Au Canada, un individu accusé de crime doit être jugé dans un délai raisonnable. La Charte canadienne des droits et libertés garantit ce droit. Au Québec, des poursuites sont annulées en raison de la lenteur du système judiciaire voyant ainsi de présumés criminels exemptés de procès.

En octobre 2015, l’affaire avait fait les manchettes, cinq membres du groupe criminalisé Hells Angels de Sherbrooke, accusés de meurtre et de complot pour meurtre, ont été libérés en raison de délais de procédure trop longs. Le juge a concédé que la Couronne a pris trop de temps à divulguer certains éléments de preuve.

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« Bien qu’aucun délai précis ne soit indiqué dans la Charte pour les causes instruites par les tribunaux de juridiction criminelle », indique l’enquête Statistiques sur les tribunaux de juridiction criminelle pour adulte, 2013-2014, « on a établi à partir de la jurisprudence qu’une période de huit à dix mois est considérée comme un délai raisonnable pour être traduit en justice ».

Toujours selon cette enquête, la durée médiane de traitement avant la première comparution d’une personne était de 123 jours, « ce qui représente une légère augmentation par rapport aux années précédentes ». C’est au Québec que la durée médiane avant première comparution était la plus longue, soit une durée de 238 jours.

Alexandre Stylios est professeur à la Faculté de droit de l’Université Laval. Il connaît bien les questions de procédure pénale. Il explique quels facteurs un juge considère afin de déterminer s’il y a délais déraisonnables.

Les explications de M. Stylios montrent que les causes de délais déraisonnables en matière de procédures judiciaires sont multiples et se situent à diverses étapes du processus judiciaire. Cependant, un type de délais « sur lequel il faut travailler », ce sont les « délais liés aux ressources institutionnelles de la justice », mentionne le professeur de droit.

« Sans faire le procès de qui que ce soit, ces délais sont souvent imputables à la défense ou à la Couronne qui sont les premiers à gérer un dossier. Parce qu’ils ont souvent plusieurs dossiers à la fois, ils sont souvent à la base de ces délais déraisonnables », croit M. Stylios.

Par ailleurs, « dans les pays de tradition Common Law, comme le Canada, 5 à 10 % des affaires vont jusqu’au procès. Le nombre d’affaires devant procès n’est pas très élevé et, malgré cela, on se retrouve encore avec des affaires où on invoque des délais déraisonnables », poursuit M. Stylios.

Dans le système de justice français, mentionne M. Stylios, « il y a des délais importants, mais ces délais ne sont pas aussi importants que dans la justice canadienne. Ça mériterait une réflexion. Est-ce qu’il faut embaucher plus de juges ? Est-ce qu’il faut plus de tribunaux ? Est-ce qu’on doit donner plus de moyens à la justice ? »

Le sous-financement de la justice ?

La question des délais est « importante », a indiqué la ministre de la Justice Stéphanie Vallée, lors de la présentation du plus récent budget provincial. Pourtant, un resserrement de 3,6 millions de dollars du programme sur l’administration de la justice figure dans le dernier budget du ministère des Finances. Les dépenses liées à la justice augmenteront de 1,5 %, contre 2,7 % pour l’ensemble du gouvernement.

Au Parti Québécois, on dénonce l’attitude du gouvernement libéral. Véronique Hivon, porte-parole de l’opposition officielle en matière de justice, aborde la problématique entourant le financement du système de justice au Québec.

Sur la question des annulations de procès en raison de délais indus, le fait de ne pas avoir de « données fiables dont on est certain qu’elles reflètent la réalité », précise Mme Hivon, représente « l’un des problèmes importants en ce moment au Québec ».

« Le ministère de la Justice a ses données. Les tribunaux ont leurs propres données. Statistique Canada a ses propres données. Les informations que nous avons concernant les requêtes pour annulation de procès pour causes indues proviennent de recherches indépendantes à partir de ces données », explique la députée du Parti Québécois.

Par conséquent, ajoute-t-elle, « si on veut diagnostiquer l’ampleur du problème, il faudrait au moins avoir des données fiables pour le faire. Mais, ce que l’on sait de l’une des recherches indépendantes, c’est qu’il y a une augmentation fulgurante des requêtes en annulation des délais indus et c’est très grave ».

Sources : les rapports annuels de gestion du ministère de Justice.
Sources : les rapports annuels de gestion du ministère de Justice.