Selon André Bélisle, président de l’Association québécoise de la lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), les quartiers pauvres de la Basse-Ville de Québec subissent une injustice atmosphérique, compte tenu du taux de concentration de polluants dans l’air et de la fréquence des journées de pollution. Il affirme que la dégradation de la qualité l’air est responsable de 2500 décès par année dans la vallée du Saint-Laurent.
Le fait est que la Haute-Ville est balayée par les vents puisqu’elle est située sur les hauteurs comparativement à la Basse-Ville où les polluants stagnent au pied du cap et envahissent les quartiers Saint-Roch, Saint-Sauveur, Limoilou, etc. pouvant même se rendre jusqu’à la basse des montagnes à Charlesbourg.
Dans un rapport produit par le Ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC) qui détermine la condition de la qualité de l’air pour la région de la Capitale-Nationale, on découvre effectivement des taux de polluant inquiétant pour la station de mesure de la qualité de l’air de Québec-Vieux-Limoilou.
Le rapport mentionne que de 1974 à 2014, 44 stations de mesure de la qualité de l’air ont été actives à différents moments. Il n’en reste que huit aujourd’hui, dont une seule pour enregistrer l’activité de la Basse-Ville. La station de Québec-Vieux-Limoilou a enregistré des dépassements des normes établies dans le Règlement sur l’assainissement de l’atmosphère (RAA) en matière de concentration moyenne annuelle pour différentes substances, tel que le cadmium, le chrome, le nickel, le baryum au courant des années 2000-2010.
En 2009 les outils d’enregistrement pour la station Québec-Vieux-Limoilou sont passés de la technologie TEOM (tapered element oscillating microbalance) à la technologie BAM (beta attenuation monitor) « qui corrige une lacune de sous-estimation de la fraction semi-volatile des particules fines (PM2,5) par temps froid », peut-on lire dans le rapport. Les lectures de cet appareil démontrent un accroissement annuel significatif de la concentration des particules fines dans l’air entre 2009 et 2014, avec des moyennes oscillant entre 9,5 et 12,5 μg/m³ . Les particules fines sont responsables de la composition du smog urbain.
Dans un rapport de l’Institut nationale de santé publique établissant un bilan de la qualité de l’air en lien avec la santé pour la période de 1975 à 2009, le nombre de journées où il y a eu un dépassement des normes du RAA en terme de concentration en particules fines (30 μg/m³) varie entre 2 et 15 de 1998 et 2009, pour la région de la Capitale-Nationale.
Les données depuis l’implémentation des nouveaux appareils en 2009 pour le nombre de jours dépassant la norme sociosanitaire du RAA n’ont pu être obtenues, mais l’augmentation du taux annuel moyen pour la station Québec-Vieux-Limoilou laisse présager une hausse pour la région de la Capitale-Nationale.
Des effets néfastes sur la santé
Une mauvaise qualité de l’air peut avoir des effets néfastes pour la santé et ce, parfois même à court terme dans les endroits plus pollués. En 2012, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sonnait ainsi l’alarme en répertoriant plus de trois millions de décès prématurés en raison de la faible qualité de l’air extérieure. En 2013, en partenariat avec le Centre international de recherche sur la santé, l’OMS publiait une évaluation pointant les effets cancérigènes de la qualité de l’air ambiante. L’étude mettait particulièrement en cause des matières particulaires, c’est-à-dire des particules assez petites pour que l’air les transportent et qui finissent par être inhalées. L’inhalation de matières particulaires augmente les risques de problèmes respiratoires chroniques, de cancer du poumon ainsi que les risques de maladies cardiovasculaires.
Si la situation apparait davantage alarmante dans les pays en voie de développement avec des populations à revenus moindre, l’Occident n’est pas épargné par les problèmes de contamination de la qualité de l’air. Germain Lebel, conseiller scientifique pour l’Institut nationale de santé publique du Québec affirme que la problématique touche principalement les métropoles sans que les petites villes ne soient nécessairement épargnés : « Québec n’est pas Montréal ni Toronto. Si on regarde le nombre de jours où la qualité de l’air est mauvaise, c’est beaucoup moins important qu’à Montréal. ».
La situation peut demeurer critiquable à de nombreux égards à Québec. Il cite le réseau d’autoroutes plutôt achalandées à Québec ou les parcs industriels. « Nos problèmes sont propres aux villes nord-américaines. Il y a aussi beaucoup de pollution aux Vieux-Port dû aux poussières. Limoilou a toujours été un secteur qui est identifié comme plus problématique. […]. Il y a la papetière White Birch qui pose problème et il y a quand même deux autoroutes qui bordent ce secteur. C’est un quartier où il y a aussi différents problèmes de défavorisation sociale et matérielle avec des populations qui sont beaucoup moins nantis, ce qui n’aide pas à l’incidence sur la santé et de la qualité de l’air. », explique-t-il.
Un exercice d’échantillonnage effectué de 2010 à 2012 par le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques près de l’incinérateur de Limoilou a révélé un taux de concentration néfaste de particules de Nickel provenant du port de Québec. Cette concentration dépassait la norme acceptable de 0,012 µg/m3. Germain Lebel reconnait par ailleurs lui-même « [que] la perception de la qualité de l’air qu’on a est limité parce que notre réseau d’échantillonnage, les stations de mesures qu’on utilise, est plus restreint qu’à Montréal.».