Sur plusieurs campus universitaires de la province, on voit apparaître une diversité alimentaire répondant de plus en plus aux préoccupations écologiques des étudiants et à leur curiosité culinaire. Les cafés de l’Université Laval n’y font pas exception, avec en tête le café Fou Aeliés, en proposant maintenant sur place des barres énergétiques à base… de poudre de grillons!

Petit à petit, ces barres énergétiques ont commencé à s’implanter dans les cafés étudiants du Québec, en commençant par le HEC Montréal. Ont ensuite suivis ceux de la Polytechnique, de l’UQAM, de l’Université Concordia, et bien entendu, ceux de l’Université Laval.  William Walcker, co-fondateur de Näak, qui propose des produits dérivés d’insectes, a été agréablement surpris de l’engouement pour ses barres aux grillons. Pour lui, l’offre répond aux valeurs de développement durable chère aux universitaires.

D’abord destinés à être une source équilibrée de nutriments facile à transporter pour les sportifs, le fondateur de l’entreprise basée à Montréal s’est vite rendu compte que l’aspect écoresponsable de ses aliments rejoignaient davantage les étudiants.

« La réduction de notre consommation en viande de moitié d’ici 2050 pour limiter notre impact sur le réchauffement climatique est une raison d’être importante pour Näak », affirme M. Walcker. « En revanche, on pense que pour atteindre la masse, ce ne sont pas encore des raisons « suffisantes » pour toucher tout le monde », ajoute ce dernier. « Ça touche une minorité de personnes qui est suffisamment éduquée, et c’est pour ça je trouve que ce message là raisonne énormément dans les universités. »

Sans pour autant avancer de chiffres, William Walcker observe une augmentation constante de l’intérêt envers les barres à base de grillons. L’intérêt pour les barres énergétiques a atteint des sommets sur les campus au cours de la session d’automne 2019, remarque d’ailleurs Walckler.

Le bouche à oreille et la présence sur les réseaux sociaux semblent en effet faire leur œuvre chez les étudiants d’après l’entrepreneur. L’entreprise Näak mise sur la présence d’ambassadeurs dans les différents campus. « On travaille énormément avec les associations étudiantes », explique le co-fondateur. La compagnie accorde toutefois une liberté quasi complète sur la stratégie de communication à adopter par ces ambassadeurs, qui ne sont pas encore présents sur tous les campus où l’entreprise vend ses produits.

Des insectes à la demande populaire

Au café Fou Aeliés situé dans le pavillon Desjardins, la devise « le client est roi » prend tout son sens. Depuis l’automne 2018, des barres contenant de la poudre de grillons sont offertes directement au comptoir, à côté des sandwichs, biscottis et autres collations plus… classiques.

« C’est du côté des étudiants qu’il y a eu une demande, tout simplement », commence Marie-Ève Duchesne, attachée aux communications de l’Association des étudiantes et étudiants de Laval inscrit aux études supérieures (AELIÉS). « On nous a demandé si on pouvait acheter des barres Näak, parce qu’ils en avaient déjà entendu parler et ils voulaient qu’il y en ait au Fou Aeliés. »

Elle ajoute par ailleurs que ce ne sont pas que des étudiants végétariens ou véganes qui ont lancé ce mouvement : le profil des consommateurs est plutôt varié selon elle. En plus de répondre aux valeurs écologiques des étudiants, les barres de grillons servent à créer une diversité dans les aliments vendus sur place, croit la responsable des communications.

Le mot d’ordre des gestionnaires du café était clair : Il fallait faire changement des aliments offerts par la concurrence, comme l’explique en entrevue Marie-Ève Duchesne.

 

 

« Les étudiants ont vraiment poussé pour que le directeur du café puisse en acheter pour avoir des produits différents », explique cette dernière.

Nutrition et grillon : attention à l’exagération

D’un point de vue nutritif toutefois, les barres dites énergétiques à base de grillons ne sont pas nécessairement aussi avantageuses que leurs contreparties à bases de noix, de plantes ou de viande. C’est ce qu’avance Geneviève Marchand, nutritionniste pour ÉquipeNutrition.

Même s’il n’y a pas de définition légale ou de critères obligatoires établis par Santé Canada de ce que devrait être une barre énergétique, les barres Näak vendues au Fou Aeliés ne contiennent que 6g de protéines, une quantité plus faible que la moyenne, explique-t-elle. « Ce n’est pas si élevé que ça. Généralement pour une barre énergétique, on parle plus de 15g à 20g pour les plus élevées, qu’on va appeler des barres de protéines », avance la nutritionniste. « Avec 6g, c’est plus une barre tendre ordinaire ».

La barre Näak pèse 50g alors qu’une barre tendre régulière pèse plus souvent entre 30g et 40g. Avec 6g, son apport en protéines est légèrement plus élevé qu’une barre tendre régulière, mais pas autant qu’une barre protéinée de marque plus connue (crédit photo : Maxance Cloutier)

La nutritionniste dit comprendre pourquoi les barres n’incorporent pas davantage de poudre d’insectes pour augmenter l’apport en protéines, puisque « la poudre de grillon est assez goûteuse ». D’autres nutriments, comme la vitamine B12, le calcium et d’autres vitamines et minéraux peuvent compenser cette perte et justifier sa consommation, ajoute-t-elle.

De plus, Geneviève Marchand souligne également que ces barres peuvent être dangereuses pour les personnes allergiques aux crustacés. De plus, le coût de l’aliment reste relativement élevé étant donné que l’élevage de ce petit animal est moins répandu. Malgré tout, la popularisation de cet ingrédient pourrait venir diminuer son prix dans les prochaines années, précise-t-elle.