Durant l’été 2017, le nombre  de réfugiés haïtiens au Canada a considérablement augmenté. Touché régulièrement par des catastrophes naturelles, Haïti n’a pas échappé aux différents cyclones qui se sont suivis ces dernières semaines. Le terme de réfugié climatique devient alors une réalité, toutefois mal considérée à l’heure actuelle.

L’actualité de ces dernières semaines semble donner un spectacle alarmant sur la santé climatique de la planète. Derrière les chiffres et les images montrant les dégâts causés par les ouragans Irma, José et Maria, la question du statut de réfugié climatique est sur le point de faire sa place dans les mentalités. Cependant, cette thématique ne semble pas une priorité pour tout le monde.

D’après Charles Madet, président de l’association haïtienne de Québec (AHQ) depuis 2 ans, les pays occidentaux doivent revoir leurs positions sur ce statut. « Trois ouragans en l’espace de moins de trois semaines, c’est une réalité climatique qu’il faut véritablement prendre en considération », explique-t-il.

Si beaucoup d’associations n’ont pas souhaité répondre à nos questions, l’excuse récurrente était généralement un manque de connaissances vis-à-vis de cette problématique.

Si cette reconnaissance du statut de réfugié climatique prend autant de temps, cela ne surprend pas Charles Madet, car «le monde évolue, ce n’est pas quelque chose de statique dans le temps», en prenant en exemple le cas du XXe siècle, où le terme de réfugié politique émergeait alors progressivement en Europe.

Être réfugié, une épreuve de patience

Parmi ces associations présentes à Québec, le Centre Multiethnique sort du lot, considéré comme l’organisation incontournable de la ville, par les nombreux organismes indépendants qui gravitent autour d’elle. Difficile donc d’obtenir un rendez-vous, quand le comité du centre Multiethnique est face à une actualité aussi dense avec l’arrivée de nouveaux réfugiés dans la province. Mais nous réussissons à rencontrer une femme prise en charge par le centre situé rue Dorchester.

Arrivée à Québec depuis 2 ans après avoir quitté le Congo, son pays d’origine, la jeune femme espère pouvoir accueillir sa famille ici, grâce au soutien du Centre Multiethnique.

Si les démarches sont longues pour obtenir les papiers de résident permanent, le centre permet un accompagnement administratif et d’intégration, et collabore avec d’autres associations, comme le SOIT (Service d’Orientation et d’Intégration des Immigrants au Travail de Québec) ou encore, les associations socioculturelles de la ville.

Jeune femme soutenue par le Centre Multiethnique à Québec. (© Loup)

En effet, un tel soutien est nécessaire pour les nouveaux arrivants, le processus de la politique migratoire du Canada est extrêmement long.

Les personnes arrivant illégalement à la frontière canadienne, doivent demander à leur arrivée le statut de réfugié selon la Convention de Genève de 1951. Automatiquement protégés par la Charte canadienne des droits et des libertés, la demande de résidence de ces réfugiés est ensuite vérifiée par un commissaire de l’immigration.

Un rendez-vous est ainsi fixé, les délais pouvant prendre de 3 à 6 mois en fonction du volume des demandes. En cas de réponse négative, il est possible de faire appel grâce à la Charte canadienne des droits et des libertés, tout en gardant son mal en patience, les délais d’attente pouvant durer de 6 mois à 1 an, pour obtenir une nouvelle étude de dossier.

Si l’été 2017 a été particulièrement intense, avec l’arrivée de nombreuses personnes entrées illégalement sur le territoire canadien, une grande partie se trouve être des Haïtiens. En effet, selon M. Madet et les derniers chiffres de l’Immigration Canada, 80% des nouveaux arrivants sont des Haïtiens.

Haïti, une situation à nuancer

Pour notre interlocuteur, une installation dans la province de Québec est justifiée pour trois raisons : les regroupements familiaux, les études et la facilité d’accès à un emploi. Il faut savoir que derrière chaque statistique donnée par le Service Immigration Canada, se trouve soit une famille qui souhaite s’installer, de futurs étudiants en particulier à l’Université de Laval, ou encore, des demandeurs d’emploi. Tous ayant un point commun, le désir d’un avenir meilleur, après la perte de leurs biens matériels, de leur famille ou encore de leur travail.

Situé près de Cuba et de la Jamaïque dans la mer des Caraïbes, le pays connaît un fort taux de migration vers les pays américains, se vidant principalement de sa jeunesse, partie chercher un avenir meilleur.

Les trois principales raisons de venir au Canada, sont travailler, étudier et assurer un avenir meilleur pour leurs enfants. (© Loup)

Une corrélation semble alors se dessiner entre ces départs d’ordre économique. En effet, ces conséquences seraient dues en partie, aux nombreuses catastrophes climatiques, que le pays a dû affronter au cours de ces dernières années. Or, il faut savoir que Haïti vit principalement de son agriculture, en particulier dans la région du sud, ravagée par l’ouragan Matthew en 2016, provoquant des conséquences irréversibles sur l’économie du pays.

Dans son traitement médiatique, Haïti est principalement connu pour ses nombreuses catastrophes naturelles qui ont fait la une à plusieurs reprises dans les médias, comme le séisme de 2010, faisant entre 3000 et 230 000 morts.

Concernant le cliché médiatique d’une Haïti représentée en victime pathologique, Charles Madet reste diplomate. « Je ne veux pas accuser l’opinion internationale, mais plutôt les Haïtiens eux-mêmes qui doivent se prendre en main », affirme-t-il. En effet, si la vision d’une Haïti régulièrement dévastée fait mouche, il tient toutefois à souligner le manque d’initiative de la part du pays, en particulier du côté des autorités.

Le président de l’association prend l’exemple de Cuba, touché également par l’ouragan Matthew l’année passée. Grâce à ses infrastructures, le pays a pu limiter les dégâts et éviter une situation similaire à celle de son voisin haïtien.

« Les tempêtes tropicales sont récurrentes dans ce coin, en particulier de mai à novembre, se souvient M. Madet, c’est une chose connue par les autorités qui se doivent de réagir. » Soulignant un problème de gestion, mais aussi de vision dans les priorités, il pointe du doigt une organisation sur le court terme, ne permettant pas une mise en place d’infrastructures solides et conséquentes pour protéger les populations.

Si le cas d’Haïti complète la longue liste des pays touchés par les catastrophes naturelles, le chemin semble encore long pour intégrer un statut de réfugié climatique dans les mentalités, mais aussi dans les textes de lois. Et, l’actualité de ces dernières semaines prouve que nous aurions tort de ne pas nous pencher davantage sur la question.

Le message est clair, limpide et sans détour. Le monde évolue, les mentalités doivent donc suivre la même route. Mais comme nous l’a si bien dit Charles Madet avec pragmatisme : « Pour faire évoluer un monde, cela prend toujours du temps. »