Chaque année, l’enjeu de la perte de l’esprit francophone au Festival d’été de Québec refait surface. On parlait même en 2010 de couper ses subventions. Le souci viendrait principalement de l’absence d’artistes francophones capables de remplir les plaines et de l’inexistence de scène moyenne, entre la scène Bell et le pigeonnier.

Gabriel Marquis, musicien québécois se souvient : « Avant, on pouvait entrer au festival pour 7$, ça avait un côté très local. Aujourd’hui, le Festival d’été de Québec a pris un autre tournant, il veut clairement faire concurrence aux gros festivals internationaux comme Coachella. Alors pour ça, il faut booker de très très gros show ». Ces gros show, c’est la musique de baby-boomers, de la nostalgie et il se trouve que ce n’est pas du français… Qui peut vraiment faire le poids face aux Rollings Stones, à Stevie Wonder, ou à Elton John ? En tout cas, cette année, ils ne seront que 35% à chanter en français.

Louis Bellavance, directeur de la programmation du FEQ, assume totalement ce virage vers l’international et explique la manière dont il programme les groupes sur ces onze jours.

Remplir les plaines d’Abraham ou rien

Autrefois, les grandes scènes, c’était 20 000 à 25 000 personnes, aujourd’hui, le festival à pris de l’ampleur et est entré dans la cour des grands. Les plaines accueillent 150 000 personnes. Des plaines vides, c’est un gros manque à gagner pour le festival. Louis Bellavance, directeur de la programmation du FEQ en est persuadé : « aujourd’hui le seul artiste francophone qui peut remplir les plaines, c’est Stromae ».

Selon l’inconditionnel du festival, Gabriel Marquis, c’est le manque de scène moyenne pour les artistes francophones qui fait problème :

Pour les touristes

Monter en gamme au niveau de sa popularité, c’est aussi gérer des budgets plus importants. Alors, quand on lui parle de promouvoir la scène émergente, le directeur de la programmation du festival est clair.

Il faut dire que pour attirer les touristes qui passent quelques semaines à Québec et qui doivent acheter une passe 98 $ à distance, il est plus rassurant de voir des têtes d’affiche comme Iggy Azalea ou Foo Fighters que des noms de la scène émergente. « Il y a clairement une vocation à attirer les touristes. Avant ce n’était pas la même démarche, les gens qui étaient en vacances ne prévoyaient pas d’aller au FEQ, ils passaient, voyaient l’entrée à 10-15$ et improvisaient ». Aujourd’hui, on vient à Québec l’été pour le festival.

Pour les groupes émergents ?

Pour Jean-François Roy, commercial et DJ à Québec, le festival, c’est avant tout une opportunité de voir de grands groupes à moindre coût. « Je suis très pro québécois au niveau de la langue par contre pour le festival, je suis complètement avec le festival d’été. Pour voir Foo Fighters, c’est 175 $ au centre Bell alors que là, cela me coûte 80$ pour les voir eux parmi d’autres. Ça me permet de découvrir d’autres groupes en plus ! »

Et puis la question du public est aussi en cause. Les gens qui vont voir les gros shows aux plaines sont-ils vraiment les mêmes que ceux qui vont découvrir la scène émergente québécoise ? « Pas sûr » dit Gabriel Marquis. « Je pense que justement, on peut dire que la masse de gens qui va être attirée par les gros show va forcément aller, se promener et voir des groupes plus émergents et francophones. Ce sont ces gros show qui vont leur amener une visibilité ».