Avec l’arrivée progressive du froid, les refuges pour les itinérants de Québec débordent. Chaque année, les auberges qui viennent en aide aux itinérants doivent refuser du monde : c’est un phénomène aux multiples raisons.

Le premier facteur qui explique le débordement des refuges pour itinérants est le fait que les refuges accueillent désormais plus de personnes qu’auparavant. Les critères d’admissibilité ont donc été revus puis modifiés, ce qui permet donc un accueil plus ouvert pour les itinérants. Selon Jimena Michea, coordonnatrice du regroupement pour l’aide aux itinérants de Québec (RAIIQ), les refuges tolèrent maintenant plus les gens qui consomment : « ils acceptent maintenant les gens qui sont en consommation jusqu’à un certain degré, ce qui fiat qu’ils essaient de faire en sorte qu’il y a plus de personnes dans les refuges et dans ce sens, je dirais qu’il y a eu une augmentation qui a été faite à cause de ça ».

Toujours selon la coordonnatrice de la RAIIQ, un autre problème important qui explique le débordement des refuges pour les itinérants reste l’accès aux soins de santé mentale. En raison de trous de service, les personnes à la rue sont donc mal servies : selon elle, les personnes qui ont des problèmes de consommation ou de santé mentale et qui font des crises sont envoyées dans les urgences des hôpitaux, mais qui finiront par être transférées dans les refuges pour itinérants. Par ailleurs, elle explique que les  thérapies destinées à aider les personnes qui consomment, ne sont pas toutes disponibles en ville : « Par exemple, il y a des gens qui ont des problèmes de dépendance et qui veulent arrêter de consommer, il existe donc des thérapies pour que la drogue sorte du système, ce qui est assez violent présentement faire ça, mais je dirais qu’il y a nulle part à part en Beauce qu’on peut le faire présentement ».

La RAIIQ a pour mission de « regrouper, animer, mobiliser, soutenir et représenter les organismes communautaires oeuvrant auprès des personnes en situation ou à risque d’errance et d’itinérance de la région de Québec ». (Crédit photo : RAIIQ)

En plus des problèmes déjà évoqués, Madame Michea précise également qu’il y a eu une augmentation de l’itinérance à Québec : « Cet été, on a vu beaucoup de personnes qu’on ne connaissait pas, beaucoup plus d’abris de fortune, donc il y a eu une augmentation dans la population de nouveaux itinérants ». Elle évoque ici le coût des loyers, la disponibilité des logements et le fait qu’il y ait beaucoup moins de chambres pour accueillir les itinérants pour expliquer cette hausse.

 

Pénurie de main-d’œuvre dans les centres d’accueil

De son côté, Éric Boulay, directeur général de la Maison Lauberivière, estime qu’un facteur important du débordement des refuges pour itinérants est non seulement le manque de financement de la part du gouvernement, mais également le manque de main-d’œuvre. Il dit ne plus être en mesure d’offrir les mêmes services que les années précédentes en raison de la situation sur le marché de l’emploi : « Moi, présentement en contexte de pénurie de main-d’œuvre, j’ai peine à garder les services déjà en place. Alors, des services qu’on avait l’année passée, je ne suis pas sûr de pouvoir offrir les mêmes cette année. Au contraire, la problématique augmente et nous risquons de fermer des services. Alors là, pour maintenir les gens, ça ne prend pas juste des sous, mais ça prend aussi du staff, donc un besoin de main-d’œuvre ».

Madame Michea partage aussi l’avis du directeur général de la Maison Lauberivière. Selon elle, il n’y a pas eu d’augmentations salariales depuis plusieurs années dans le secteur ce qui explique que beaucoup de postes restent à combler dans les organismes d’aide aux itinérants. Elle tient toutefois à préciser qu’une augmentation salariale devrait permettre de pourvoir les postes vacants. Elle souligne qu’en itinérance, il est important de garder ses employés pour garder la confiance avec les itinérants sur le long terme : « lorsqu’on est en itinérance, le lien avec la personne est très important, donc il faut garder les employés parce que c’est eux autres qui vont faire toute une différence dans la vie des personnes qui sont à la rue, car ces gens-là ne s’ouvrent pas facilement non plus et ils n’ont plus confiance au système ».

La rue Saint-Joseph, située dans le quartier Saint-Roch de Québec, est l’une des rues de la ville où l’on retrouve le plus d’itinérants. (Crédit photo : Olivier Frégeau)

Inquiétudes

Avec l’arrivée de l’hiver qui frappe à nos portes, il n’y a pas que les organismes qui sont inquiets. Alfred (nom fictif), itinérant dans le quartier Saint-Roch, admet qu’il a peur puisqu’il n’a pas toujours de refuge où dormir : « Il commence à faire pas mal froid, en plus il y a la neige qui s’en vient et je n’ai toujours pas trouvé d’endroit où dormir, je peux vous dire que ça me fait peur et que chaque jour je dois trouver une solution pour ne pas mourir de froid ».

Éric Boulay mentionne qu’il est très inquiet pour les personnes qui ont faim et qui sont dans la rue dans le froid à cette période-ci de l’année. Il ajoute qu’il aimerait en faire plus, mais le fait que Lauberivière déborde l’empêche d’atteindre son objectif. De son côté, pour Jimena Michena, l’inquiétude principale de son organisme est la prise en charge des personnes ayant des problèmes de santé mentale.