Les statistiques sont claires. Les différentes religions ont un fort pourcentage d’immigrants. « La place que va jouer la religion est multiethnique », soutient Alain Bouchard, le coordonnateur du Centre de ressources et d’observation de l’innovation religieuse (CROIR).

Il soutient que les lieux de cultes sont des endroits qui confortent ceux qui s’y rendent. Les pratiquants ont conscience qu’ils vont rencontrer d’autres personnes qui sont souvent dans la même situation qu’eux et parlent la même langue ou dialecte.

Le coordonnateur prend en exemple un jeune algérien qui venait d’arriver au Québec. Dans son pays d’origine, ce dernier ne pratiquait pas activement la religion musulmane. Dès son arrivée, afin de sociabiliser, il a commencé à aller à la mosquée régulièrement. C’est ainsi qu’il a créé son propre cercle d’amis. La religion a donc joué un rôle d’intégration important pour ce nouvel immigrant. « Ça devient un lieu où tu sais que tu vas rencontrer des gens de même nationalité », insiste Alain Bouchard.

Plusieurs personnes de différentes nationalités se rassemblent dans les lieux de culte. (Crédit photo : Anne-Sophie Maltais)

La foi : un réconfort

Le coordonnateur du CROIR insiste sur le fait que le phénomène religieux au sein du campus de l’Université Laval joue une fonction identitaire. « C’est souvent la porte d’entrée pour sociabiliser, [pour avoir] un sentiment d’appartenance et échanger avec les autres », soutient-t-il.

Adjaratou Ada Lo, étudiante sénégalaise à l’Université Laval et musulmane pratiquante, raconte le rôle qu’a joué la religion dans son intégration au Québec. « Depuis que je suis arrivée au Québec, ma foi c’est quelque chose qui m’accompagne vraiment dans mon séjour. À part cela, je ne vois pas où est-ce que je pourrais me réconforter. J’ai mes amis, mais la religion et dieu m’accompagnent », explique-t-elle.

C’est un rituel. Une habitude. Elle pratique chaque jour les cinq prières. « La reconnaissance d’Allah » est sans aucun doute la valeur qui lui tient le plus à cœur. « La religion ce n’est pas juste de prier et de respecter les chartes. C’est aussi le partage, la reconnaissance, l’entraide », soutient la jeune sénégalaise de 28 ans, visiblement consciente des préjugés qui entourent la religion musulmane.

Adjaratou Ada Lo traîne toujours avec elle son misbaha (chapelet musulman). (Crédit photo : Anne-Sophie Maltais)

Selon Rose Pola Pricemou, catholique pratiquante, l’église a joué un rôle fondamental dans son épanouissement personnel, social et professionnel. « J’ai commencé mon intégration sociale au niveau de Québec avec cette communauté », explique-t-elle. Elle n’hésite pas à dire que cette communauté est comme une deuxième famille pour elle.

En allant à la rencontre de plusieurs catholiques lors d’une messe dominicale, un constat ressort. Même s’ils n’ont pas tous les mêmes croyances, ils partagent la même conviction envers la religion qu’ils pratiquent.

Entre tradition et innovation

Dès le début du 20ième siècle, les prêtres prenaient des exemples du quotidien pour faire passer leurs messages. « Dans les années 60-70, on a introduit des chants populaires à l’église », exemplifie Alain Bouchard. Ces innovations montrent que « ce souci d’actualiser a toujours été présent, à plus forte raison aujourd’hui », selon l’expert en innovation religieuse.

« L’important c’est d’être unis pas seulement autour d’une croyance, mais d’être unis, point. » – Alain Bouchard

Plusieurs changements sont d’ailleurs survenus au sein des différents groupes religieux. Le chercheur explique que la clientèle est plus fragmentée qu’auparavant, ce qui nécessite un ajustement. « On adopte le discours en fonction de l’audience », confirme-t-il.

Quant à elle, la notion de croyance a également évolué. Alors qu’elle était plus collective, Monsieur Bouchard remarque qu’elle est plus individuelle aujourd’hui. « L’important c’est d’être unis pas seulement autour d’une croyance, mais d’être unis, point », exprime-t-il. Le principal intéressé ajoute aussi que ce qui est important pour les croyants, c’est l’intensité de l’expérience vécue en groupe.

À l’ère du numérique

Le phénomène religieux doit également s’ajuster aux réseaux sociaux. Monsieur Bouchard ne le nie pas. « [Pour les jeunes], le point de départ c’est les réseaux sociaux et le phénomène religieux a suivi », confirme-t-il. Certains jeunes utilisent la plateforme YouTube afin de faire passer leurs messages religieux, même s’ils constituent une minorité.

 

Alain Bouchard observe l’émergence d’une double appartenance religieuse auprès des différentes communautés. (Crédit photo : Anne-Sophie Maltais)

L’utilisation des réseaux sociaux peut toutefois agir comme une arme à double tranchant. Il peut arriver que les jeunes, à la suite d’une visite sur Internet, en viennent à se désillusionner par rapport à leurs croyances. « Tapez n’importe quel mot [religieux] sur Google et fort probablement que les sites proposés seront des sites contre les religions », constate Alain Bouchard. Selon ce dernier, « les réseaux sociaux et le web en général semblent avoir une incidence sur les gens qui sont croyants et qui utilisent ces réseaux ».