Le 27 octobre 2014, deux journalistes français, Valentine Bourrat et Thomas Dandois, étaient libérés par la justice indonésienne. Ces deux reporters avaient été écroués durant deux mois et demi pour avoir mené une enquête journalistique sous visa de tourisme en Nouvelle-Guinée Occidentale. Les autorités voient en effet d’un mauvais œil tout reportage sur les terres des ethnies papoues. Plusieurs organismes non gouvernementaux accusent l’Indonésie de masquer derrière ce manque de transparence de graves violations des droits de l’homme, voir un génocide au ralenti.
Un conflit violent oppose depuis 1969 les mouvements séparatistes papous menés par l’Organisation pour une Papouasie Libre (OPM) et les forces indonésiennes. Bien qu’il soit difficile de vérifier ces chiffres, certaines sources estiment qu’entre 150 000 et 500 000 Papous auraient été tués sous l’occupation indonésienne. À ce bilan s’ajoutent de fréquentes accusations de viols et de torture portées contre l’armée stationnée sur place et la police locale.
M. Octavianus Mote, l’un des porte-parole de la cause séparatiste, soutient que les Papous sont devenus minoritaires en Nouvelle-Guinée Occidentale. « En Papouasie, colonisée depuis 1969, les Papous sont aujourd’hui minoritaires sur leurs terres natales. Ils devraient représenter moins de 15 % de la population en 2030, contre 96 % en 1971 », a-t-il affirmé au Monde Diplomatique au début de l’année. Cette situation ne serait pas seulement causée par la violence du conflit. Elle serait également le résultat de l’importante immigration javanaise en Nouvelle-Guinée, fortement encouragée par les autorités indonésiennes.

La lutte pour l’indépendance
Troisième plus grande île de la planète, la Nouvelle-Guinée est divisée en deux parties héritées de son passé colonial. La partie Est, jadis propriété des Britanniques, porte le nom de Papouasie Nouvelle-Guinée et est indépendante. La partie Ouest appartient à l’Indonésie depuis 1963. Les Pays-Bas avaient l’intention de donner son indépendance à la Nouvelle-Guinée Occidentale en 1961 mais une invasion indonésienne vint bousculer ces plans. En 1963, après deux ans de conflit, l’accord de New York conférait la responsabilité administrative de la Nouvelle-Guinée Occidentale à l’Indonésie.
En réalité c’est un référendum tenu en 1969 qui a réellement fait de cette moitié d’île une province indonésienne. Cette consultation, baptisée « l’acte du libre choix » est restée un souvenir amer pour les militants séparatistes. En effet 1 026 Papous triés sur le volet et encerclés par des hommes en armes ont dû représenter un million de leurs compatriotes lors de ce vote.
La fin du règne du dictateur Suharto en 1998 et l’indépendance du Timor Oriental, redonna espoir aux séparatistes papous. Mais l’élection à la présidence indonésienne de Megawati Sukarnoputri en 2001 marqua la fin d’une brève période d’ouverture. Celle-ci affirma alors que l’Indonésie ne serait jamais complète sans la Papouasie. Elle proposa alors que la Papouasie obtienne un statut d’autonomie spéciale. Cette proposition fut rejetée en bloc par les leaders papous. Le 10 novembre 2001, Theys Eluay, président du présidium papou, est retrouvé mort, assassiné. Cette date marque un renouveau dans les violences liées au conflit séparatiste.
L’attachement de l’Indonésie à la Nouvelle-Guinée Occidentale s’explique en partie par la présence de ressources naturelles précieuses dans le sous-sol de l’île. On y trouve notamment la mine Grasberg, la plus grande mine d’or au monde, exploitée par la compagnie américaine Freeport-McMoRan. D’importants gisements de gaz ont également attiré de puissantes compagnies occidentales comme le géant américain ExxonMobile et le français Total.
Une voix sur la scène internationale
Les séparatistes papous attendent peu de choses du nouveau président indonésien Joko Widodo, élu en octobre 2014. Leurs espoirs sont davantage tournés vers le Groupe Mélanésien Fer de Lance (GMFL), une organisation qui regroupe plusieurs pays et organisations mélanésiennes. Une représentation de la cause papoue dans ce groupe permettrait aux séparatistes d’obtenir une voix auprès des institutions internationales. La diversité au sein de la communauté papoue, qui rassemble plusieurs centaines d’ethnies, a longtemps été un obstacle à sa cohésion. Mais le 6 décembre 2014 les trois principaux groupes séparatistes se sont unis pour former le Mouvement uni pour la libération de la Papouasie Occidentale (Mulpo). Cette union rend désormais possible l’entrée de ce groupe au GMFL.

















