Les nouvelles limites de vitesse instaurées par la ville de Québec ne suffisent pas, selon certains parents du secteur de Saint-Louis. Le conseil de quartier s’est donc mobilisé afin de rehausser la sécurité routière, notamment en sensibilisant les conducteurs avec l’aide des parents des écoles primaires. 

Croissance des déplacements automobiles, circulation de transit, vitesse trop élevée des véhicules, déficit de qualité des infrastructures ; voilà les principales préoccupations des citoyens au conseil de quartier Saint-Louis (CQSL). Si on se fie aux nombreux commentaires qui sont émis sur la page Facebook de l’organisation.

La jeune Isia, rencontrée au parc Saint-Denys, a déjà connu des problèmes liés à la vitesse sur le chemin de son école, située dans Saint-Louis. 

« Devant mon école, […] il y a une brigadière qui doit faire le stop pour que les enfants traversent en toute sécurité, et il y a une voiture qui passe comme ça [geste rapide]. La voiture, elle roulait très très vite », raconte-t-elle.

Un lieu de transit

Malgré l’initiative de la ville d’abaisser les limites de vitesse résidentielles au printemps dernier, le quartier Saint-Louis demeure un endroit à haut risque. Comprenant une partie du boulevard Laurier et du chemin Saint-Louis, il s’agit d’un lieu où convergent les déplacements de toutes sortes.

La Ville de Québec s’est procuré 35 nouveaux afficheurs de vitesse, des appareils qui rappellent aux conducteurs de ralentir en affichant leur vitesse réelle. Crédit photo: Félix Lajoie

« La vitesse c’est souvent dans les rues de transit, pendant que c’est le trafic », explique Kevin, qui aime se rendre au parc à vélos avec sa compagne et son garçon.

Sa conjointe, Claire, blâme pour sa part l’impatience des automobilistes : « Je ne sais pas si c’est le fait qu’il y a eu quand même pas mal de constructions dernièrement. On dirait que les gens sont moins patients des fois ». 

À l’instar du couple, le président du conseil de quartier de Saint-Louis (CSQL), Pierre Pelletier, résume : « On sait qu’il y a des rues qui sont très problématiques du point de vue de la circulation. Les véhicules roulent trop vite, et il y a du trafic de transit. Parfois, ce sont des rues empruntées par des écoliers ». 

« On le sait, dans la ville de Québec, ça fait des années que les gens passent dans ces rues-là pour aller plus vite, éviter le trafic et aller chercher le pont», confirme Ariane Bélanger-Gravel, professeure en communication, spécialisée dans le changement de comportement. 

Stratégie de sécurité routière

En 2021, la ville de Québec a investi un million de dollars dans la réduction des limites de vitesse, dans le cadre de sa Stratégie de sécurité routière 2020-2024. La plupart d’entre elles sont passées de 50 à 30 km/h sur une forte proportion du réseau routier.

De son côté, le CQSL milite pour une réduction plus importante de la vitesse et estime que des aménagements physiques sont nécessaires. « Ce […] ne sera pas suffisant pour apaiser la circulation automobile dans certaines rues et y accroître la sécurité de tous les usagers de la route », indique M. Pelletier.

Selon les études réalisées pour la Ville, 90% des piétons survivront à un impact avec une voiture roulant à 30 km/h, tandis que les chances de survie descendent à 60% pour un impact à 40 km/h. Crédit photo: Félix Lajoie

Dans sa stratégie, la ville a instauré un programme de soutien à la mobilisation, mettant à disposition des conseils de quartier, des conseils d’établissement et des comités de parents une somme de 3000$ chaque année.

Le CQSL a choisi de s’en servir pour produire des affiches « Ralentissons merci! » à la demande des parents des écoles primaires. Au total, 150 affiches ont été distribuées et installées sur les terrains des familles avant la rentrée scolaire, afin de « rentrer dans le budget », indique le président du conseil de quartier.

« On offre aux citoyens d’être à leur tour les promoteurs dans leur quartier de l’importance du respect des nouvelles limites de vitesse », affirme M. Pelletier.  Crédit photo: Conseil de quartier de Saint-Louis

Pour sa part, Kevin juge utile la présence des affiches : « Elles font réfléchir parce que tu roules toujours plus vite dans une rue qui n’est pas la tienne. Parce que tu n’es pas émotivement impliqué dedans », explique-t-il.

Ce parent ajoute qu’il a déjà contacté la Ville afin de faire installer un «dos d’âne» (ralentisseurs) sur sa rue. Cependant, l’administration n’a pas mis en œuvre sa demande, car ces dispositifs seraient nuisibles aux véhicules d’urgences.

Dans sa Stratégie de sécurité routière, la Ville n’a effectivement pas choisi les ralentisseurs pour freiner les automobilistes. Cependant, elle a mis en place plusieurs autres mesures: achat de 10 nouveaux radars photos mobiles d’ici 2022, révision de 115 trajets scolaires, ajout d’une signalisation dynamique près des écoles, mobilisation de 18 policiers dédiés uniquement à la sécurité routière, et j’en passe.

Une stratégie diversifiée

La Ville de Québec a donc élaboré un plan relativement diversifié afin de faire régner la sécurité sur ses routes. Selon Mme Bélanger-Gravel, professeure spécialisée en changement de comportement, la Capitale suit la bonne voie en diversifiant les mesures.

« Il n’y a pas d’étude qui dit exactement quelle composante qui serait meilleure que les autres. Mais je dirais que c’est un ensemble de tout ça [sensibilisation, répression, aménagements physiques] qui va faire que ça va marcher et que c’est efficace », explique-t-elle.

La sensibilisation citoyenne au sujet des enfants et des écoles peut fonctionner, mais pas pour tous. « Les gens qui n’auront pas de famille ne seront pas tant affectés par ce genre de mesures […] il y a plusieurs types de conducteurs, il faut donc plusieurs types de mesures », soutient Mme Bélanger-Gravel.

 

Hassan, le père de la petite Isia, prend son pays d’origine, le Maroc, comme exemple pour parler de sa perspective sur la sensibilisation.

«Si je prends la même approche que celle qui est au Maroc par exemple, il y a énormément de sensibilisation, mais ça ne donne pas de résultat. Pourquoi ? Parce que c’est ponctuel, c’est ça le problème. Quand il y a un suivi, là ça donne des résultats», affirme le père de famille.

Mme Bélanger-Gravel abonde exactement dans le même sens : « Si on veut que ça fonctionne et que les comportements changent, il faut que ce soit sûr du très long terme ».

Elle fait un lien avec la conduite avec les facultés affaiblies qui, à une certaine époque, était davantage acceptée. « On a tellement fait de sensibilisation au fil des années, qu’aujourd’hui on n’accepte plus ça en tant que société ».

La mobilisation du conseil de quartier de Saint-Louis a donc des chances d’avoir des impacts réels à long terme, mais seulement si tous les quartiers s’y mettent.

« Si chaque fois qu’on arrive dans un quartier, il y a encore ces pancartes-là qui nous rappellent qu’il y a une école, qu’il y a des enfants et que ce n’est pas une autoroute, alors cela pourra fonctionner. Mais il faut que le message soit présent et qu’il soit répété», conclut la professeure.