Ils sont une quarantaine à se réunir chaque semaine à l’Université Laval dans une association unique en son genre à Québec : le « Club de Super Smash Bros », en référence à une célèbre saga de jeu vidéo créée par Nintendo.
Véritable e-sport à l’échelle mondiale, le jeu de combat Super Smash Bros permet surtout à ces Québécois de se faire des amis. Immersion dans le « Club de Super Smash Bros » le temps d’un tournoi.

Super Smash Bros est à l’origine, un jeu vidéo sorti en 1999 sur la Nintendo 64. Deux ans plus tard, le second épisode de la saga devient le produit vidéoludique le plus vendu de la Gamecube, la nouvelle console de Nintendo. En 2008, le troisième opus de Super Smash Bros s’inscrit dans la même lignée que ses prédécesseurs, en établissant des records de ventes dès sa sortie sur la Wii, l’une des consoles de Nintendo les plus connues au monde.

Le dernier volet de la saga a lui été développé il y a trois ans. Encore massivement pratiqué en ligne en 2017, il se joue à la fois sur la Wii U et sur la 3DS. Ci-dessous, un historique de la série Super Smash Bros.

Alors que Nintendo sort une nouvelle console (voir le clip publicitaire sur YouTube) le 3 mars prochain, des rumeurs courent sur Internet comme quoi un nouvel épisode serait en préparation – de quoi faire rêver des millions de joueurs à travers le monde qui attendent l’événement depuis trois ans.

Super Smash Bros pour les nuls

Mais pourquoi ce jeu est-il devenu culte auprès du public et des critiques ? Les explications de son succès sont généralement les suivantes :

  • C’est un jeu de combat. Le but de la partie est de battre son adversaire en « l’éjectant » hors de l’arène de combat. On ne peut cependant pas considérer Super Smash Bros comme un « jeu violent » : il n’y a pas de sang, il n’est pas réaliste et il ressemble davantage à un cartoon survitaminé en deux dimensions qu’à un combat à mort.
  • C’est un jeu vidéo basé sur le monde du jeu vidéo. Les personnages sont issus d’univers vidéoludiques différents : on peut y incarner Mario, Luigi, Donkey Kong mais aussi Pacman, Sonic ou Pikachu. Les terrains de bataille sont aussi inspirés de multiples jeux vidéos. On peut ainsi se battre dans une arène Pokémon, au milieu d’un circuit de Mario Kart ou encore dans le château de la princesse Zelda.
  • C’est un jeu vidéo fait pour être joué à plusieurs. A l’origine, les joueurs se retrouvaient ensemble devant la même TV pour s’affronter avec leurs personnages préférés. Désormais, Internet permet aux gens du monde entier de jouer l’un contre l’autre, chacun derrière son écran. Cette dimension multijoueur ultra-compétitive a fait de Super Smash Bros un sport électronique très pratiqué. Chaque année, des tournois réunissant les meilleurs joueurs du monde sont regardés en ligne par des millions de spectateurs depuis leurs ordinateurs.

Voici ci-dessous un combat de Super Smash Bros Melee entre deux membres du Club de Super Smash Bros de l’Université Laval, commenté par le vice-président, Charles Caron-Ouelette qui explique les principes de base du jeu :

Loin du « stéréotype du geek »

Le « Club de Super Smash Bros de l’Université Laval » réunit une quarantaine de fans de ce jeu culte. Si la majorité d’entre eux sont étudiants, tous ne le sont pas : certains Québécois viennent ici uniquement pour jouer à leur jeu préféré.

A 21 ans, Charles est le vice-président de l’association. Entre la direction du Club, l’organisation des tournois, la gestion de la communauté en ligne de joueurs de Smash, il confesse avoir de moins en moins de temps pour ses études en pharmacie. Malgré l’importance qu’a pris l’association dans sa vie de tous les jours, Charles ne semble pas regretter de gérer le Club :

« Ce qui est bien ici, c’est que plein de gens différents se retrouvent pour jouer à un même jeu. Peu importe nos origines sociales : il y a des gens avec moins d’argent, d’autres qui ont plus de moyens, certains sont étudiants, d’autres non… Et tout le monde ne ressemble pas au stéréotype du geek ! Bon d’accord, quelques-uns y ressemblent (rires). Mais le but du club, c’est aussi de se faire des amis. »

Au-delà des amitiés, si les membres se réunissent, c’est avant tout pour s’affronter. Certains irréductibles se retrouvent autour de la version originale du jeu, sortie en 1998 sur Nintendo 64. La plupart jouent à l’épisode le plus récent de la saga, celui sorti sur Wii U en 2014. Mais d’autres se réunissent le lundi autour de Super Smash Bros Melee, la version culte du jeu datant de 2001.

Une vieille télévision, une Gamecube et deux manettes : c'est tout ce qu'il faut pour jouer à Super Smash Bros Melee. Crédit photo : MLRLM
Une vieille télévision, une Gamecube et deux manettes : c’est tout ce qu’il faut pour jouer à Super Smash Bros Melee. Crédit photo : MLRLM

Entre « esprit de compétition » et « amitié »

Les tournois du lundi ne débutent qu’à 19h30 à l’Université Laval. En guise d’arène, les joueurs ont le droit à une petite salle perdue au deuxième étage du pavillon Alexandre Vachaud, aménagée pour l’occasion. Sur les tables, on a installé de vieilles télévisions, branché quelques consoles et mis en place une sorte de « régie » au tableau. Ce lundi soir-là, micro et tablette en main, Charles, le vice-président, prend la parole :

« Tout le monde a apporté ses 5 $ ? »

C’est le prix à payer pour venir à la soirée. Un dollar va dans les finances de l’association, pour acheter du matériel, louer des salles, payer des trajets pour des tournois… Un autre dollar va dans une cagnotte spéciale, qui sera versée à la fin de l’année aux participants venus le plus souvent. Et les trois dollars restants vont dans le « pot commun » du jour, pour récompenser les meilleurs joueurs de la soirée. Car oui, même si tout le monde s’amuse et rigole dans cette salle, on devine tout de même un certain esprit de compétition.

C’est cette mentalité qui est à l’origine de l’organisation des tournois, explique d’ailleurs le président de l’association, Steven – qui étudie en informatique le reste de la semaine.

« À la base, c’est principalement l’esprit de compétition qui motive les joueurs à venir à nos tournois. Ils commencent par jouer avec leur famille et leurs amis. Mais beaucoup d’entre eux veulent un niveau de compétition plus élevé, pour faire leurs preuves. Ici, ils s’améliorent constamment. Par la suite, au-delà de l’esprit compétitif, les amitiés qui se bâtissent motivent les gens à revenir à chaque semaine. »

Pour pratiquer Super Smash Bros à "haut-niveau", il est nécessaire de pouvoir bouger ses doigts très rapidement sur la manette. Crédit photo : MLRLM
Pour pratiquer Super Smash Bros à « haut-niveau », il est nécessaire de pouvoir bouger ses doigts très rapidement sur la manette. Crédit photo : MLRLM

Entraînements intensifs, e-sport et top 100 mondial

Cédric, 21 ans, est le « meilleur » joueur du club. Avec ses 5000 heures de jeu au compteur, il a une avance certaine sur tous ses autres concurrents. Mais c’est avant tout pour le plaisir qu’il vient. Ce soir par exemple, il a amené une TV et une console pour jouer avec d’autres membres. Mais il ne participera pas au tournoi, et partira un peu plus tôt que les autres pour aller travailler.

Cet été, Cédric s’est rendu à Boston avec quelques autres joueurs du Club pour participer au Shine, un tournoi mondial de Super Smash Bros, où plus de 1000 joueurs du monde entier sont venus s’affronter. « Et parmi eux, il y en avait une trentaine qui faisaient partie du top 100 mondial », assure le jeune Lorettain. Alors qu’il fait probablement partie des cinq meilleurs joueurs du Québec, « Fugu » – son pseudo en ligne – s’est fait vite sortir à Boston.

Il s’était pourtant préparé. Entre séances de jeu intensives et visionnage de vidéos sur Youtube pour s’inspirer des meilleurs joueurs de la planète, son entraînement était digne d’un sportif. Selon lui d’ailleurs, « les tournois sont du e-sport ».

Pour Steven, le président du club, cet aspect sportif a changé l’image du « geek » auprès de l’opinion publique :

« Aujourd’hui, la plupart des grands réseaux télévisuels de sports comme l’ESPN ou la RDS ont une section dédiée aux sports électroniques, aux e-sports. Il ne s’agit évidemment pas de leur plateforme principale, mais l’impact des e-sports dans la société croît constamment et c’est une passion qui commence à être reconnue comme quelque chose de positif par le public. »

Thomas, 22 ans, est étudiant en génie informatique et vient de Levis. Il est l'un des deux joueurs de la vidéo visionnable plus haut dans l'article. Crédit photo : MLRLM
Thomas, 22 ans, est étudiant en génie informatique et vient de Levis. Il est l’un des deux joueurs de la vidéo visionnable plus haut dans l’article. Crédit photo : MLRLM

D’ailleurs, la pratique de jeux vidéos est vue comme un sport dans de nombreux pays. En Corée du Sud, on considère le e-sport – notamment le jeu de stratégie futuriste « Starcraft » – comme un sport national. Les stades sont remplis et les joueurs sont payés des dizaines de milliers de dollars.

Il ne s’agit pas d’un cas isolé. En Allemagne, la finale du championnat du monde de « Counter Strike », l’un des jeux de tirs les plus populaires au monde, avait attiré plusieurs milliers de spectateurs à Cologne en 2015. Diffusée en direct dans de nombreux cinémas européens, notamment en France, elle avait ainsi attiré des milliers de spectateurs à travers le continent.

A ces finales spectaculaires, il faut aussi ajouter les retransmissions de rencontres d’e-sport plus banales, en live sur Youtube ou Twitch. Pour certains jeux, comme « League of Legends », les parties en direct attirent des millions de spectateurs.

Une communauté autour de Super Smash Bros à Québec

A Québec, c’est donc autour de la saga Super Smash Bros qu’on note un véritable engouement, comme en témoigne les 500 membres de ce groupe Facebook local. Bien avant la naissance du Club en 2016, certains se réunissaient déjà « clandestinement » pour jouer ensemble dans des magasins de cartes. Depuis, des bars de e-sport ont ouvert en Basse-Ville, notamment à Saint Roch, comme par exemple le LvlOP ou le Meltdown.

Si le Club de Super Smash Bros de l’Université a été créé, c’est uniquement pour donner un « cadre officiel » aux tournois de la communauté québécoise. Cela permettait aussi d’obtenir des locaux pour ranger le matériel de jeu.

« Le Club de Super Smash Bros de l’Université Laval a été fondé début 2016, rappelle le président, car nous avions déjà un ensemble de joueurs qui cherchaient une façon de compétitionner entre eux, mais aucun environnement compétitif « officiel » à Québec n’existait. Comme une majorité de nos joueurs sont étudiants, l’Université Laval était le meilleur lieu pour fonder le noyau de la communauté compétitive de la Ville de Québec. »

Même si le niveau à Québec est relativement bas « comparé à Montréal ou aux États-Unis », d’après le champion Cédric, l’engouement local existe réellement. Fabien, étudiant français en informatique et membre du Club témoigne de cet intérêt local :

« J’adore Smash. A Marseille, on avait fait un club, mais on était que 4 ou 5 dans mon école. Lors des tournois, on pouvait être une vingtaine. Vu que tu es obligé de jouer avec un partenaire, c’est un super moyen pour se sociabiliser. Si je suis venu ici, au Club de Super Smash Bros de l’Université Laval, c’est entre autres pour me faire des potes. »

Une vérité bien loin du cliché du joueur « geek et solitaire ».

Des membres du "Club de Super Smash Bros de l'Université Laval" en pleine partie de Melee. Crédit photo : MLRLM
Des membres du « Club de Super Smash Bros de l’Université Laval » en pleine partie de Melee. Crédit photo : MLRLM