Depuis la révélation des allégations visant le maire de Lévis Gilles Lehouillier, la question du harcèlement psychologique a refait surface dans le débat public. Le harcèlement psychologique serait le nouveau fléau du monde du travail, touchant un travailleur sur cinq au Québec, selon les chiffres l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Des organismes se mobilisent pour un environnement de travail sain afin de rompre l’isolement.

Au total, ce sont trois plaintes pour harcèlement psychologique qui ont été déposées à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) contre le maire de Lévis.

Brimades à répétition, gestes déplacés, hostilité, humiliations… Le harcèlement psychologique au travail est le quotidien de près d’un travailleur sur cinq au Québec. Rapporté à la population active de la province, cela concernerait plus de 800 000 personnes.

Même s’il n’existe pas de profil type de la victime de harcèlement psychologique, des tendances se dégagent. (Crédit infographie : Irina Lafitte)

Face à l’ampleur du phénomène, certains organismes viennent en aide aux victimes. Basé à Montréal, le Groupe d’aide et d’information sur le harcèlement sexuel au travail de la province de Québec (Gaihst) est l’un d’entre eux. Yann Morin y est chargé de recueillir les plaintes des victimes et les accompagner dans leurs démarches.

« Souvent, quand les gens arrivent chez nous, cela fait longtemps qu’ils vivent le harcèlement. Ils en ont déjà souffert des conséquences comme les arrêts maladies, les dépressions majeures, la remise en question. Tous ont besoin d’être écoutés. Mais ils ont aussi des questions très concrètes sur leurs droits ou les risques qui pèsent sur leur emploi », explique Yann Morin.

La CNESST couvre les travailleurs dans tous les aspects du harcèlement au travail grâce à La Loi sur les Normes du Travail de 1979. Sur son site web, la CNESST propose des ressources à destination des travailleurs. Par exemple, des capsules vidéo illustrent des situations problématiques au travail et les moyens de les résoudre. En voici une :

(Crédit vidéo : CNESST)

La commission a établi cinq critères afin de reconnaître le harcèlement psychologique sur un lieu de travail :

  • conduite vexatoire
  • caractère répétitif
  • paroles ou comportements hostiles ou non désirés
  • atteinte à la dignité
  • milieu de travail rendu néfaste

Ces cinq critères doivent tous être remplis pour que le travailleur puisse qualifier ce qu’il subit de harcèlement psychologique.

Le STEP défend ses adhérents et les informe de leurs droits (Crédit photo : Irina Lafitte)

Afin de donner aux travailleurs les clés pour se défendre et connaître leurs droits, l’association Au Bas de l’Échelle organise des sessions de formation pour les salariés non-syndiqués. Des lignes téléphoniques dédiées sont aussi disponibles. Cynthia Bergeron, responsable des services d’information juridique de l’organisme communautaire, indique qu’une des questions les plus fréquentes est de savoir comment reconnaître le harcèlement psychologique. Selon elle, il faut « distinguer le harcèlement psychologique du droit de gérance légitime que peut exercer un employeur, ou différencier le harcèlement d’une situation conflictuelle ». Elle ajoute également qu’afin de maximiser ses chances, un salarié doit collecter un certain nombre de preuves démontrant « sa crédibilité ».

 

Un statut ambigu 

Le Syndicat des Travailleurs et Travailleuses Étudiants et Post-doctorants (STEP) de l’Université Laval a mis en place un mécanisme de protection des travailleurs en vertu de la Loi des normes du travail. Leur double statut de travailleur et d’étudiant les expose à des risques d’abus. Pour contrer cela, le syndicat a mis en place plusieurs mécanismes de repérage sur le terrain, à commencer par le délégué syndical. Héloïse Varin, présidente du STEP, indique que son rôle est de «représenter la convention collective sur le terrain ». Le deuxième maillon de la chaîne est le délégué social, qui occupe plus spécifiquement un rôle d’écoute, que l’adhérent plaignant souhaite entamer des procédures ou non. Le défi devient alors de tracer la ligne afin de savoir « où s’arrête le rôle d’étudiant et où commence le rôle de travailleur », affirme Héloïse Varin. Malgré tout, pour elle et son collègue Christian Djoko, certains signes ne trompent pas :

 

De nouveaux changements à la Loi sur les normes du travail ont été introduits. Il s’agit notamment d’allonger le délai de dépôt de plainte. Ainsi, depuis le 12 juin 2018, les travailleurs ont jusqu’à deux ans après la dernière manifestation de harcèlement psychologique pour déposer plainte. Et à partir du 1er janvier 2019, les entreprises ont l’obligation d’adopter et de rendre disponible au sein de l’entreprise une politique de prévention du harcèlement psychologique et de traitement des plaintes. Ces modifications sont saluées comme des avancées par des organismes comme Au bas de l’échelle : « Il y a toujours des améliorations qui peuvent être faites. Car entre un employé et un employeur, il y a une relation de pouvoir, c’est pourquoi c’est compliqué de faire face à une situation de harcèlement », résume Cynthia Bourgeron.