L’arrivée des services de musique en ligne tels que Spotify et Apple Musique a changé de façon considérable les modèles d’affaire de l’industrie de la musique au Québec. Les artistes québécois doivent maintenant utiliser des modes de financement alternatifs pour s’adapter à cette réalité.

Les services de streaming ont changé le domaine de la musique selon une conférence présentée à l’Université du Québec à Montréal le 25 novembre dernier: La découverte de musique québécoise en régime de streaming. Le financement est le facteur qui a d’ailleurs été le plus critiqué depuis son arrivée. Selon Jacynthe Plamondon-Émond, la présidente d’InTempo Musique et Hook Records, présente lors de cette conférence, le revenu reversé aux artistes par ces services varie selon plusieurs variables telles que le nombre d’abonnés, le nombre d’écoutes par mois, par pays, etc.

« Ce que je vois depuis 20 ans, c’est vraiment un changement de système. Les revenus baissent, donc la prise de risque a changé de place. Maintenant elle est chez les artistes au lieu des maisons de disques », affirme la présidente.

Le public est désormais plus porté à aller écouter différents types de musique à la pièce sur les plateformes au lieu d’acheter le disque d’un artiste ou d’acheter des titres sur des sites de ventes tels qu’iTunes comme auparavant.

De plus, il peut être plus difficile pour un artiste québécois de se démarquer au niveau international selon Solange Drouin, vice-présidente aux affaires publiques et directrice générale de l’ADISQ (Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo). Celle-ci explique qu’il existe 3 entités dominantt le marché des services en ligne : Sony, Universal et Warner.

« Quand on les compare au milieu québécois, c’est totalement disproportionné comparativement à nos moyens. L’industrie québécoise ne s’est pas développée avec les multinationales. Elle s’est développée avec les entreprises indépendantes », explique la vice-présidente aux affaires publiques et directrice générale de l’ADISQ lors de la conférence à l’UQAM qui s’est déroulée le 25 novembre.

Cette dernière pense qu’il faut être réaliste dans les objectifs financiers des artistes. Selon elle, il ne manque pas d’artistes québécois avec du talent qui pourrait avoir la chance de se faire découvrir. Il faut toutefois que les artistes s’adaptent et que de nouvelles politiques culturelles contribuent à leur cheminement. Celle-ci précise que contrairement à ce que les gens pensent, les aides publiques à l’industire musicale sont d’environ 15% à Québec. La vice-présidente de l’ADISQ souhaite que le gouvernement installe certaines politiques pour aider les artistes au Québec et pour compenser sur ces iniquités.

De son côté, Guillaume Sirois, conseiller artistique de l’Ampli de Québec explique les raisons de ces changements et propose une stratégie artistique pouvant aider les artistes à se faire découvrir.

Les listes de lecture dans les services de streaming : un atout?

Pour se faire connaître du public, les listes de lecture sont devenues incontournables explique Guillaume Sirois, conseiller artistique de l’Ampli. Il trouve que les listes de lecture populaires peuvent être assez marquantes pour un artiste puisque celles-ci peuvent atteindre un vaste public.

Il ajoute qu’un artiste qui chante en anglais à plus de chances de réussir sur ces plateformes que celui qui chante en français.

« Je n’ai pas besoin de me battre contre des quotas comme à la radio parce que je chante en anglais, j’ai donc plus de risque de réussir en streaming qu’à la radio », explique l’auteur-compositeur-interprète de Québec, Geffroy présent lors de la conférence du 25 novembre organisée par l’UQAM.

Pour Laurence Castera, chanteur québécois, les listes de lecture permettraient aux artistes d’être découverts. Toutefois, monsieur Castera perçoit un aspect négatif de ces listes.

« Le fait que je chante en français ça me limite un peu parce que je vais être uniquement sur des plateformes francophones avec moins d’écoutes c’est certains », avoue le chanteur.

Pour pouvoir rester sur les listes de lecture offertent par les service de streaming, les artistes doivent sortir régulièrement du contenu. « Spotify offre plus de place aux chansons qui sont sur un même album. Ça oblige à toujours sortir des trucs inédits », exprime Laurence Castera, qui propose deux albums sur les plateformes de service musical en ligne.

Les abonnés aux services de musique en ligne ont la possibilité de faire leurs propres listes de lecture avec les styles de musique et les artistes qu’ils désirent. (Crédit photo: Anne-Frédérique Tremblay)

Toutefois, les artistes doivent surtout se faire remarquer par ces services pour être affichés sur une liste de lecture populaire. « Sur les sites de streaming tu dois avoir une équipe qui est proche de l’équipe de Spotify Canada ou d’Apple Music pour être placé dans les playlists et pour avoir une chance d’être découvert à travers le monde », explique madame Drouin de l’ADISQ.

De plus, le succès lié à la présence sur les listes de lecture reste fragile. « Il se peut que tu aies une énorme popularité et que du jour au lendemain tu tombes parce que tu n’es plus sur une liste. Ce n’est pas un mode constant comme à la radio où tu sais que tu reviens », explique la présidente Jacynthe Plamondon-Émond d’InTempo musique et Hooks Records. En effet, la présence des artistes sur ces listes dépend du nombre d’écoutes de l’auditoire. Si la plateforme perçoit qu’une chanson ne cesse d’être changée par le public dans une liste de lecture sans être écoutée, celle-ci peut décider de la retirer sans préavis explique madame Plamodon-Émond.

La clientèle de la musique en ligne

Le public a changé ses habitudes depuis l’arrivée des services de streaming. Selon Guillaume Sirois, il y a un culte de la nouveauté qui amène les auditeurs à changer de plus en plus rapidement ses habitudes d’écoute. « Le public est moins fidèle puisqu’on travaille plus dans une industrie de chanson qu’une industrie d’artistes », ajoute-t-il. Il est donc plus difficile de fidéliser des admirateurs et de les garder longtemps.

Le chanteur Laurence Castera va dans le même sens. Pour lui, il est plus difficile d’avoir des admirateurs stables, mais il est possible d’avoir une grande diversité d’auditoires.

« J’avais un spectacle à Victoria sur l’Île de Vancouver devant des anglophones. Il y a une chanson qui a vraiment joué sur des playlists. On avait quelque centaines de milliers d’écoutes et les gens chantaient la chanson avec moi. C’est ça que je trouve de magique du streaming », explique monsieur Castera.

Un des plus gros changements apportés avec ces plateformes est la fragmentation du contenu, selon Jacynthe Plamondon-Émond. « Si on recule dans les bonnes années de la musique québécoise, il y avait moins de produits et moins de canaux pour écouter plein de styles. Maintenant tu peux écouter tous les styles que tu veux venant de partout au travers le monde », exprime-t-elle.

Selon Jacynthe Plamondon-Émond, le consommateur est attiré vers les services de streaming puisqu’il n’a pas le risque financier d’aimer ou ne pas aimer un album. Le consommateur paye un montant par mois et a accès à tout le catalogue du service, qui reverse ensuite une partie des revenus aux artistes. (Crédit photo : Anne-Frédérique Tremblay)

Vivre de sa musique

Malgré les critiques contre les plateformes de streaming, il est possible de vivre de sa musique selon Guillaume Sirois et Jacynthe Plamondon-Émond.

Les services de streaming deviennent toutefois une source de revenus secondaire qui doit être reliée à d’autres sources de revenus pour bien vivre. Pour Guillaume Sirois de l’Ampli, le concert reste une bonne source de revenus pour les artistes si le public développe un grand intérêt envers la musique de l’artiste. « Lorsque les publics ont de l’intérêt pour un projet, faire des spectacles reste assez payant. Combiné avec le streaming, les droits d’auteur et les passages à la radio satellite par exemple, tu peux vraiment très bien vivre », complète-t-il. Il explique toutefois qu’il faut avoir les bons efforts et les bonnes stratégies pour se rendre à ce niveau. Voici une idée générale des revenus de l’industrie musicale actuellement.

La présidente de Hook Records et InTempo musique, Jacynthe Plamondon-Émond, affirment que la majorité des artistes avec qui elle travaille vivent de leur musique. « Le nouvel écosystème de la création de la musique ne fait pas beaucoup d’argents, mais il est énormément productif », explique cette dernière. « Avant c’était la maison de disque qui payait le droit d’auteur à des sociétés de gens d’auteur, maintenant on transite par d’autres chemins. Ce qui rend se revenu beaucoup plus difficile à identifier. Il y a un paquet de variables », ajoute-t-elle. Les maisons de disques doivent toutefois avoir un très grand nombre d’artistes pour arriver au même revenu qu’auparavant.