L’usage de psychostimulants, durant les périodes d’examens universitaires, est une réalité pour certains étudiants. Ce phénomène reste mal documenté, mais s’observe dans les campus nord-américains. L’Université Laval n’y fait pas exception, selon Camille, étudiante à l’Université Laval, qui a accès au Ritalin légalement et qui se retrouve régulièrement confrontée à des camarades qui souhaitent lui en acheter. 

La consommation de psychostimulants, tels que le Ritalin et ses dérivés, par certains étudiants, surtout pendant les périodes d’examen, est un phénomène connu, mais difficilement quantifiable. Ces médications, initialement destinées à des personnes touchées par un trouble du déficit d’attention (TDA), permettent d’accroître les capacités de concentration et d’enlever la sensation de fatigue. Sur les campus américains, le recours aux psychostimulants concernerait 1.5 % à 35 % des étudiants. À l’Université Laval, aucune donnée n’existe pour mesurer le nombre d’étudiants concernés. Toutefois, la CADEUL s’intéresse à cette consommation de psychostimulants et mènera une enquête à l’hiver 2018, selon Ève Gaucher, vice-présidente à l’enseignement et à la recherche au sein de l’association étudiante.

 

Le ritalin est un médicament, parmi d’autres, qui est utilisé par certains étudiants pour accroître leurs performances scolaires. Initialement, il est destiné aux personnes touchées par le TDA. Crédit : Wikipedia Commons

 

La performance à tout prix

En secondaire cinq, le médecin a diagnostiqué un TDA chez Camille*, aujourd’hui étudiante à l’Université Laval. Elle côtoie de nombreux étudiants qui consomment régulièrement des psychostimulants, tels que le Ritalin, pour performer davantage durant leurs examens ou leurs travaux. Toutefois, ces derniers n’ont pas de prescription en tant que telle, mais ne font face à aucune difficulté pour s’en procurer. Parmi eux, certains ont développé une dépendance envers ces psychostimulants et se sentent, désormais, incapables d’étudier sans en consommer.

*Le nom de l’étudiant a été modifié pour lui garantir l’anonymat.

« Constamment, je suis approchée par des étudiants qui cherchent à se procurer du Ritalin. Même des gens à qui je ne parle pas nécessairement. Ils me disent qu’ils ont entendu quelqu’un leur dire que j’en avais. Pourtant, ce n’est pas comme si j’avais mis une annonce pour dire que je suis une distributrice » — Camille.

L’étudiante est elle-même surprise du volume de demandes qui sont faites à son égard. À titre personnel, elle a refusé d’en vendre, parce qu’elle estime que les effets secondaires sont importants, potentiellement dangereux et sous-estimés. Camille a subi des effets secondaires, tels qu’une insomnie accrue, des maux de tête ou une perte de poids majeure. Elle a donc décidé de ne pas consommer de Ritalin quotidiennement, mais de limiter son usage aux périodes d’examens, ce qui va à l’encontre de sa prescription.

Toutefois, elle connaît d’autres étudiants qui vendent des psychostimulants à des fins lucratives. En effet, la vente de telles pilules, généralement à l’unité, s’avère très lucrative.

« Tu peux vendre une pilule à 10 $ ou 15 $. Si tu vends toute la boîte, tu te fais plus d’argent que si tu vendais de la marijuana » — Camille.

Au-delà des effets secondaires de la consommation de psychostimulants, Camille estime que les substances proposées aux étudiants peuvent avoir une composition hasardeuse. En effet, il n’y a aucun moyen pour l’étudiant de vérifier que la pilule qu’on lui vend est réellement une pilule psychostimulante.

La circulation et le marché de médicaments psychostimulants existent en raison d’une demande de la part des étudiants, mais aussi par le fait que la prescription d’une telle médication est accessible. En effet, selon Camille, il est très facile de biaiser les résultats du formulaire qui détermine si un individu est sujet au trouble de déficit d’attention. Camille évoque le cas d’une de ses amies qui a suivi cette démarche. Aujourd’hui, elle a une prescription de Ritalin et l’utilise dans un cadre universitaire. « Je la connais depuis longtemps et j’ai comparé sa situation à la mienne. Ça n’a rien à voir, elle justifie le fait qu’elle a un TDA parce qu’elle trouve que l’université c’est difficile. Mais le TDA, c’est un problème plus profond que ça », confie l’étudiante.

 

La bibliothèque voit ses rangs remplis durant la période d’examens. Crédit photo : Émilie Carlen

 

Selon Marc Lavoie, professeur à l’Université de Montréal et chercheur à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal, le débat sur les méthodes du diagnostic du TDA est loin de faire consensus, au sein de l’ordre médical.

« Le vrai débat, c’est de savoir : ceux qui sont diagnostiqués, est-ce qu’ils sont tous diagnostiqués TDA de manière correcte ? C’est une dimension un peu mystérieuse. Il faut savoir qu’il y a beaucoup de pressions qui sont exercées pour obtenir un tel diagnostic. En effet, on a besoin d’un diagnostic pour percevoir des services : pour un support, des pédagogues, des médicaments, des psychologues » — Marc Lavoie.

Pourtant, aujourd’hui, aucune campagne ciblée n’existe sur le campus pour sensibiliser les étudiants aux effets secondaires de la consommation de psychostimulants.

La consommation de psychostimulants n’est pas sans risques

L’usage de psychostimulants est initialement destiné aux personnes souffrant de troubles de déficit d’attention et/ou d’hyperactivité (TDA/TDAH). Le TDA, selon Marc Lavoie, est une problématique qui survient à l’enfance, vers 6 ans. Le trouble se développe jusqu’à l’adolescence pour, ensuite, être en déclin à l’âge adulte. En effet, seuls les symptômes d’inattention du TDA/TDAH resteront actifs chez l’adulte. « La baisse de l’hyperactivité et de l’impulsivité correspondent au développement du lobe frontal, qui se déroule jusqu’à l’âge adulte », explique Marc Lavoie.

Les 3 dimensions du TDA/TDAH de Emilie Carlen

 

Selon Marc Lavoie, la consommation de psychostimulants n’est pas sans risque. Cette médication est destinée à des personnes présentant du TDA/TDAH et comporte des effets secondaires, notamment au niveau de la santé mentale. « Certains consommateurs inhalent ces substances, comme on le ferait pour de la cocaïne. Ce moyen de consommation est très nocif et accroît les risques de dépendance », affirme le chercheur. Il reste primordial de respecter la posologie recommandée par le médecin pour limiter les effets indésirables.

« Il faut rappeler aux gens que la prise de cette médication n’a rien de banal et ne devrait pas être consommée en vue d’une meilleure performance. Il faut que ce soit un usage justifié et qu’il ait un suivi effectué par un médecin » — Marc Lavoie.

 

Les effets secondaires de la consommation de psychostimulants de Emilie Carlen

 

Les difficultés de concentration, auxquelles se heurtent certains étudiants, s’expliquent par de nombreux facteurs. « Aujourd’hui, les étudiants sont sujets à la pression de performance, à des horaires chaotiques et à un réel problème de gestion de leur temps, qui participent à une difficulté de concentration », explique Marc Lavoie. Pourtant, les étudiants peuvent régler leurs difficultés par d’autres biais que la médication.


Copie de Petits conseils pour mieux se concentrer : de Emilie Carlen