La loi 70, introduisant le Programme objectif emploi, a été promulgué le 10 novembre à l’Assemblée nationale. Les nouveaux prestataires de l’aide sociale considérés sans contrainte à l’emploi sont forcés de participer au programme sous peine de voir leur allocation coupée de 240 $, pour atteindre 399$ par mois. Selon Serge Petitclerc, porte-parole et responsable de l’analyse politique pour le Collectif pour un Québec sans pauvreté (CQSP), ce programme risque de nuire à une certaine clientèle et l’exposer davantage à la pauvreté.

Selon les données du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, le nombre de ménages recourant à l’aide sociale est continuellement en décroissance dans la région de la Capitale-nationale depuis plus d’une dizaine d’année, passant de 37 144 en 1998 à 20800 en 2016.

D’après les dires même du ministre responsable de cette loi, François Blais, le taux des usagés de l’aide sociale n’ayant aucune contrainte à l’emploi représente actuellement moins de quatre pourcents de l’ensemble des bénéficiaires.

Pourtant, M. Petitclerc soutient que les premiers prestataires se subdivisent en trois catégories, dont l’une d’entre elle sera clairement défavorisée. L’itinérance et la criminalité pourrait même connaître une recrudescence.

Les dernières données disponibles sur le nombre de ménages nouvellement admis à l’aide financière de dernier recours mentionnent que 405 ménages ont utilisé l’aide sociale dans la région de la Capitale-nationale, soit 6,6 % de l’ensemble des ménages prestataires du Québec (8931 bénéficiaires dont 6099 adultes) pour le mois de septembre 2016. Le nombre de participants qui seront pénalisés par le programme est encore inconnu puisqu’il relève de la définition administrative de la contrainte à l’emploi.

La notion de sans-contrainte : une définition restrictive de l’incapacité

Tel que le mentionne le rapport la Protectrice du citoyen déposé en commission parlementaire lors de l’étude du Projet de loi 70, « il ne suffit pas de constater qu’une personne ne présente pas de condition médicale reconnue, qu’elle n’est pas en thérapie pour dépendance ou qu’elle n’est pas monoparentale pour conclure qu’elle n’a pas de contrainte à l’emploi ».

Comme bon nombre d’observateurs l’on déjà souligné dans le Soleil ainsi que dans le Devoir, la coercition en matière de réintégration au marché du travail ne garantit d’aucune manière une réinsertion sociale réussie. Fondée sur une définition restrictive et purement administrative de l’incapacité d’occuper un emploi, la loi rate sa cible selon Serge Petitclerc du CQSP.

Ainsi, la définition de contrainte à l’emploi gagnerait à être élargie pour prendre en compte des facteurs individuels, arrimés à une vision du bien commun, à l’aune de l’inclusion de critères socioéconomiques, tel que le niveau d’éducation. « D’autres facteurs peuvent influencer l’aptitude d’une personne à intégrer le marché du travail. […] une faible scolarité, un vécu difficile ou des comportements inadaptés au monde du travail, sont autant de facteurs qui peuvent empêcher une personne d’y accéder. », laisse savoir la Protectrice du citoyen dans son rapport. De plus, les nouvelles procédures instaurées par la loi 70 doivent bientôt être définies par voie de règlement, ce qui rend plusieurs modalités de son application encore incertaines à ce jour.

Des inconnus à définir

Les organismes impliqués dans le milieu de la pauvreté et de l’aide sociale attendent avec impatience la fin de ce flou artistique autour des modalités d’application du programme. Ce que la Protectrice du citoyen souligne avec pertinence : « […] le projet de loi ne nous permet pas de nous prononcer sur la façon dont seront élaborés les plans d’intégration. En effet, il confère au gouvernement un important pouvoir de réglementer. Il est préoccupant de constater que le législateur a à débattre d’un nouveau programme, obligatoire de surcroît, à partir d’un cadre dont il ignore le contenu. Pourtant, la connaissance du cadre réglementaire aurait été essentielle pour une juste appréciation de la portée du Programme ». L’indétermination qui entoure l’administration du Programme objectif emploi suscite l’inquiétude du CQSP.

Dans le cadre de ce reportage, le cabinet du ministre François Blais a été invité à réagir, mais n’a pas donné suite aux demandes d’entrevues.