L’industrie du jeu vidéo connaît une croissance fulgurante que l’écosystème actuel ne peut supporter selon les experts du secteur. Plusieurs stratégies sont actuellement élaborées par différents acteurs, dont La Guilde du jeu vidéo du Québec, afin de répondre à la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur et soutenir la croissance de l’industrie. Le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial sont invités par les acteurs du secteur du jeu vidéo à participer dans la création d’avenues ou « pipelines » en matière de formation et d’immigration.
Les étudiants et les personnes en reconversion au Québec font partie de la solution locale, selon le directeur de l’école 42Québec et des membres de la Guilde du jeu vidéo du Québec. La Belle Province est l’un des pôles mondiaux de l’industrie du jeu vidéo et dispose pour cela de formations collégiales et universitaires très diversifiées selon Christopher Chancey, président de la Guilde du jeu vidéo du Québec. Cependant ce n’est pas suffisant pour limiter la pénurie de main-d’œuvre : il y aurait 2 000 postes à pourvoir d’aprés Monsieur Chancey.
L’initiative de Québec Numérique à travers l’école de formation en programmation 42Québec vise à combler une partie du déficit dans le domaine du numérique au Québec selon son directeur, Dominic Goulet.
Les deux premières années du cursus proposés dans cette école prodiguent une formation générale. La troisième année permet de se spécialiser dans l’un des vingt domaines proposés dont le jeu vidéo, la cybersécurité et l’intelligence artificielle, en autres, explique le Directeur de 42Québec.
Monsieur Goulet avance que les dizaines de milliers de personnes à être passé par les écoles du réseau42 dans le monde sont toutes à l’emploi. « De nos jours, les compétences priment autant qu’un diplôme » assure Monsieur Goulet. Christopher Chancey, chargé de cours en programmation, design et entrepreneuriat dans les jeux vidéo à l’UdeM et l’UQAT, estime lui aussi que le portfolio importe parfois plus que le diplôme aux yeux de certains employeurs.
Le Directeur de 42Québec convient que le secteur privé est le premier employeur des finissants des écoles du réseau42, puisqu’il s’agit d’une école qui ne fait pas partie du réseau de l’Éducation et dont les diplômes ne sont pas reconnus par le Ministère de l’éducation. Néanmoins, Monsieur Goulet affirme que des discussions sont en cours avec des établissements d’enseignement reconnus, afin de permettre une reconnaissance des acquis pour ceux qui le désirent.
Selon Guillaume Boucher-Vidal, PDG de Nine Dots Studio, les formations à Québec sont « assez solides ». Cependant d’après lui il ne « faut pas se non plus leurrer, y a un besoin de spécialisation de plus en plus développé donc bien que les candidats deviennent meilleurs, les besoins du marché grimpent aussi et ça ne suit pas toujours au même rythme. ».
Monsieur Boucher-Vidal pense notamment aux postes en UX (User Experience ou expérience utilisateur) et en UI (User Interface ou interface utilisateur), qui peuvent parfois prendre plus de 6 mois avant d’être comblés par un candidat avec assez d’expérience.
À défaut de trouver des spécialistes, les studios internationaux ou AAA (triple-AAA) embauchent des juniors à ces postes car ils ont le temps et les seniors qu’il faut pour les former d’aprés le PDG de Nine Dots Studio.
Il existe également des initiatives pour un meilleur arrimage entre les formations et les besoins du secteur. Le Pôle synthèse effectue une veille stratégique et des échanges avec l’industrie, afin que les étudiants des cégeps et universités reçoivent une formation en phase avec l’évolution de l’industrie du numérique et du jeu vidéo, rapporte Monsieur Chancey.
L’apport de l’immigration
« Les standards sont si élevés que de se limiter au pool local peut être contreproductif. Par contre la rétention est beaucoup plus difficile lorsque c’est des immigrants et non des personnes locales. » – Guillaume Boucher-Vidal, PDG de Nine Dots Studio
L’immigration a donc un rôle certain à jouer dans le bassin de l’emploi de l’industrie du jeu vidéo selon les acteurs de l’industrie. Toute fois la montagne administrative que représente l’embauche de ses talents venus de l’étranger a de quoi rebuter des employeurs et les futurs employés.
Là aussi, les gros studios ont généralement moins de difficultés à procéder aux démarches selon Monsieur Chancey. Les studios indépendants qui grandissent aussi très vite ne naviguent pas aussi bien dans ces eaux opaques selon Monsieur Boucher-Vidal.
Le PDG de Nine Dots Studio affirme que s’ils trouvent « la bonne personne » ils feront « les démarches qu’il faut pour permettre à cette personne de s’ajouter à notre équipe ». Jusqu’ici, il a toujours trouvé des employés sur le sol canadien, y compris des immigrants déjà présents sur le territoire.
Les métiers de la filière des jeux vidéo et plus largement du numérique font partie des professions les plus recherchées au Québec aux côtés des préposés aux bénéficiaires par exemple. La Guilde du Jeu vidéo du Québec qui rassemble la plupart des acteurs locaux de l’industrie travaille actuellement sur un plan stratégique qui prend en compte le besoin de l’immigration dans l’industrie du jeu vidéo et ses aspects contraignants.
Le Certificat de sélection du Québec ou CSQ par exemple, nécessaire uniquement au Québec, peut être un frein pour qu’un employé immigrant reste travailler dans la province. Les délais d’obtentions sont longs et leurs nombres sont limités chaque année.
C’est un frein au développement de l’industrie et à l’apport financier que fournit le jeu vidéo estime Monsieur Chancey. Le Président de la Guilde du jeu viédo du Québec ajoute même que ces immigrants qualifés qui participeraient à la croissance d’une des industries fleurissantes du pays, contribueraient aussi à la société et l’économie en s’installant avec leur famille au Québec.
Courtiser autant ses employés que les candidats à l’embauche
Aujourd’hui la course est aux avantages que proposent les studios aux candidats en échange de leur cerveau, de leur talent, de leur expérience et de leur portfolio.
Conditions et milieu de travail, reconnaissance envers les employés, sentiments d’appartenance et cohésion d’équipes, liberté créative… Semaine à quatre jours, anti-crunch et anti-overtime, les studios redoublent d’efforts pour mettre de l’avant leur culture et leur valeur.
« On est dans une ère où les gens vont miser sur la qualité de vie de plus en plus » constate Monsieur Chancey. En soit les employés ont le contrôle de leur condition de travail. Ils peuvent toujours quitter s’ils ne sentent pas bien où ils sont, ils retrouveront rapidement un emploi dans cette industrie, d’aprés Monsieur Chancey et Monsieur Boucher-Vidal, respectivement à la tête de Manavoid Entertainment et Nine Dots Studios, des studios de jeu vidéo indépendants.
La plupart du temps, les futurs employés trouvent chaussure à leurs pieds dans ces studios indépendants qui naissent et grandissent de plus en plus chaque années, selon les deux PDG.
Certains vont jusqu’à créer leur propre studio quand ils ont la fibre entrepreneuriale et des idées précises comme Guillaume Boucher-Vidal. Celui-ci a créé Nine Dots Studio en 2011 et recruté ses premiers employés qui sont aujourd’hui des piliers du studio. Pour Monsieur Boucher-Vidal, les projets sont l’élément le plus important à mettre de l’avant pour recruter de nouveaux talents.
« Tout employé qui travaille sur un projet à Nine Dots va avoir un impact immense sur le jeu au final. Par exemple sur Outward [sorti en 2019, vendu à plus d’1million d’exemplaires le 1er décembre 2020], c’est un open world rpg, c’est quelque chose de très vaste, 99,9% des animations ont été faites par une personne.» – Guillaume Boucher-Vidal, PDG de Nine Dots Studio
« S’épanouir et être heureux au travail n’est pas lié qu’à l’argent, les gens ont besoin de but, de sentir qu’ils font partie de quelque chose » estime Monsieur Chancey. Selon le nouveau Président de la Guilde de Jeu Vidéo du Québec, s’épanouir dans son travail est un des leitmotiv des jeunes travailleurs.