Le nouveau tracé proposé pour le projet de tramway dans la vieille capitale, présenté en mars dernier, traversera l’arrondissement Limoilou en passant par la 3e avenue et le chemin de la Canardière, vers Beauport. Cette annonce attendue après des mois de blocage a à nouveau provoqué de vives réactions, et de nouveaux appels à repenser, voire abandonner le projet.

Le retour d’un tramway à Québec après une absence de plus d’un demi-siècle fait couler beaucoup d’encre. Certains disent de ce projet qu’il est révolutionnaire, d’autres que c’est une idée dépassée. Sur le plan économique, l’ajout d’un tramway à une ville peut avoir ses avantages pour la population, explique un économiste :

« La principale source d’avantages est le gain de temps; ça accélère la vitesse de déplacement. Ce sont des gains de temps pour les utilisateurs qui vont passer de l’autobus au tramway, mais aussi pour les nouveaux passagers, qui vont délaisser leur voiture pour prendre le tramway. » – Philippe Barla, Économiste et Directeur du département d’économique de l’Université Laval

Par ailleurs, Philippe Barla ajoute qu’il y a des avantages monétisables comme le confort d’utilisation, qui est supérieur dans un tramway face à l’autobus, mais aussi sur la fiabilité du service.
De plus, la réduction des coûts d’opération des véhicules privés peuvent être amoindris, notamment dû à la diminution de la consommation d’essence. L’arrivée de ce nouveau mode de transport en commun peut aussi occasionner une diminution de la congestion sur les routes, ajoute le professeur.

Au niveau collectif, le tramway peut aussi contribuer à la densification de la population :

« Lorsqu’on densifie, le coût des services municipaux sont amoindris puisque les services sont tous dans le même périmètre. » – Philippe Barla

Malgré ces avantages pour la communauté, l’économiste estime tout de même que même que la réussite économique du projet n’est pas « coulée dans le béton ». En effet, aucune analyse n’a été effectuée pour calculer l’efficacité du projet, explique-t-il :

« On s’apprête à investir plus de 3 milliards, sans avoir fait aucune analyse de rentabilité sociale. » – Philippe Barla

Un défi d’urbanisme

La construction du tramway engendrera de nombreux chambardements soulignés par les critiques du projet. Par exemple, près de 150 intersections seront touchées par une interdiction de tourner à gauche. Toutefois, même si la convivialité en voiture est grandement affectée, c’est le prix à payer pour avoir un bon transport en commun, selon l’urbaniste à la retraite Benoît Bossé :

« À chaque fois qu’on fait des efforts pour le transport en commun, il doit y avoir des contraintes dissuasives pour la voiture pour que cela fonctionne. » – Benoît Bossé, urbaniste

De plus, 1 701 arbres seront abattus pendant la construction, selon les prévisions du nouveau tracé proposé. Selon l’urbaniste, il aurait été possible de diminuer le nombre d’abbatages, mais pas avec les décisions politiques prises pour faire aller le projet de l’avant  :

« La Ville a décidé qu’elle maintiendrait la circulation dans les deux sens (Boulevard René-Lévesque). Ils sont donc obligés de supprimer les arbres. C’est une décision politique. » – Benoît Bossé

Toujours de l’opposition

Même si le projet a reçu moins de critiques depuis l’annonce du nouveau tracé, certaines personnes restent fermement contre l’idée. C’est le cas du chroniqueur et ancien Directeur de l’information du Journal de Québec, Donald Charrette.

Selon lui, le retour d’un tramway dans la vieille capitale est une très mauvaise idée :

« C’est un tracé plus politique que pour les usagers. Les vrais besoins sont mis de côté. » – Donald Charrette, chroniqueur politique

Pour lui, un enjeu de taille est que le projet n’a pas été approuvé démocratiquement par la population.

« On ignore jusqu’à présent les coûts d’opération du tramway. Ce projet sera certainement au cœur des prochaines élections municipales. C’est l’héritage de Régis Labeaume. Il veut « fermer le deal » avant les élections. Tant qu’il n’y a pas de décret gouvernemental, cela ne peut pas se réaliser. » – Donald Charrette

Il compare même ce projet avec le O-Train d’Ottawa qui s’est attiré de vives critiques, en connaissant des problèmes à plusieurs niveaux, même avec la météo hivernale.

« Dans des conditions hivernales extrêmes comme ici, ça n’existe pas un tramway. Ça vient avec des problèmes. Nous avons juste à comparer avec le O-Train à Ottawa qui a des problèmes l’hiver, et ce, avec un climat moins aride qu’à Québec. » – Donald Charrette

L’O-Train avait d’ailleurs eu quelques problèmes peu après son inauguration, notamment des problèmes mécaniques et d’ordinateurs, ce qui avait forcé l’arrêt temporaire de ses activités.

Par ailleurs, en raison d’une hausse de la congestion automobile que ce projet pourrait apporter, jusqu’à 300% de plus dans certains endroits selon les données qu’il avance, monsieur Charrette espère grandement que ce projet n’aura pas lieu, même si le tout est déjà assez avancé.