Il y a un an, le cannabis récréatif a été légalisé au Canada. Parmi la foule d’adaptations auxquelles le Québec a dû faire face, les policiers se sont vus modifier leurs formations afin de se perfectionner à mieux distinguer les traces de consommation de cannabis chez les conducteurs automobiles.

Conscient des enjeux de santé et de sécurité publique que l’entrée dans cette ère de consommation et de réglementation impliquerait, le ministère de la Sécurité publique (MSP) estime qu’il était prêt à y faire face dès l’entrée en vigueur de la loi en octobre 2018.

Pour cela,  le ministère de la Sécurité publique (MSP), , a mis en place un programme de formation sur cinq ans, en collaboration avec l’École nationale de police du Québec (ENPQ). Celui-ci, comme l’explique Patrick Harvey au ministère, est «destiné à appuyer les corps de police dans la gestion du changement et la formation de leurs membres en enquête de conduite avec capacités affaiblies par les drogues».

Développer un réseau de spécialistes

Déjà, le Québec a mis sur pied un réseau de 140 policiers experts en reconnaissance de drogues, plus communément appelés agents évaluateurs. Ces derniers, sont en mesure de détecter toutes les formes de cannabis et leurs effets  grâce à une formation spécifique. De plus, toujours selon les données du MSP, près de 90% des policiers au Québec sont désormais formés pour utiliser les épreuves de coordination de mouvements (ECM) afin de détecter les gens dont les capacités de conduire seraient affaiblies par l’effet de drogue ou d’alcool.

Patrice Gagnon, policier au Service de police de la Ville de Lévis (SPVL) est d’ailleurs formé comme agent évaluateur. Il mentionne ne pas avoir forcément observé de hausse du nombre de cas de conduite avec les capacités affaiblies depuis la légalisation du cannabis. Selon lui.une attention particulière portée à la formation permettrait aux policiers toutefois d’en déceler davantage.  

Patrice Gagnon, policier au Service de police de la Ville de Lévis (SPVL) est formé comme agent évaluateur, c’est-à-dire qu’il est expert en reconnaissance de drogue. (Crédit photo : Isaure Patat)

«Évidemment, on a légalisé une deuxième drogue [après l’alcool], alors ça ne peut pas être moins pire. Il y a toujours eu la notion de conduite avec les capacités affaiblies, on était simplement moins habilités à les détecter», précise-t-il. En 22 ans de carrière, il estime avoir eu à traiter environ 500 cas de conduite avec les capacités affaiblies, dont la plupart sont signalés par des citoyens témoins des infractions.

Des tests mis à jour

Gagnon agit à titre d’agent «ressource» au sein du SPVL. C’est à lui que les policiers font appel lorsqu’ils sont face à un individu qu’ils soupçonnent être sous l’influence de drogues ou encore d’une combinaison de drogue et d’alcool, pour qu’il puisse évaluer la situation. Un technicien en éthylomètre se chargerait quant à lui des cas où seulement l’alcool est impliqué.

Ainsi, la détection des capacités de conduite affaiblies par la drogue se fait déjà  régulièrement par des tests de sobriété sur le bord de la route. En effet, le policier qui a des motifs raisonnables de soupçonner que le conducteur n’est pas apte à conduire est en mesure d’exiger au conducteur qu’il se soumette aux trois épreuves de coordination de mouvements (ECM). Notre journaliste Émilie Pelletier s’est d’ailleurs prêtée au jeu avec l’agent évaluateur Patrice Gagnon pour avoir une idée concrète du déroulement de ces procédures effectuées en bordure de la route. La vidéo suivante propose un aperçu de ces épreuves.

Si à la suite de ces épreuves, le policier considère qu’il a obtenu des motifs raisonnables de croire que l’individu a commis une infraction en ayant consommé  une substance incapacitante, il peut le mettre en état d’arrestation et l’amener au poste. Un agent évaluateur comme M. Gagnon pourra alors lui ordonner de se soumettre à une batterie d’une douzaine de tests d’évaluation en reconnaissance de drogues, dont la prise des signes vitaux et d’un échantillon toxicologique. Ce dernier peut être recueilli par le biais de l’urine, de la salive ou par le sang.

De lourdes conséquences 

Comme le mentionne Sophie Roy, relationniste auprès des médias pour la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), l’un des mandats de la SAAQ est de sensibiliser les conducteurs aux risques de la conduite avec les facultés affaiblies par le cannabis, puisqu’il s’agit de «la drogue décelée en plus grande proportion parmi les conducteurs décédés».

(Crédit photo : Courtoisie – SAAQ)

Malgré que la SAAQ ai mis en place, depuis plusieurs années, de nombreuses campagnes publicitaires sur les effets des drogues, de l’alcool et des médicaments au volant, il demeure que les conséquences d’une violation du Code criminel et du Code de la sécurité routière demeurent parfois méconnues des conducteurs.

Tel que mentionné par Patrick Harvey, relationniste médias pour le ministère de la Sécurité publique, «les dossiers judiciaires découlant de l’intervention d’un agent évaluateur sont très performants devant les tribunaux, conduisant à plus de déclarations de culpabilité que la moyenne globale pour les dossiers criminels». 

L’échec aux tests du policier expert en reconnaissance de drogues entraîne en effet la suspension immédiate du permis de conduire pour 90 jours, et en cas de récidive, le véhicule sera saisi pour 90 jours. Le résultat de ces tests peut aussi mener à des accusations criminelles.

De 2013 à 2017 parmi les conducteurs décédés dans un accident de la route au Québec, 37 % des conducteurs de 16 à 24 ans avaient du cannabis dans le sang. (Crédit photo : Isaure Patat)