Le mouvement « OK boomer », a pris, au cours des dernières semaines, une ampleur importante sur les réseaux sociaux. Le phénomène vise à dénoncer les critiques parfois virulentes des « boomers » face aux milléniaux et soulève pour plusieurs une fracture générationnelle profonde entre les deux groupes d’âge. Selon Jean Vézina, directeur de l’école de psychologie de l’Université Laval, ce n’est pas deux générations entières qui sont en guerre, mais plutôt certains individus qui disposent de grandes plateformes pour s’exprimer.
Selon le directeur de l’école de psychologie de l’Université Laval et spécialiste en âgisme, Jean Vézina, il est faux d’affirmer que les générations seraient présentement entrées en guerre : « Il serait inadmissible de généraliser des traits de personnalité à l’ensemble des personnes du même sexe, ou genre, de même race ou de même appartenance religieuse. Donc, affirmer qu’une génération est en guerre avec une autre serait en soi une généralisation excessive et difficilement fondée. Je ne pense pas que la génération des milléniaux déteste la génération des boomers comme à l’inverse je ne pense pas que la génération des boomers déteste la génération des 20 à 35 ans. »
Selon M. Vézina, il s’agit plutôt de cas isolés parmi des gens appartenants aux deux générations. Il s’avance aussi sur le fait que les mouvements comme « OK boomer » bénéficient désormais des réseaux sociaux afin de faire circuler leurs messages. Selon lui, ce genre de phénomènes a désormais beaucoup plus de résonance qu’avant, car ils font le tour de la planète en très peu de temps. Selon lui, la grande majorité des gens qui y participent le font probablement sans arrière-pensée. Malgré tout, le psychologue met les gens en garde à propos de cette expression: « Il faut rapidement réaliser que le « Ok boomer » pourrait être associé à de l’âgisme. L’âgisme est à l’âge – surtout envers les aînés – ce que le sexisme est au sexe – surtout féminin – et le racisme est à la race – surtout non blanc. »
Une génération donnée ne peut pas prétendre être progressive, ouverte et inclusive, si dans son discours et ses actions, elle demande à une autre génération de se tasser, et de se taire. – Jean Vézina
Une tempête dans un verre d’eau
Durant la dernière année, plusieurs jeunes adultes ont commencé à utiliser l’expression « OK boomer » sur les réseaux sociaux en réponse aux commentaires mordants à leur égard de personnes plus âgées. Si les « milléniaux » voient dans ce phénomène l’exemple ultime de la fracture générationnelle qui sépare les deux groupes, certains « boomers » ne voient pas la chose de la même manière.
Pour plusieurs membres de l’Association des étudiant.e.s de l’Université du troisième âge de Québec (AEUTAQ), le mouvement « OK boomer » est à prendre « avec un grain de sel ». Si pour ses membres le conflit actuel qu’il révèle est important et d’actualité, il n’est toutefois pas nouveau : « C’est un phénomène récurrent qui explose aujourd’hui à cause des réseaux sociaux. Mais, nous aussi, quand on était adolescents, il y avait un conflit envers nos parents et nos grands-parents », explique madame Monique Girard, membre de l’AEUTAQ.
« C’est propre à chaque nouvelle grande génération de remettre en question ce qui s’est fait dans le passé. » – Carole Rivard Lacroix, présidente de l’AEUTAQ
Même si certains membres de l’association admettent que le phénomène de conflit entre deux générations est humain et a toujours existé, selon eux, le mouvement « OK boomer » s’inscrit dans une tendance mondiale de fermeture et de replis sur soi. « Moi, ce qui me surprend, c’est une sorte de censure ou de fermeture qu’on observe dans certaines universités dans le monde. On peut ne pas être d’accord avec certains conférenciers, mais ils ont le droit de s’exprimer. C’est ce qui fait des débats. Boileau disait : ‘’ Du choc des idées jaillit la lumière’’. Pour moi, les étudiants universitaires devraient être ouverts sur tout même si les idées ne leur conviennent pas », ajoute madame Girard.
Le manque d’occasions pour discuter et débattre entre générations inquiète plusieurs membres de l’AEUTAQ. Selon eux, les réseaux sociaux ne favorisent pas le débat, au contraire, : « Les jeunes, mais pas seulement qu’eux. Les personnes âgées aussi. Tous ceux qui ne s’informent que sur ces plateformes ne font que se refermer sur eux-mêmes. Ce n’est pas une question de génération, c’est une question d’attitude face à l’information et à la connaissance. », explique Michel Hallé, membre de l’AEUTAQ
« Les algorithmes [sur les réseaux sociaux] ne font que rassurer les gens sur ce qu’ils pensent et ne les font pas s’ouvrir sur le monde. Ça crée de l’ignorance. Et l’ignorance est croyance. » – Michel Hallé, membre de l’AEUTAQ
De son côté, la présidente de l’AEUTAQ souligne néanmoins qu’elle espère qu’il y ait de plus en plus de forums et de lieux où l’on crée la discussion et le débat entre jeunes et moins jeunes : « Vous savez, on marche plus vite quand on est seul, mais on va beaucoup plus loin ensemble ».