Le Parti Pirate allemand aurait pu être l’une des plus belles réussites du Parti Pirate international. Né en 2009, il se place comme la troisième force politique d’Allemagne dès 2012. Mais rapidement la machine s’essouffle. Aujourd’hui, le progrès fulgurant du parti est un lointain souvenir, écrasé par l’avancée des eurosceptiques. La lutte pour les libertés individuelles a-t-elle toujours sa place dans la politique allemande actuelle ? Retour sur l’histoire du Piraten Partei, peut-être déjà sur sa fin.

En 2009, le gouvernement fédéral allemand adopte une loi contre les sites contenant de la pédopornographie. Le Parti Pirate s’y oppose fermement. Non pas contre la mesure elle-même, mais contre les moyens employés. En effet, ceux qui se placent comme les défenseurs des libertés individuelles, y voient la naissance d’un outil de censure sur Internet. Le Piraten Patei, le Parti Pirate allemand, est né, et devient très vite la troisième force politique à l’échelle fédérale.

Les premières élections législatives du parti, en 2012, marquent aussi l’apogée du mouvement. Avec 13% des intentions de vote (institut Forsa), le tout jeune parti vient devancer les Grünen, le parti vert. Il ramasse des voix de tous les côtés : avant tout chez les jeunes de la génération Y hyper connectée, mais aussi chez les écologistes et les libéraux. Enfin, il parvient à mobiliser 20% des abstentionnistes. Finalement, il gagnera des sièges dans trois des seize Länder. Dans la Sarre en mars, le parti obtient quatre sièges sur 51. Dans le Schleswig-Holstein au nord, en mai, il remporte six des 69 sièges du parlement. Et enfin, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, le land le plus peuplé d’Allemagne, les Pirates obtiennent 20 sièges sur 237. Ainsi, ils frôlent les 10% des voix dans trois Länder.

Le plus étonnant dans ces résultats est la capacité du Piraten Partei à percer les bulles des grandes villes pour toucher des Länder plus ruraux. Berlin, qui aurait pu faire figure d’exception avec ses 8,9% accordé au parti en septembre 2011, a au contraire été le moteur d’un mouvement plus général. Les pirates ne sont donc pas seulement des jeunes geeks, adeptes du téléchargement illégal. Les problématiques soulevées dépassent, difficilement certes, le cadre des libertés individuelles sur Internet. Avec l’expérience, le programme s’est étoffé et s’est porté sur les propositions plus politiques comme la création d’un salaire minimum, la gratuité des transports en commun, la transparence du gouvernement ou la légalisation du cannabis. Programme en constante remise en question, et soumis à l’avis des citoyens qui peuvent s’exprimer en ligne : les Pirates s’engagent à respecter leur volonté. Le parti est pourtant montré du doigt pour son manque de sens des responsabilités par les partis historiques. Mais pour la chancelière Angela Merckel, cette percée est un « vote contestataire à prendre au sérieux ».


Reportage de la chaine franco-allemande Arte sur le Piraten Partei, en 2012.

Le parcours du Piraten Partei fait d’abord penser à celui des Grünen. De mouvement de contestation, ils deviennent une force politique qui crée une nouvelle voie. Comme l’écologie, la protection des libertés devient un argument politique et les partis sont appelés à se prononcer sur ces questions. Mais cette percée retombe rapidement après 2012. Les intentions de vote chutent. Les espoirs d’entrer au Bundestag, le parlement fédéral, s’envolent petit à petit. En janvier 2013, les Pirates n’obtiennent que 2,1% des voix en Basse-Saxe, loin des 5% nécessaires pour placer des élus. En 2016, un nouveau scrutin à Berlin, n’accordent au parti que 1,7% des voix. Les Pirates quittent le parlement de la capitale.

Influence du parti Pirate en Allemagne, 2012
Influence du Piraten Partei en Allemagne, 2012

En 2013, le paysage politique allemand est à nouveau bouleversé. Cette fois-ci, c’est un parti eurosceptique : l’AfD, l’alternative pour l’Allemagne, créé en 2013, qui vient redessiner la carte politique du pays. Présents dans les parlements de 10 des 16 Länder en 2016, les eurosceptiques réalisent une véritable performance et rassemblent jusque 24,3% des suffrages en Saxe-Anhalt. Le parti peut être apparenté à un populisme de droite et se veut antisystème. Se distinguer des partis traditionnels, une position qui pourrait expliquer le ralentissement du Piraten Partei qui n’a plus progressé depuis 2012. L’AfD pourrait donc être aussi une alternative aux Pirates.

En 2017, les mandats de cinq ans du Piraten Partei prendra fin dans la Sarre, dans le Schleswig-Holstein et dans la Rhénanie-du-Nord-Westphalie. C’est alors que les Pirates sauront s’ils parviendront à garder une place dans le paysage politique allemand ou si leur histoire s’arrête là.