareil dans des modèles animaux, et les deux autres peuvent être adaptés pour les humains. Ces trois appareils utilisent le même mécanisme de détection, mais une méthode de relâchement du médicament différente. Pour l’instant, ces prototypes ont été testés seulement sur des rongeurs et des porcins.
Une population vulnérable
Les individus en sevrage ou en détoxification sont 10 à 16 fois plus à risque de surdose fatale dans les mois suivant leur début de sobriété. Selon les chercheurs, le Naloximètre pourrait être proposé aux patients qui sont en rétablissement, avant la fin de leurs traitements.
Cependant, cette technologie semble exclure les groupes les plus à risque d’une surdose. Les personnes sans domicile sont surreprésentées parmi les décédées d’une intoxication. Le cadre d’accès potentiel à cet appareil n’a pas été souligné dans l’article. Les chercheurs affirment néanmoins que « les inconvénients tels que l’adhésion des patients et l’abus potentiel d’une plateforme facilement remplaçable sont des questions éthiques essentielles à prendre en compte. »
Avant que cette technologie soit mise à pied, plusieurs études et améliorations doivent suivre. Les effets à long terme du Naloximètre doivent être évalués, la durée de vie de la batterie doit être allongée et des senseurs additionnels devront être installés pour éviter des faux diagnostics.
Les situations précaires auxquelles font face les dépendants pourraient les éloigner des appareils semi-permanents tels que le Naloximètre. Les chercheurs mentionnent dans leur article que cet implant pourrait être plutôt développé en appareil portable pour adresser certains enjeux éthiques.
Cette nouvelle technologie ne se limite pas à l’intervention pour soigner des surdoses. La co-autrice Joanna Ciatti a affirmé dans un communiqué que « le Naloximètre est une plateforme de validation de concept qui ne se limite pas à la crise des opioïdes ». Cet appareil pourrait être adapté pour traiter d’autres urgences médicales telles que des crises d’épilepsie ou une réaction allergique sévère.
Qu’est-ce qu’une surdose et comment intervenir?
Une surdose survient lorsqu’une trop grande quantité d’une substance est consommée ou lorsqu’un médicament est combiné à d’autres. Plusieurs symptômes surviennent : perte de conscience, pupilles contractées, peau froide, lèvres bleues. Le plus grand danger survient lorsque le médicament interagit avec la partie du cerveau qui gère notre respiration. Une dépression ou une insuffisance respiratoire s’en suit, et peut causer la mort. Les surdoses ne sont pas tout le temps fatales. Lorsque la naloxone (Narcan®) est administrée, les effets de surdose sont temporairement neutralisés. Les récepteurs du cerveau responsables des effets de surdose préfèrent se lier à la naloxone plutôt que les opioïdes. Les molécules d’opioïdes sont alors éjectées. C’est ce que les experts appellent une inhibition compétitive. |