Depuis près d’une décennie, le conflit au Yémen fait rage dans l’indifférence la plus totale de l’opinion publique internationale. Ce conflit affecte des millions de Yéménites à travers une importante famine dans le pays. Une grave conjoncture économique détruite et un taux de chômage important ont plongé les Yéménites dans une situation d’extrême pauvreté. Alors pourquoi en parle-t-on beaucoup moins dans les médias ?

Les médias parlent peu de l’actualité internationale, et préfèrent se focaliser sur une actualité nationale, pour être sûr d’intéresser une certaine audience. Les rédactions, sans surprise se contentent d’une couverture sur des pays plus « importants », comme les États-Unis, la Russie, la Chine, les principales puissances européennes. Il y a un vrai problème d’intérêt du grand public pour l’actualité internationale, et le conflit yéménite est l’un des grands oubliés.

La loi du kilomètre

Dans la sphère journalistique, les professionnels évoquent souvent « la loi du mort-kilomètre » dans la couverture des guerres. Ce principe, voudrait que les médias, les décideurs, et les citoyens dans un pays, aient tendance à montrer un intérêt moindre pour un conflit armé, lorsque celui-ci est éloigné géographiquement. Laurent Bonnefoy, chargé de recherche au CNRS, politologue, et spécialiste des mouvements salafistes et de la péninsule arabique contemporaine, explique : « Le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022 a été l’occasion 

(Photo : Laurent Bonnefoy)

de dénoncer le « deux poids deux mesurent » des réactions occidentales ».

La complexité du conflit

Pour les médias, le défi de contextualisation et de vulgarisation d’un conflit pour une audience « novice » est de taille. En effet, la complexité d’un conflit régionalisé qui perdure depuis 2015 va demander un cadrage et une simplification dans son traitement. « Il est difficile de savoir qui sont les gentils et qui sont les méchants, ça a une implication sur la possibilité de développer une forme de récit pour les médias », selon Laurent Bonnefoy.

Manque de journalistes 

Il faut également prendre en compte dans le manque de couverture du conflit yéménite, le manque de journalistes internationaux dans le pays. Il est difficile pour les journalistes d’accéder à cette zone puisque les autorités locales réglementent fortement l’accès. De plus, la couverture médiatique dans le pays n’est pas indépendante, puisque la presse est contrôlée par les parties prenantes du conflit.

Les conséquences

Le manque d’attention médiatique sur le Yémen va avoir un impact sur la manière dont la communauté internationale va réagir face à cette crise. Pour Laurent Bonnefoy, « un des enjeux, c’est la pression exercée sur les belligérants, notamment les Émirats arabes unis. Ça implique un laisser-faire par les États-Unis, et les puissances européennes, soutenant la fédération ». Le chercheur souligne également que les décideurs politiques ont une connaissance très limitée du conflit et met en évidence les intérêts politiques et économiques des pays occidentaux, notamment à travers la vente d’armes.

Le conflit

Illustration : AFP, AP, Reuters

Le Yémen a été historiquement divisé entre le Nord et le Sud avant de s’unifier en 1990. Des tensions entre les groupes du Nord dont les houthis du nom de leurs dirigeants Hussein Badreddine al-Houthi et ses frères et le gouvernement central. En 2011, en plein printemps arabe, les manifestations populaires ont éclaté dans le pays, réclamant le départ du président Ali Abdullah Saleh. En 2014, dans un pays entièrement divisé, les houthis ont profité du vide politique pour prendre la capitale Sanaa, provoquant ainsi, la fuite du président Abd-Rabbu Mansour Hadi en Arabie saoudite. Depuis 2015, et en réponse à l’avancée houthis soutenue par la République islamique d’Iran, une coalition militaire dirigée par l’Arabie saoudite a lancé une campagne aérienne en soutien aux forces loyalistes yéménites.

Depuis 2014, la guerre du Yémen aura causé la mort de plus de 380 000 personnes selon l’ONU, victimes directes et indirectes du conflit.