QUÉBEC – À l’heure où tous les chiffres indiquent que le marché du divertissement à Québec est en crise, plusieurs petites salles de spectacle de la région doivent, contre toutes attentes, gérer une importante croissance.

Les données compilées par l’Institut de la statistique du Québec et le Conseil de la Culture ne pourraient être plus alarmantes. Entre 2009 et 2013, le taux d’occupation des salles de spectacle de la Vieille-Capitale est passé de 69,1 % à 64,0 %. Pis encore, le taux d’occupation des spectacles à Québec l’an dernier (incluant les billets de faveur) s’élevait à seulement 74,6 %, soit la deuxième performance globale la moins reluisante des dix dernières années. Pourtant, le responsable des communications et du marketing du Cercle, Édouard Garneau, est loin d’être atterré.

Il assure que le complexe multifonctionnel qui l’emploie ne fait preuve d’aucun signe de ralentissement. Le Cercle, situé sur St-Joseph, doit plutôt gérer une croissance constante depuis sa création il y a 8 ans. Même s’il est impossible pour M. Garneau d’ignorer qu’une dépression touche certains de ses compétiteurs, il affirme que Le Cercle réussit à se positionner avantageusement dans son marché malgré tout. Globalement, le responsable des communications et du marketing croit que la crise est uniquement l’affaire des plus gros joueurs, c’est-à-dire des salles de plus de mille personnes.

Le son de cloche est identique du côté du Vieux Bureau de Poste, une autre salle de proximité située en marge de Québec, dans le secteur St-Romuald à Lévis. Sophie Lemelin, directrice de la salle d’une centaine de sièges, trouve difficile à avaler qu’une crise frappe actuellement l’industrie du divertissement. Elle précise que 2014 fut une année record pour la salle de la Rive-Sud. En 75 spectacles l’an dernier, le Vieux Bureau de Poste a maintenu un taux d’occupation de 81,5 % pour ses spectacles musicaux et 95% pour ses représentations théâtrales.

De nouveaux joueurs au coeur léger

La baisse des taux de fréquentation des salles de spectacle ne semble pas inquiéter outre mesure les nouveaux gestionnaires de lieux culturels. Karl-Emmanuel Picard, fondateur et directeur général de la compagnie District 7 Production, est du nombre. L’homme d’affaires de 26 ans a acheté cet été le bar l’Agitée sur Dorchester, récemment fermé à cause de divers problèmes financiers. M. Picard est convaincu que cet établissement, maintenant opéré sous le nom de l’Anti Bar et Spectacles, attirera son lot de mélomanes malgré un contexte culturel peu favorable. Selon lui, les ventes modestes de billets de certaines salles sont avant tout liées à un problème fondamental de marketing et de mise en marché.

La crise existe, mais …

Véronique Bernier, responsable des communications et de la coordination du Vieux Bureau de Poste, concède que la morosité économique ainsi que l’augmentation de l’offre de spectacles a eu des effets sur les résultats financiers de plusieurs salles de la région de Québec. Toutefois, elle croit que les chiffres avancés par l’Institut de la statistique du Québec et le Conseil de la culture sont fortement biaisés par la tenue d’évènements extérieurs majeurs, notamment ceux présentés sur les plaines d’Abraham.

Plus qu’une simple salle

Le Cercle, qui regroupe plusieurs entités “convertibles” en un seul lieu (bar, salle de spectacle, salle d’exposition, restaurant, etc.), a fait de la diversification de ses activités son fer de lance depuis maintenant huit ans. Dans un marché saturé comme celui de Québec, il est absolument crucial de constamment se renouveler selon Édouard Garneau.

La menace du Centre Vidéotron

Si l’arrivée du Centre Vidéotron avait été accueillie très froidement par un grand pan du milieu culturel québécois il y a quelques mois, l’Anti et le Cercle sont quant à eux peu préoccupés par l’émergence de ce nouveau joueur. Les deux institutions affirment d’ores et déjà avoir leur propre niche et leur propre clientèle. M. Garneau soutient d’ailleurs que les productions du Cercle ne sont pas comparables à celles du nouvel amphithéâtre et que le Centre Vidéotron ne jouera jamais dans les plates-bandes des petites salles au niveau de la programmation.

La directrice ainsi que la responsable des communications du Vieux Bureau de Poste ne semblent pas inquiètes non plus de l’arrivée du nouvel aréna multifonctionnel. Elles précisent que la mission de leur salle est avant tout d’offrir des spectacles accessibles, une promesse que ne peuvent satisfaire les mégaproductions onéreuses du Centre Vidéotron. Reste que Mme Lemelin et Mme Bernier ont hâte de voir comment ce nouveau joueur affectera le portefeuille de leurs clients.