Au Canada, la santé et le bien-être des vaches sont la priorité pour de nombreux producteurs laitiers. D’un côté, les fermes doivent se plier à des règlementations qui se resserrent. De l’autre, la consommation de lait est en chute libre au pays et plusieurs consommateurs critiquent l’exploitation animale ou encore la présence d’antibiotiques et d’hormones dans les produits laitiers. Une méconnaissance que déplorent de nombreux producteurs.
La consommation annuelle de lait par habitant a diminué de 14% entre 2009 et 2015 au Canada. Selon Statistiques Canada, cette baisse pourrait s’expliquer en partie par la montée du marché des lait végétaux, comme le lait d’amande ou de soya. Les tendances au végétarisme et véganisme, ainsi que les préoccupations éthiques quant au bien-être animal chez les plus jeunes générations pourraient également être en cause selon le dernier rapport annuel des Producteurs laitiers du Canada.
Pour répondre à cette diminution, les associations de producteurs laitiers canadiens tentent par différentes stratégies de défaire l’image negative des conditions de vie et la qualité du lait vendue. C’est notamment le cas des Producteurs laitiers du Québec qui lançait en octobre dernier une campagne publicitaire visant à déconstruire certains mythes attribués à leur production.
Cette campagne a suscité de nombreuses réactions hostiles de la part des internautes. Certains ont déploré la présence d’hormones et d’antibiotiques dans le lait tandis que d’autres critiquaient l’exploitation des animaux.
Une règlementation plus stricte
Depuis 2009, les producteurs de lait doivent suivre le Code de pratiques pour le soin et la manipulation des bovins laitiers. Plusieurs exigences désormais plus srictes concernant l’espace de vie des animaux, la santé, le vêlage, le transport et l’euthanasie doivent être respectées.
Voici certaines des exigences (obligations) que les producteurs doivent maintenant respecter sur leurs fermes :
L’utilisation d’hormones de croissance est également illégale au Canada. Laurie Desrochers, vétérinaire à l’hôpital vétérinaire de Donnacona, explique que « seules les hormones servant à contrôler le cycle reproducteur des vaches peuvent être administrées. Elles sont tellement métabolisées rapidement par le corps, qu’elles ne se retrouvent pas dans le lait .»
Les antibiotiques administrés aux animaux doivent également être prescrits ou conseillés par un vétérinaire et lorsque nécessaire seulement. « Si une vache est malade, comme les humains, on peut lui donner des antibiotiques, mais on doit attendre qu’il n’y ait plus aucune trace dans le lait » explique-t-elle.
Prôner la qualité et non la quantité
Pour Nicolas Auger, producteur laitier depuis maintenant 13 ans, les vaches sont toute sa vie. Il va jusqu’à les comparer à des enfants, puisqu’il doit en prendre soin 24 heures sur 24. Selon lui, plus les vaches sont heureuses, plus elles produiront du lait. Les producteurs ont donc intérêt à suivre les normes et à respecter leurs animaux, soutient-il.
« Le confort, c’est une grosse partie de la production. Plus tu donnes de confort à tes vaches, plus elles vivent vieilles et plus elles te donnent »
Nicolas Auger, producteur laitier à la ferme Gilly
Avec l’ouverture du marché américain, monsieur Auger s’inquiète de la compétition qui pourrait s’installer contre les produits laitiers québécois et canadiens. « On ne doit pas se comparer aux États-Unis. On ne pourra jamais battre la quantité [de lait] qu’ils produisent. Il faut plutôt qu’on mise sur la qualité. Les normes sont plus strictes au Québec, mais ça doit rester à notre avantage », exprime le producteur dans une entrevue vidéo.
La vétérinaire madame Desrochers ajoute que la gestion de l’offre présente au Canada permet aux petits producteurs d’exister. « Au États-Unis, les vaches n’ont pas de noms, elles sont des numéros. En Californie, on peut compter des fermes de 15 000 vaches. Au Québec, la moyenne est de 70 vaches », affirme-t-elle.
Certaines pratiques qui inquiètent
Bien que la qualité du lait soit mesurée de très près, des citoyens critiquent cependant des pratiques qui sont encore utilisées par les producteurs. Mariane Valois-Demers, végétarienne depuis trois ans, consomme à l’occasion des produits laitiers (fromages, yogourt, etc). Au cours des derniers mois, elle a commencé à se questionner sur sa consommation et s’inquiète du sort qui est réservé aux veaux après le vêlage.
« Je n’aime pas qu’on doive constamment inséminer des vaches afin qu’elles donnent naissance à un veau. Pour moi, c’est une forme d’exploitation, seulement centrer sa vie sur la production » explique-elle. Elle se questionne aussi à savoir pourquoi « on sépare les veaux des mères par après ».
Sébastien Rioux, également végétarien, a visité plusieurs fermes laitières dans le cadre de son travail et mentionne son malaise par rapport à cette séparation : « J’ai visité une ferme biologique le printemps passé. Il y avait une vache qui avait vêlé la veille. Même sur les fermes bio, les veaux sont séparés de leur mère. Si tu avais entendu la vache pleurer, c’était atroce. » Après sa visite, il avoue avoir questionné sa consommation de produits laitiers.
De plus, les femelles ont également plus de chances de contracter des mammites (infections au pie) si le veau tète directement la mère, précise la vétérinaire madame Desrochers.