Jardiner en ville devient possible. Des initiatives communautaires et entrepreneuriales ont vu le jour à Québec. Ces dernières années, le phénomène s’est rapidement développé et compte de plus en plus d’adeptes. À l’aube du printemps, L’Exemplaire est allé à la rencontre des professionnels et initiés du milieu afin de comprendre pour quelles raisons l’agriculture urbaine connait une telle prospérité à Québec.

L’agriculture urbaine peut sembler paradoxale, et pourtant. L’idée est simple. Rentabiliser des parcelles inoccupées, des lopins de terre inexploités, des terrasses, voire des toits d’immeubles pour cultiver. Cette agriculture urbaine se décline sous plusieurs formes. À Québec, la plupart des potagers se concentrent sur l’agriculture maraichère, les plantes médicinales, les germinations ou encore les légumineuses.

Ces dernières années, le phénomène a attiré davantage de citoyens à Québec. Dans la Vieille-Capitale, l’organisme les Urbainculteurs a contribué à l’émancipation et la démocratisation du jardinage urbain. Fondé en 2009, il regroupe des agronomes, des biologistes, des spécialistes de l’environnement ou du développement durable et des citoyens. Les Urbainculteurs sont les instigateurs de projets pour les citoyens, les écoles, les entreprises ainsi que les municipalités à l’image du potager à l’Assemblée nationale.

Un succès progressif

Les raisons du succès de l’agriculture urbaine sont liées à la volonté de protéger l’environnement, de manger local et biologique et d’arrêter de dépendre de l’agro-industrie. « Il faut créer notre indépendance alimentaire », a expliqué Ana Lerchs Salazar, agronome et chargée du projet « Jardin pour soi » au Young Women’s Christian Association (YWCA). L’idée d’un retour à la terre est conjuguée à la volonté de contourner les supermarchés afin de favoriser l’alimentation en provenance de « circuits courts ».

Si le phénomène gagne en popularité pour ces raisons à Québec, il est loin d’être nouveau à Montréal. La chargée de projet au YWCA note à cet égard que « c’est en expansion, mais ça pourrait aller encore plus loin ». Elle reconnaît que les implications citoyennes se font de plus en plus nombreuses. Mais selon elle, beaucoup d’endroits à Québec sont encore inexploités malgré leur potentiel.

Impact sur la politique

Des initiatives comme celles des Urbainculteurs peuvent influencer les décisions des politiciens. Puisque l’organisation va rejoindre un grand nombre de citoyens, entreprises et institutions, la ville de Québec ne peut que constater l’intérêt de la population pour un verdissement des espaces et une production d’aliment locaux.

Marie Eisenmann, responsable de projets chez Urbainculteurs,  croit que l’intérêt marqué des citoyens  pour l’agriculture urbaine est un vecteur de changement auprès des municipalités. D’ailleurs, la ville de Québec a maintenant un axe dédié à l’agriculture urbaine dans sa politique agricole pour la communauté.

Selon Genevièvre Cloutier, professeure adjointe à l’école supérieure d’amménagement du territoire et de développement régional de l’Université,  les Urbainculteurs ont fait la démonstration qu’avec assez peu de moyens, mais avec une grande concertation entre les acteurs, il est possible d’entrainer des bénéfices de production maraîchère réels,  d’incertion sociale et de sensibilisation à la nature.

Une agriculture basée sur la communauté

L’idée qui domine l’agriculture urbaine est basée sur une initiative de partage et une volonté de tisser des liens sociaux. L’instauration de jardins communautaires et collectifs constitue les exemples les plus évidents. Dans le cas d’un jardin communautaire, les membres peuvent louer des lots de terre pour jardiner. Un jardin collectif comprend des parcelles communes qui sont jardinées collectivement aux fins de partage réciproque des récoltes.

Pour renforcer la solidarité entre les agriculteurs urbains, une association d’organismes a même été mise en place. Pilier de l’agriculture urbaine à Québec, le Réseau d’agriculture urbaine de Québec (RAUQ), comprend la majeure partie des organismes de la Vieille-Capitale. Les membres de la RAUQ sont Nature Québec, les AmiEs de la Terre de Québec, Vivre En ville, les Urbainculteurs ou encore Craque-Bitume.

La plupart de ces organismes proposent des ateliers et formations pour apprendre à semer, à cultiver et à s’initier à l’agriculture urbaine sous toutes ses formes. Certaines de ces associations basent leur travail sur l’entre-aide, la mixité sociale, la solidarité et le bénévolat, à l’image de Jardin pour soi, une initiative communautaire mise en place par le YWCA de Québec. Des bénévoles cultivent des plantes médicinales afin d’en faire des produits cosmétiques et des tisanes. Ces produits sont ensuite revendus et les gains, reversés à l’organisme communautaire.

Un réaménagement urbain

Il y a quelques décennies, les villes et la nature étaient complètement dissociées. Les centres urbains étaient essentiellement une source de production industrielle entièrement bétonnée et asphaltée. Aujourd’hui, la naturalisation des quartiers est une caractéristique primée par les citoyens. Le développement des espaces verts est souvent un aspect d’importance dans les conseils municipaux.

Depuis quelques années, de nouvelles pratiques urbaines misant sur la participation des citoyens ont fait leur apparition, plaçant les citoyens au cœur de l’aménagement urbain. L’agriculture se renouvelle avec l’implantation de diverses initiatives de la Ville de Québec comme les jardins personnels, communautaires et collectifs. Certaines institutions et entreprises se joignent au mouvement pour l’environnement, pour le plaisir, pour agrémenter leur cuisine, etc.