Si en 2017, le mouvement #metoo a secoué le monde occidental, depuis de nombreux cas de harcèlements sexuels ont secoué le reste de la planète. De l’Asie à l’Afrique, beaucoup de voix féminines se sont élevées pour dénoncer une réalité qui les concerne depuis bien plus longtemps que ce mouvement. Le vendredi 8 novembre dernier, la publication du témoignage de la photographe française Valentine Monnier, dans lequel elle déclare avoir été violentée et violée en 1975 par le cinéaste multi récompensé Roman Polanski, a relancé le débat autour de la question du harcèlement sexuel des femmes dans le milieu des arts. Aujourd’hui encore, le milieu culturel et, a fortiori, le cinéma demeurent le lieu d’expression le plus fort de ce phénomène social à l’échelle internationale.

 

En Inde, le mouvement #metoo aura mis un an avant de susciter le même intérêt qu’aux États-Unis ou L’Europe. En septembre 2018, une ancienne actrice phare de Bollywood, Tanushree Dutta crée une onde de choc en accusant, via la plateforme Twitter, l’acteur Nana Patekar de l’avoir harcelée sexuellement. Cette dénonciation publique, une première dans le pays, a provoqué celle de nombreuses autres actrices et journalistes qui ont subi, elles aussi, du harcèlement de la part de collègues masculins. La vague continue de toucher le milieu du cinéma et même celui de la politique avec la mise en accusation du ministre du gouvernement de Narenda Modi, M.J. Akbar, par 6 jeunes femmes.

Si dans certains cas ces accusations ont une répercussion dans l’avenir de leur profession, bien souvent ces hommes échappent aux sanctions. Ce fut le cas du compositeur Anu Malik qui a été écarté de l’équipe de jurés de l’émission Indian Idol en octobre 2018 puis a intégré de nouveau le casting de l’émission en septembre 2019 avant d’être de nouveau retiré, temporairement, du programme le 22 novembre dernier.

Les accusations se sont depuis multipliées, mais elles restent réservées à certaines classes privilégiées de la société. Selon Audrey Dugast, journaliste à l’origine d’un podcast consacré au cinéma indien intitulé Kitsch party, le milieu du cinéma en Inde reste encore très fermé. Bien que les actrices fassent un effort soutenu pour dénoncer les violences sexuelles sur les réseaux sociaux « plus l’homme est puissant, plus l’omerta est lourde, parce-que c’est un milieu qui fonctionne par relations et peu par castings ». En 2018, une étude publiée par la Thomson Reuters Fondation, conclut que l’Inde est le pays le plus hostile aux femmes notamment selon la question du risque de violences et de harcèlement sexuel contre les femmes et des nombreux viols commis dans ce 2ème pays le plus peuplé du monde.

#enazeda, la réponse Tunisienne

Plus récemment et dans un tout autre coin du monde, en Tunisie, le mouvement #metoo semble être bien arrivé. Le 10 octobre dernier, une jeune fille publie une photo d’un élu du parti populaire démocrate ‘’Qalb Tounes’’, Zouheir Makhlouf qui s’adonnait à des plaisirs sexuels dans sa voiture devant un lycée. Le cliché est devenu viral et a suscité l’indignation de la société civile qui réclame dans les rues le départ du député de ses fonctions parlementaires. Depuis, ce sont de nombreuses jeunes femmes qui dénoncent, à leur tour et à coup de #enazeda (traduction littérale de #metoo) le harcèlement dont elles ont été victimes sur Facebook et Twitter.

Le 18 novembre dernier, lors de la 3ème édition du festival de musique électronique «les Dunes électroniques» dans le sud de la Tunisie, un nouveau pas a été franchi dans la lutte contre le harcèlement sexuel dans ce pays connu pour être progressiste et favorable aux femmes. L’association «Aswat Nissa» («voix des femmes») a mené une campagne inédite de prévention du harcèlement sexuel lors de ce festival très populaire du pays en distribuant notamment des sifflets afin de générer du bruit en cas de risque. Des patrouilles spéciales et un stand ont aussi étés aménagés afin de veiller au bon déroulement de cet événement où les risques de dépassement sont plus élevés.

Bien que les langues commencent à se délier, le tabou reste encore très présent en Tunisie où la question des relations intimes et de la violence conjugale n’est abordée que dans certains feuilletons « ramadanesques » ou films d’auteur. Le domaine du cinéma est connu en Tunisie pour être plus élitiste tandis que la télévision reste le média le plus populaire auprès des couches moins aisées de la population selon la dernière étude du programme d’Appui aux Médias en Tunisie de 2019.