Depuis quelques années, les étudiants qui souhaitent devenir enseignants sont de moins en moins nombreux. En effet, les inscriptions dans les universités pour ce type de programme sont à la baisse au Québec. Cette diminution du nombre de futurs enseignants inquiète le milieu de l’éducation, surtout avec une hausse du nombre d’élèves qui est prévue dans la prochaine année dans les écoles primaires et secondaires du Québec. Selon les données fournies par les universités québécois, celles-ci révélaient que huit d’entre elles connaissent une baisse dans le nombre d’inscriptions dans les programmes du domaine de l’éducation.

Karolanne Dionne est diplômée du baccalauréat en éducation au préscolaire et en enseignement au primaire de l’Université Laval. Pour elle, plusieurs facteurs peuvent expliquer ce manque d’intérêt pour la profession d’enseignant. Tout d’abord, il y a la façon dont le métier d’enseignant est décrit dans les médias. On aborde souvent les difficultés auxquelles les enseignants sont confrontés. Ce sont souvent des thèmes comme la surcharge de travail, le manque de ressources, les relations avec les parents et les classes qui sont remplies à pleine capacité qui sont abordés dans les médias. Pour Mme Dionne, «il est évident que pour quelqu’un qui pense devenir enseignant, toute cette mauvaise publicité pourrait avoir un impact dans sa décision de devenir professeur ou pas».

En plus des difficultés qui accompagnent cet emploi, il faut aussi aborder le salaire. Les syndicats des enseignants citent souvent cette cause pour expliquer le faible volume de candidatures que les universités reçoivent. Comme Karolanne Dionne l’explique, il n’y a personne qui choisit de devenir enseignant au primaire en raison du salaire, mais plutôt parce qu’il est passionné par ce métier.

Dans ce contexte, les résultats d’une étude du Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante qui affirme que 25% des nouveaux enseignants abandonnent le métier après cinq ans, appuient les inquiétudes soulevées par les syndicats des enseignants.

 

Voir au-delà des perspectives

Lorsque vient le temps de choisir une future profession ou un programme universitaire, les options sont nombreuses. Selon Daniel Tremblay, coordonnateur en orientation au Centre d’aide aux étudiants de l’Université Laval, l’étudiant considère généralement deux aspects, ses intérêts et les perspectives d’emploi. Dans la réalité actuelle du marché du travail, les perspectives de carrière influencent de plus en plus la décision de l’étudiant, estime M. Tremblay.

La Faculté des sciences de l’éducation est une de celles qui peine à provoquer l’engouement des futurs étudiants. Au niveau primaire et secondaire, Daniel Tremblay attribue ce phénomène à diverses caractéristiques de l’emploi d’enseignant. Bien que la nature de son poste en orientation limite l’échantillon d’étudiants sur lequel il peut se baser, le coordonnateur en orientation de la Direction des services aux étudiants depuis 33 ans estime que le principal facteur qui nuit à la popularité du domaine d’étude est l’incertitude par rapport aux conditions de travail.

« La discipline fait toujours peur un peu. Les enfants sont probablement plus exigeants qu’avant, les groupes un peu plus nombreux et plus hétérogènes aussi », affirme Daniel Tremblay. Selon lui, la gestion d’enfants ou d’adolescents présentant des difficultés d’apprentissage est également une autre cause de l’alourdissement de la tâche des enseignants de niveau primaire et secondaire.

 

Pratique du métier difficile

Aricia Marquis-Moisan, enseignante au primaire depuis trois ans, abonde dans le même sens. Selon elle, l’instabilité de la tâche d’un jeune enseignant repose beaucoup sur le type de groupe et d’élèves attribués et constitue un obstacle de taille en début de carrière. Cette instabilité se retrouve également dans la précarité du poste, c’est-à-dire « ne pas savoir quand et où on va travailler », estime la jeune enseignante.

Il n’y a cependant pas moyen de décourager Aricia Marquis-Moisan, puisque malgré les fréquentes embuches de début de carrière, elle continue de croire que l’enseignement est la plus belle profession au monde. Elle reconnaît toutefois les difficultés du programme d’enseignement primaire. La jeune enseignante ajoute que celui-ci est très exigeant et il est compréhensible, selon elle, que plusieurs étudiants puissent se sentir découragés ou baissent simplement les bras.

La bachelière de l’Université Laval, pour qui l’enseignement s’est toujours présenté comme une vocation, ajoute que les stages pratiques prévus au programme, bien que très exigeants, sont très formateurs. Ces expériences concrètes de travail permettent également de déterminer tôt dans la formation si l’enseignement est le bon choix de carrière. Daniel Tremblay souligne que ces stages permettent « d’effectuer graduellement une prise en charge » et de prendre conscience de ce qui attend les étudiants sur le marché du travail.

Face à cette perception du métier d’enseignant, le gouvernement du Québec à choisir d’agir. C’est ainsi qu’a été mise en place une campagne de valorisation de cette profession. Celle-ci s’articule autour de publicités télévisuelles visant à mettre de l’avant le rôle déterminant des professeurs dans la réussite des étudiants. Au cours des prochains mois, il faudra regarder ce que fera le nouveau gouvernement de la CAQ. Rappelons que celui-ci avait pris plusieurs engagements en campagne électorale pour améliorer les conditions des professeurs.

Selon les intervenants, plusieurs des difficultés reliées à la profession d’enseignant découlent du fait qu’il n’y a pas assez de reconnaissance dans la société pour ce métier. Parmi les solutions envisagées par les acteurs du monde de l’éducation, on parle de la création d’un ordre professionnel des enseignants. Alors que cette éventualité est encore au stade des discussions, la Fédération des syndicats de l’enseignement propose un guide en ligne afin d’informer les enseignantes et enseignants des droits que leur profession leur confère présentement.