À la Maison Lauberivière rue Saint-Paul à Québec, tous les lits sont occupés chaque nuit. Avec l’arrivée des grands froids, les refuges de la ville peinent à couvrir les besoins d’un nombre grandissant de sans-abri.  

La salle à manger de la Maison Lauberivière ne désemplit pas pour la soupe populaire, servie gratuitement et librement tous les soirs. Bien loin de la neige qui recouvre les rues, l’ambiance est chaleureuse. Autour d’un repas chaud, on échange et on recrée du lien. « Je suis un ancien cocaïnomane, maintenant ma drogue c’est la parole et l’écoute », raconte Rami, un habitué du rendez-vous nocturne du refuge.

Parmi les 300 à 400 personnes servies chaque jour, beaucoup s’accordent pour dire que le refuge allie l’utile à l’agréable. « On mange et on discute, explique Pierre. On peut se faire de bons amisJe dors ici depuis deux semaines mais je viens depuis bien plus longtemps. »

La Maison Lauberivière disposait à l’origine de 39 lits pour les hommes et 12 lits pour les femmes. Dès janvier 2018, 15 lits d’urgence pour hommes ont été ajoutés, et sont depuis devenus définitifs face aux débordements persistants. Avec 20 000 couchers annuels, la fondation a bien du mal à répondre aux besoins. « Samedi encore, on a dû refuser neuf personnes, confie Éric Boulay, directeur général du refuge. On leur propose de rester la nuit au chaud, même si on n’a plus de lits disponibles. »

Pour la quatrième année, la fondation a en effet mis en place une halte chaleur de décembre à mars en plus de ses fonctions traditionnelles d’hébergement. Ouvert de 23 heures à 7 heures, le Réchaud permet à ceux qui le veulent de se reposer au chaud. « En parallèle, on reste en contact avec les deux autres refuges de la ville [Maison Revivre et Armée du Salut, ndlr.]pour savoir s’ils ont des places disponibles, assure Éric Boulay. On ne laisse pas quelqu’un dormir dehors avant d’avoir épuisé toutes les possibilités. »

Des besoins grandissants

De plus en plus de personnes fréquentent les différents services de la Maison Lauberivière. « Au Réchaud, on avait 6 ou 7 personnes par nuit la première année. Aujourd’hui, on est plutôt autour de 40 à 45 personnes », remarque le directeur général qui note une forte augmentation du nombre d’itinérantsces dernières années. Il l’explique notamment par le fait que les sans-abri ont tendance à venir dans des grandes villes comme Québec ou Montréal pour avoir accès à de plus grands centres.

En 2018, le rapport du dénombrement des personnes en situation d’itinérance publié par le ministère de la Santé et des Services sociaux comptait près de 5 800 sans-abri visibles dans 11 régions du Québec, dont 3 100 à Montréal et 545 dans la région de la Capitale-Nationale.

 Éric Boulay insiste néanmoins : « On sort quand même de plus en plus de gens de la rue aujourd’hui. On a des outils qu’on n’avait pas avant. » Pourtant, il existe toujours des itinérants qui dorment dans la rue, même pendant l’hiver où les températures descendent autour des moins 30°C à Québec. « Certains y seront toujours, même si on avait assez de places d’hébergement. Personne ne choisit de vivre dans la rue, estime Éric Boulay, mais on ne peut que proposer une aide et attendre qu’ils se tournent vers nous par eux-mêmes. »