Québec – Régulièrement annoncée depuis plusieurs années, la fermeture définitive de l’ancienne église de Saint-Coeur-de-Marie, située Grande-Allée, semble irrémédiable. Sous la pression combinée de la ville de Québec, du voisinage et des commerçants proches, le bâtiment  croule sous des soucis financiers de plus en plus importants. Pourtant, cet édifice , reconverti en librairie par Yvan Cloutier, attire chaque jour des centaines de personnes, venues découvrir ce lieu atypique.

Avec la fin de la période estivale, Yvan Cloutier, gérant des lieux, va fermer les portes de cette église de 1918, sans savoir s’il les rouvrira l’année prochaine. Un déchirement pour cet homme qui travaille depuis 2002 pour que le projet du « Palais des Arts » voit le jour. Depuis la désacralisation de l’édifice en 1997, plusieurs projets avaient été avancés, jusqu’à ce qu’Alex Rahmi, un investisseur américain, ne le rachète en 2002 pour 300.000 dollars. Depuis, les deux hommes ont présenté deux demandes de zonages afin de pourvoir permettre la tenue d’événements. A chaque fois, le permis d’occupation est refusé, malgré un assouplissement du règlement de zonage en septembre 2009.

Mais le coup de grâce arrive en 2010 lorsque la ville décide de « réaménager la colline parlementaire, sans même tenir compte de l’église, alors que nous sommes tout proche »  confie Yvan Cloutier. « La même année, les artistes ont arrêté de venir ».

Depuis plus d’un an, le lieu sert de brocante estivale au gérant, qui y propose à la vente des dizaines de milliers d’ouvrages. Seule la nef, la partie principale de l’église, est ouverte au public.

Pourtant, la grogne existe toujours, malgré les années qui passent. Déjà en 2010, André Verreault, directeur d’Action Promotion Grande Allée, s’en prenait aux « gens du Palais des Arts qui font semblant d’être un organisme philanthropique dédié aux artistes, mais au fond leur but c’est de faire de cette salle une salle de réception de prestige. Ils veulent vendre de l’alcool ? ». Ce que dément catégoriquement Yvan Cloutier, qui avance lui le « projet de café-théâtre ».

Une habitante du quartier, qui a préféré garder l’anonymat, confirme que le voisinage est en colère. « L’état de ce qui était une église magnifique est déplorable. Elle n’est pas entretenue et je ne parle pas de l’herbe sauvage tout autour. Il y a déjà eu une pétition pour la fermeture de l’église en 2004. »

Yvan Cloutier se défend : « Plus de deux millions de dollars de réparations ont été consentis entre 2006 et 2008 ! Et nous entretenons régulièrement le bâtiment et le terrain attenant ! Les élus de la ville viennent maintenant faire de la politique de basse-cour mais ils n’ont rien fait en 2002 quand l’église était abandonnée ! Et ils nous ont refusé des subventions alors que la ville en accorde généreusement à d’autres églises dans de meilleurs états que la nôtre. Ils ne veulent même pas se concerter et travailler avec nous. Ils refusent même de nous parler ! »

Fataliste, Yvan Cloutier confirme qu’il « peut arrêter n’importe quand » et laisser sa place à « n’importe quel projet qui viendrait remplacer » sa brocante-librairie.

Alors que des voix se lèvent pour sauvegarder ce joyau architectural et ses vitraux anciens, l’aventure d’Alex Rahmi et Yvan Cloutier semble toucher à sa fin.