Au cours des dernières années, une communauté grandissante d’adeptes des modifications corporelles s’est établie à Québec et réunit de nombreux artistes locaux.

QUÉBEC — « Notre corps devient une toile ». Pour Philippe Royer, apprenti tatoueur chez Québec Ink, la modification corporelle est un art. Tatouages, piercings…elle prend plusieurs formes. Autrefois décriées, les pratiques sont aujourd’hui en pleine émergence et de plus en plus spécialisées. Si elles sont déjà établies dans les grandes métropoles depuis des années, la communauté de body modification est émergente à Québec.

Organisé chaque année à Montréal, l’Art Tattoo Show s’est invité en mai dernier dans la ville de Québec. La convention qui vise à faire connaître l’art du tatouage a réuni plus de 200 artistes tatoueurs. Une « énorme convention internationale » comme l’explique Efix Roy, propriétaire d’Empire Body Piercing. Selon lui, il existe une très grande communauté à Québec et la ville devient de plus en plus, le théâtre de réunions artistiques et d’expositions d’art. Philippe Roy, lui, évoque le soutien dans la collectivité et le sentiment d’appartenance à un groupe: « L’autre jour, j’ai croisé un autre gars qui avait un tatouage au visage et on s’est fait un signe de tête, un peu comme si on se comprenait, comme si on avait la même réalité. On se soutient. »

Les modifications corporelles encore taboues ?

Mais pour l’apprenti tatoueur, si la communauté est de plus en plus importante, les modifications corporelles « restent encore taboues ».

« La nouvelle génération voit plus ça comme une mode », explique Yannick Grenier, perceur chez Tattoo Shack. La société est encore fermée à ce sujet, il faut se faire tatouer intelligemment. Notamment vis-à-vis du milieu professionnel où les modifications corporelles sont difficilement acceptées. Il faut commencer par les zones cachées et ensuite les zones visibles, c’est une sorte de rite, un mérite. Si tu commences par une main tu vas le regretter ».

De plus, pour le perceur,  la génération plus jeune a tendance « à se faire tatouer n’importe quoi par n’importe qui. Il faut que ce soit exécuté par les bonnes personnes et il faut se méfier des amateurs. » Un empressement aussi constaté par Efix Roy, perceur depuis 13 ans, qui met en garde. « On  est tous pressé de de se faire tatouer et percer, mais il faut prendre son temps pour magasiner les bons artistes, regarder les portfolios de ceux-ci, pour voir si leur style correspond à ce que l’on recherche ».

Les limites de la pratique

Le domaine des modifications corporelles est limité dans son champ d’action sous plusieurs égards. En effet, explique Efix Roy, « certains aspects légaux nous empêchent de faire certaines modifications corporelles qui sont beaucoup plus proches d’être une chirurgie plastique qu’un simple perçage. Ces modifications vont toucher au domaine médical. Alors, ces pratiques ne sont pas forcément légales pour être fait par un perceur, ce qui limite beaucoup de choix pour les clients qui sont adeptes de choses un peu plus extrêmes ».

Ainsi le pointage d’oreilles et le tongue split, qui consiste à se faire couper la langue en deux sur la longueur ne peuvent pas être réalisés par des perceurs. Outre les limites médicales, le professionnel évoque aussi la barrière anatomique. «Certaines personnes n’ont tout simplement pas l’anatomie pour certains piercings ou tatouages ».

L’art du tatouage et du piercing devient  indélébile et s’ancre petit à petit au sein de la population de Québec.