Lors de l’annonce du couvre-feu, le gouvernement du Québec a tout de suite été clair que les gens souffrant de violence conjugale à la maison ne devaient pas rester dans cette situation malgré l’interdiction de sortir après 20h. Un mois depuis le début de cette mesure, les organismes oeuvrant dans le domaine rapportent une hausse dans les demandes d’aide à distance. 

Selon Geneviève Lessard du Centre de recherche interdisciplinaire sur la violence familiale et la violence faite aux femmes (CRI-VIFF) de l’Université Laval, le couvre-feu est une mesure qui pourrait augmenter le nombre de cas de violence conjugale. « Comme la plupart des mesures de confinement, cela contribue à l’aggravation des dynamiques de violence conjugale, malheureusement », ajoute-t-elle.

Le 5 février est une journée comme la plupart des autres dans la salle 1,32 au palais de justice de Montmagny. Une personne se présente devant le juge et plaide coupable à des chefs d’accusation de voie de faits et de harcèlement criminel envers une ex-conjointe: alors que la victime avait mis un terme à la relation, l’accusé continuait d’entrer en contact avec elle, de proférer des menaces et de se rendre à son domicile où il avoue avoir fait usage de violence physique à plusieurs reprises. Lors de leur dernière altercation, l’homme tentait tout de même d’atteindre la plaignante, malgré la présence de policiers pour bloquer l’entrée du domicile. Deux autres hommes se sont présentés dans la salle avec des accusations similaires au cours de la journée.

Pourtant, selon le ministère de la Sécurité publique, Chaudière-Appalaches est la région administrative qui présentait le taux le plus bas de cas de violence conjugale. De son côté, selon l’Institut de Santé du Québec, plus de 19 000 cas ont été rapportés dans la province en 2015 et plus de 3% des personnes avoueraient avoir été victime de ces méfaits en 2019. Est-ce que les mesures de confinement, notamment celle du couvre-feu, pourraient faire gonfler ces chiffres?

Palais de justice de Montmagny (Crédit photo: Katy Desjardins)

À l’heure actuelle, la Sûreté du Québec n’est pas encore en mesure de quantifier les appels liés à la violence conjugale depuis le couvre-feu. Comme les signalements ne sont pas seulement liés à cela, mais aussi à pour du tapage, entre autres, les cas sont  constatés seulement sur les lieux par les policiers et la cause est alors inscrite au dossier. Ces informations seront seulement comptabilisées dans le bilan de l’année 2021. « Nous nous attendons à une légère augmentation depuis cette mesure de confinement », avance tout de même la responsable des communications pour la Sureté du Québec, Ann Mathieu.

Une augmentation des demandes d’aides à distance

Du côté des organismes, Mme Fanny Guérin du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale ne remarque pas d’augmentation de demande pour les services d’hébergement, mais plutôt une hausse des services externes.

« Nos maisons constatent surtout une forte hausse des demandes pour des services externes, c’est à dire sans hébergement » – Fanny Guérin, Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale

Lors du premier confinement en mars 2020, l’organisme avait d’ailleurs sondé les femmes concernées afin de comprendre mieux ce phénomène. Ils avaient déjà remarqué une hausse dans les demandes pour ces services. « Les femmes victimes de violence conjugale rapportent qu’il leur était difficile d’appeler à l’aide en présence du conjoint, et que les mesures de santé publique les ont découragées à le faire, ce qui peut expliquer leur volonté d’obtenir de l’aide à distance », explique-t-elle.

Les rues de Montmagny vide après le couvre-feu de 20h (Crédit photo: Marie-Ève Picard)

Du côté des hommes 

Plusieurs organismes offrant des services aux hommes en détresse psychologique, comme Partage au Masculin, ne semblent pas constater, pour l’instant, de hausse dans les demandes d’aide depuis l’application du couvre-feu. « J’ai l’impression qu’il devrait se prolonger dans le temps pour avoir un effet sur la détresse psychologique », explique M. Guy Dubé, directeur de l’organisme. Il ajoute également qu’aucun homme qui a fait appel au service de l’organisme n’a invoqué explicitement cette mesure comme étant une nouvelle cause de leur détresse psychologique qui les pousse à sentir le besoin de blesser leur partenaire.