Les Fintechs, ou hautes technologies financières, peuvent désigner aussi bien la technologie ou le service proposé que l’entreprise qui le propose. « En gros, tout ce qui touche le secteur financier et qui utilise les nouvelles technologies peut être catégorisé comme étant une Fintech », explique Ivan Tchotourian, professeur de droit de l’Université Laval, spécialisé sur les questions de droits économiques. Ces hautes technologies, comme tout produit numérique, nécessitent de la part des états et de l’industrie, une adaptation et une régulation.

© Érik Chouinard

Les Fintechs proposent des services qui font directement appel à l’internet et aux technologies numériques. Selon M.Tchotourian, elles contribuent ainsi à une certaine «dématérialisation» de l’industrie financière .

« Les entreprises de Fintechs qui développe ces services sont encore très souvent des startups, donc des très jeunes entreprises au fort potentiel de développement qui réussissent à se placer dans des niches d’affaires qui souvent n’étaient pas encore occupées », affirme-t-il.

D’après le professeur, les technologies financières s’adressent particulièrement à une clientèle ciblée; les jeunes moins attachés aux modèles traditionnels qui sont nés avec la technologie et qui ont appris à lui faire confiance.

« Un exemple tout simple, c’est que traditionnellement quand vous avez besoin d’argent vous allez voir une banque et vous faites un prêt alors qu’aujourd’hui par l’intermédiaire de plateformes numériques et même de téléphones intelligents, vous allez pouvoir emprunter de l’argent directement auprès d’une autre personne », relate M. Tchotourian, faisant référence au financement participatif (crowdfunding) qui rentre aussi dans une catégorie de Fintechs.

En effet le domaine des hautes technologies financières ratisse large. Voici une liste des secteurs couverts :

  • les conseillers-robots;
  • le système de paiement mobile;
  • les transferts de fonds;
  • la monnaie virtuelle;
  • les plateformes de financement par Internet;
  • le prêt entre particuliers;
  • le prêt à la consommation;
  • l’analyse de données financières de masse;
  • la gestion de patrimoine;
  • la personnification de produits d’assurance.

(Source : Ivan Tchotourian, FinTech: comment réglementer? (http://www.contact.ulaval.ca/article_blogue/fintech-comment-reglementer/))

 

« La liste est longue parce qu’on y met tant les entreprises que les services, ajoute M. Tchotourian. Au niveau des services, je ne suis pas loin de dire qu’il y a presque une application créée par jour, des fois avec seulement de toutes petites variantes. »

Elles viennent aussi avec leurs particularités, comme ce sont les plateformes elles-mêmes qui vont déterminer la manière de rembourser le prêt, le taux d’intérêt, etc. Le professeur de droit insiste sur l’importance des enjeux juridiques entourant la question. «Que se passe-t-il si l’emprunteur ne rembourse pas, que se passe-t-il si le prêteur ne respecte pas sa part de contrat? » s’interroge-t-il, soulignant les flous possibles. 

Réglementer la nouveauté

Selon M. Tchotourian, les États et les gouvernements sont conscients de l’arrivée des technologies financières et ont pour la plupart entamé des réflexions relatives quant à leur réglementation. « Les grands forums internationaux ont aidé à cette réflexion par leurs documentations intéressantes en terme de statistiques, d’opportunités et de menaces en lien avec ces nouvelles technologies » souligne-t-il.

Par exemple, au Québec, un groupe de travail a été mis en place il y a quelques mois par l’Autorité des marchés financiers (AMF). Il est chargé de pousser la réflexion sur les Fintechs. « L’objectif était d’aller chercher le regard de l’industrie, comme celui-ci est essentiel pour les régulateurs », relate M. Tchotourian.

Instaurer une réglementation pour les hautes technologies financières n’est pas si simple vu l’étendue du domaine. « Réglementer les produits d’assurance par internet, réglementer les conseillers-robots, réglementer le prêt entre particuliers, ça peut être complètement différent », affirme M. Tchotourian. « Et c’est compliqué parce qu’il faut penser en terme de grandes catégories ou de familles. »

© Érik Chouinard

« Ce qui se dessine à l’heure actuelle, c’est un choix réglementaire. Deux options se présentent : d’un côté une approche plus souple et de l’autre une approche plus contraignante », vulgarise le professeur. Il explique que le choix du cadre dépend surtout de la culture et de l’idéologie prédominante des pays.

L’approche souple est celle qui domine en Asie, au Royaume-Uni et aussi au Canada. « Elle peut être représentée par un carré de sable 

les entreprises sont libres de se développer comme elles le veulent tant qu’elles ne s’écartent pas trop du cadre juridique traditionnel », illustre M. Tchotourian

En bref, les Fintechs n’échappent pas au modèle, mais il est tout de même adapté spécialement pour elles. « Il ne faut jamais oublier que ce cadre juridique traditionnel comprend  la protection du consommateur et de l’investisseur, et ça c’est fondamental », précise M. Tchotourian.

« Il y a aussi l’idée que si vous grossissez et que vous devenez un jour important, ensuite viendra s’appliquer à vous le cadre plus contraignant traditionnel », ajoute-t-il.

L’autre approche plus contraignante, préconisée en France, consiste à appliquer tel quel le modèle aux Fintechs. « C’est un modèle plus protecteur, mais en terme de coûts, plus ennuyeux pour les entreprises », concède M. Tchotourian.

« Avec une réglementation trop contraignante, le risque est de tuer l‘écosystème commercial », soutient-il. Selon le professeur, pour les jeunes entreprises, les coûts de conformité peuvent être trop importants et risquent de contrevenir à leur développement.

L’industrie semble déjà bien adapté à l’arrivée de ces hautes technologies financières. Maintenant que les gouvernements et les régulateurs ont emboîté le pas, il reste à voir comment le public et le marché réagiront lorsque les Fintechs seront utilisées de plus en plus couramment.