Chaque troisième mardi du mois, une poignée de slameurs montent sur scène, débitent leurs mots avec rythme et se font juger par le public. Un grand gagnant est couronné, et la compétition reprend le mois suivant jusqu’à la finale provinciale. Portrait d’une forme de poésie de plus en plus populaire dans la Capitale.

Pour l’organisateur et initiateur des soirées de slam à Québec André Marceau, le slam est une « discipline émergente » qui mériterait d’être plus connue. Créées il y a une dizaine d’années, ces rencontres mensuelles sont pour plusieurs une porte d’entrée dans le domaine littéraire.

Cette forme artistique est bien ancrée dans la littérature et la poésie. «Le slam n’est pas un genre d’écriture : c’est un contexte dans lequel les poètes sont en compétition, ce qui est différent du récital », rapporte Thomas Langlois, slameur de la relève qui pratique cet art depuis 7 ans.

C’est justement ce rapport à l’oralité et à la scène qui distingue cette forme d’art de sa proche parente, la poésie. « Le slam fait une belle transition entre la parole qui n’a rien de poétique et la parole poétique. C’est un beau pont parce qu’il permet toutes les formes », ajoute celui qui terminera bientôt une maîtrise en littérature et arts de la scène et de l’écran à l’Université Laval.

Forme « hybride »

Enseignante en littérature à l’Université Laval, Anne Peyrouse se spécialise en poésie tout en se passionnant pour le slam, qu’elle décrit comme une forme « hybride », à la jonction entre poésie, théâtre et performance. Contrairement à la poésie traditionnellement récitée, la performance joue pour beaucoup dans l’appréciation des textes des slameurs. «S’ils ne sont pas des performeurs, leur texte va moins bien passer. Dans le slameur, il y a le poète, mais il y a aussi le comédien », lance la chargée de cours.

La performance devient alors centrale et spécifique à cette nouvelle forme littéraire née à Chicago dans les années 1980. Les thèmes véhiculés et les méthodes de transmission s’adaptent afin de livrer un spectacle. «Souvent, ça va passer par des techniques propres à l’oralité, comme des jeux de mots. Ce n’est pas obligé d’en faire ni d’avoir du rythme pour faire du slam, mais comme on est dans la performance orale, on utilise les atouts de l’oralité », précise Thomas Langlois.

Élu grand champion mondial de slam en 2011, le Québécois David Goudreault est également romancier et poète. Aux yeux du travailleur social et slameur, les formes écrites et orales sont livrées de façons distinctes parce qu’elles touchent différemment le public.

 

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Une porte d’entrée

Cette oralité décrite par chacun des intervenants explique en partie l’intérêt renouvelé du public pour la poésie. En se rapprochant de la chanson et du spectacle, le slam s’adresse à un public plus large. Il n’y a pas que la forme cependant qui explique cet engouement : les thèmes abordés ont aussi à voir dans la proximité avec le public.

« On va prendre des sujets qui vont rejoindre le plus grand nombre, alors qu’en poésie, l’expérience intime de l’écrivain est son thème principal. Ça demande un effort au spectateur pour rejoindre cette intimité. Dans le slam, ce sont des sujets plus universels [qui sont traités]. » – André Marceau, organisateur de soirées et fondateur de la scène slam de Québec

Pour Anne Peyrouse, qui a publié deux anthologies de cette forme poétique en collaboration avec André Marceau, le slam est une porte d’entrée vers la poésie et la littérature, surtout pour les jeunes.

 

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Même son de cloche pour André Marceau, qui, en initiant les soirées de slam à Québec, a « pris le pari d’aller chercher du public qui n’irait pas dans des soirées de poésie. Ça ouvre peu à peu les gens à la création par la parole. Il y en a qui, tranquillement, se laissent porter et goûtent à une soirée ou deux de poésie et se rendent compte que ce n’est pas aussi plate qu’ils le pensaient. »