Cette question anodine et pouvant faire rigoler quelques voyageurs revenant au pays n’est pas sans importance pour les éleveurs de volailles et tout ceux qui surveillent activement la propagation de la grippe aviaire H5N1.

Cette souche du virus de l’influenza hautement pathogène se transmet rapidement entre les oiseaux infectés. Elle se propage particulièrement par la migration des oiseaux, mais pas uniquement. « Ça s’est répandu aussi de façon globale avec le trafic humain, les échanges commerciaux et aussi les oiseaux migratoires », explique la Dre Martine Boulianne, professeur titulaire à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal.

Pour l’industrie avicole, « c’est sûr qu’il y a des inquiétudes, surtout qu’il y a des cas en hiver, ce qui n’était pas la donne avant », témoigne le représentant média des Éleveurs de volailles du Québec.

Les cas de grippe aviaire en hiver représentent une nouvelle réalité qui devrait se produire plus fréquemment dans le futur. « Il y a eu aussi certains changements climatiques qui font que les courants habituels de migration des oiseaux migratoires ont été ont été modifiés », souligne la Dre. Boulianne. Ceci implique que les oiseaux se déplacent dans des zones qu’ils n’avaient pas l’habitude de fréquenter, et ce, à des moments inhabituels. Cette augmentation des déplacements favorise grandement la transmission du virus à travers le monde et explique l’explosion des cas de grippe H5N1 chez les oiseaux depuis 2020. Depuis le début de 2023, on rapporte déjà cinq éclosions dans des élevages de volaille au Québec, qui, selon la Dre Boulianne, auraient pu être infectés par des oiseaux sauvages étant restés au Québec plus tard à cause du temps doux, autre signe des changements climatiques.

Du côté des éleveurs

Pour éviter de répéter l’expérience de l’an dernier, où plus d’un demi-million d’oiseaux d’élevage avaient été abattus au Québec, les éleveurs ont des mesures à respecter. « On a beaucoup insisté auprès des éleveurs pour que [les protocoles de biosécurité] soient respectés, les mesures ont également été rehaussées », témoigne l’organisation des Éleveurs de volailles du Québec.

Les mesures de prévention de la contamination ne se limitent pas à ce qui se passe dans les poulaillers et les éleveurs sont avertis de prendre des précautions lorsqu’il y a du « travail au champ avec les oiseaux migrateurs, parce qu’on a isolé [des virus de la grippe H5N1] aussi dans la bouette ». Afin de minimiser les risques de contagion de leur volaille, les éleveurs doivent aussi « prendre en considération que tout l’équipement qui va à l’extérieur au champ ne devrait pas aller dans les poulaillers » rapporte Dre Boulianne.

La collaboration « avec les couvoirs, avec les meuniers qui approvisionnent la ferme, l’industrie à la fin de la période d’élevage » et tous ceux qui fréquentent les fermes est aussi nécessaire afin d’éviter la propagation entre les différents élevages.

De la transmission au-delà des oiseaux?

La transmission entre les espèces d’oiseaux et vers les mammifères est documentée et s’avère de plus en plus fréquente. S’ajoute à cela une adaptation du virus qui lui permet la transmission entre les espèces de mammifères, tel que le rapporte un article paru au début de février dans le  . Cet article présente une longue liste de mammifères ayant été infectés par la grippe H5N1, parmi lesquels on retrouve mammifères marins, félins et autres carnivores.

L’article souligne que la contamination du vison par ce virus est particulièrement inquiétante. Celle-ci fut rapportée pour la première fois dans un élevage espagnol en octobre 2022 par la revue Eurosurveillance Bien que des employés de l’élevage aient été en contact avec des animaux infectés, la transmission aux humains n’a pas été identifiée dans cette situation. Toutefois, l’analyse des mutations du virus indiquent sa capacité à se répliquer davantage dans les mammifères que d’autres souches isolées précédemment.

Bien que la transmission vers et entre les mammifères soit de plus en plus inquiétante, les infections humaines causées par le virus de l’influenza H5N1 sont très rares pour l’instant, soit environ 900 infections depuis 20 ans. La transmission entre humains n’a pas été répertoriée, mais n’est pas impossible dans le futur. En effet, le virus continue de circuler parmi la faune sauvage, un processus qu’il ne nous est pas possible de surveiller étroitement, et donc, de comprendre suffisamment pour brosser un portrait exact des transmissions globales du virus. La santé publique garde donc un œil sur la situation qui évolue rapidement.