QUÉBEC — Haïti, in extremis – Mort et vie dans l’art haïtien du XXIe siècle, la nouvelle exposition du Musée de la civilisation de Québec, propose un vaste répertoire d’œuvres d’artistes Haïtiens conçues durant la dernière décennie. La mort, la vie, la sexualité et le vaudou sont à l’honneur.
«Dans mon île au sol tourmenté par les hoquets de la terre. Dans ma ville démantibulée. Même quand le malheur nous coupe le cou, je veux rester debout.» — Stanley Péan
Que ce soit par la faute des ouragans, des épidémies ou des tremblements de terre, les habitants de l’île d’Haïti côtoient avec la misère et la mort depuis longtemps. Or, cette décrépitude matérielle et sociale semble nourrir une vigueur artistique inextinguible. L’exposition Haïti In Extremis est un voyage à travers les thèmes de la vie, de la mort et de la sexualité régénératrice, présentés à travers le spectre du vaudou.
En entrant dans la salle organisée en spirale, le visiteur se trouve devant Haiti madi 12 janvye 2010, un tableau gigantesque en perlage multicolore signé Myrlande Constant. L’œuvre donne le pouls de l’exposition : on voit leBawon Samedi et Grann Brigitte, deux esprits Lwa, importants dans le culte vaudou, entourés par le chaos du tremblement de terre de janvier 2010 et de plusieurs défunts. Alors que les Lwa sont habituellement représentés comme étant des esprits insouciants et peu soucieux des problèmes des vivants, laissant volontiers dépasser leurs organes reproducteurs et appréciant le rhum et les cigares, ils semblent tristes dans ce premier tableau. Guider tout ce monde vers l’au-delà est une lourde tâche, même pour de puissants esprits. Ces deux figures et les Gede, leur macabre progéniture, sont présents dans une majorité des œuvres présentées. L’utilisation de matériaux associés aux pratiques vaudou, les calebasses rituelles et les bouteilles de rhum entre autres, rappellent également l’omniprésence du culte dans la vie et l’art d’Haïti.
Originalité
L’exposition regroupe des œuvres bigarrées, uniques par la pluralité et l’originalité des médias mais aussi par des choix de thèmes qui coexistent rarement. Les membres du collectif Grand Rue par exemple, combinent de la ferraille automobile à des restes humains pour créer d’imposantes sculptures à la fois morbides et festives. L’une d’entre elles comprend un crâne humain avec des lumières de Noël encastrées dans les orbites vides et un corps de métal, debout les bras ouverts.
Une dernière démonstration du paradoxe est le triptyque sculptural de Jean-Hérard Celeur trônant à la fin de l’exposition : le centre de la spirale. Trois figures humanoïdes, munies de phallus géants pointant vers le ciel, se tiennent assises sur des pièces métalliques qui évoquent des motocyclettes. Ces trois cavaliers représentent trois fléaux de la société Haïtienne : le sida, l’oppression politique et la pauvreté.
L’exposition, ouverte jusqu’au 17 août 2014, a également été présentée l’an dernier au musée Fowler de l’University of California, Los Angeles (UCLA).