L’élection présidentielle brésilienne s’annonçait sans suspense. Dès le début de la campagne, la présidente sortante du Parti des Travailleurs devançait de près de 20 points dans les sondages son plus proche rival, Aécio Neves du Parti social-démocrate brésilien (PSDB). Les yeux rivés sur les derniers matchs de la Coupe du monde de soccer, les médias internationaux ont d’abord ignoré la campagne électorale entamée à la mi-juillet.

Lors du scrutin du 4 octobre, les 143 millions d’électeurs brésiliens doivent voter cinq fois plutôt qu’une, rappelle Le Nouvel Observateur. En plus d’élire leur président, ils ont renouvelé les mandats de 27 gouverneurs, 513 députés nationaux, 1 069 députés fédéraux et 27 sénateurs. Les nombreux postes en jeu impliquent nécessairement un nombre impressionnant de candidats. La chaîne de télévision américaine CNN s’amuse d’ailleurs à répertorier les candidats les plus loufoques, parmi lesquels : des sosies de Barack Obama, un clown, une « superwoman » ainsi que plusieurs Oussama ben Laden.

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Si ces publicités en ont fait sourire plus d’un, un événement tragique vient assombrir la course à la présidence. Le 13 août, le jet privé du candidat socialiste et troisième favori, Eduardo Campos, s’écrase à Santos, une ville du littoral de l’État de São Paulo. Le politicien de 49 ans, ainsi que cinq autres passagers, meurent sur le coup. La nouvelle fait instantanément le tour du monde. Étrangement, comme le souligne The Economist, il s’agit du troisième homme politique à perdre la vie d’une manière tragique lors du mois d’août dans l’histoire politique récente du Brésil.

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Sans attendre, Dilma Rousseff décrète un deuil national de trois jours. Le correspondant du Guardian au Brésil décrit une file longue de trois kilomètres afin de voir le cercueil d’Eduardo Campos. Des dizaines de milliers de partisans se réunissent devant ses anciens bureaux de l’État de Pernambuco.

Les yeux des Brésiliens (et des journalistes) se tournent alors vers la colistière de Campos, Marina Silva. Soudainement, l’attention médiatique envers la présidentielle brésilienne explose. « Feu de paille ou future présidente?« , se demande La Presse, alors qu’un premier sondage positionne la socialiste comme la principale rivale de Dilma Rousseff, une semaine seulement après avoir pris les rênes du PSB. « She wanted to be nun, now she could be Brazil’s next president » (Elle voulait être nonne, elle pourrait désormais être la prochaine présidente du Brésil), titre le Washington Post afin d’illustrer le parcours atypique de la candidate évangélique et ancienne ministre de l’Environnement sous le gouvernement Lula.

En plus d’une nouvelle adversaire féroce, plusieurs autres problèmes s’abattent sur Dilma Rousseff. Un mois avant le jour J, le Brésil entre en récession remettant à l’avant-scène la dégringolade récente de la 7e économie mondiale. Pour y voir plus clair, The Guardian publie huit graphiques sur l’évolution de l’économie sous le gouvernement Rousseff

Puis, un scandale de corruption éclabousse l’entourage de la présidente sortante. Un article de l’hebdomadaire brésilien Veja, traduit par Courrier international, titre : « Le délateur se met à table ». Un haut dirigeant de la compagnie pétrolière d’État Petrobras incrimine des dizaines d’alliés de la coalition de Rousseff dans ce qui serait un vaste réseau de blanchiment d’argent et de pots-de-vin. Le Nouvel Observateur analyse les réactions des trois principaux candidats. Alors que Rousseff rejette la faute sur ses députés, Silva et Neves tentent de tirer avantage de la situation.

La bonne prestation de Marina Silva lors du premier débat télévisé et la parution d’un nouveau sondage la donnant gagnante au deuxième tour sonne la charge du Parti des Travailleurs contre l’écologiste. En éditorial, le Washington Post dénonce les fausses allégations de Rousseff selon lesquelles une victoire de Marina Silva signifierait la vente du pays aux banques privées et l’abandon de certains programmes anti-pauvreté.

Dans un texte d’opinion publié dans Le Devoir, la journaliste Chantal Reyes critique le silence des principaux candidats sur certains enjeux moraux comme l’avortement et le mariage homosexuel. Lors du second débat, tous défendent le statu quo, alors que l’avortement est toujours illégal au Brésil. Marine Silva fait également volte-face sur certaines questions morales. Après avoir appuyé le mariage gai et une loi visant à rendre illégale l’homophobie, elle change son fusil d’épaule afin de ne pas déplaire à ses partisans plus religieux.

L’aura de Silva semble s’estomper à mesure que le scrutin approche. À la veille du vote, Dilma Rousseff était de nouveau considérée comme la favorite, selon The Economist (voir graphique ci-contre). Le Monde en profite aussi pour décoder les nombreuses promesses des trois candidats vedettes.

Surprise générale. Silva subit une défaite cuisante avec 21 % des voix, Neves passe au deuxième tour avec 33,6 % des votes et Rousseff récolte 41,6 % des appuis. Deux jours plus tard, Libération prédit un second tour « très dur » et tente de comprendre la débâcle de la candidate socialiste.

Après avoir tergiversé quelques jours, Marina Silva accorde finalement sa confiance au candidat libéral Neves, indique la BBC. Elle tente ainsi d’influencer le choix des 22 millions d’électeurs ayant voté pour elle au premier tour. Pour obtenir l’appui de l’ex-candidate, Neves s’engage « à préserver les acquis sociaux, à relancer la réforme agraire et à stopper la déforestation en Amazonie », rapporte l’AFP. Le deuxième tour aura lieu le 26 octobre prochain.

Qui promet quoi ? À l’issue du premier tour, Aecio Neves a ajouté à son programme certains engagements de Marina Silva, qui en avait fait une condition à son éventuel soutien. Neves s’est notamment engagé à préserver les acquis sociaux hérités de la gauche, à relancer la réforme agraire, à stopper la déforestation en Amazonie, à consacrer 10 % du PIB brésilien à l’éducation et à promouvoir une réforme politique interdisant la réélection de certains élus, dont le président de la République.   BRÉSIL (3)

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