Le Musée national des beaux-arts du Québec propose du 12 février au 18 mai une exposition qui retrace l’art novateur de la peintre mexicaine du XXe siècle. « Frida Kahlo, Diego Rivera et le modernisme mexicain » revient sur les productions artistiques du couple le plus célèbre de l’histoire de l’art mexicain.
Un accident d’autobus lui fracture la colonne vertébrale et le bassin, en 1925. Frida Kahlo n’a que 18 ans. Elle devra porter un corset pour le reste de sa vie et, pendant plusieurs années, elle reste clouée au lit. Une tragédie qui va lui permettre de s’épanouir artistiquement. « Elle commence à peindre à ce moment-là, c’est une véritable éclosion artistique, affirme André Gilbert, commissaire de l’exposition à Québec. Ce contexte est primordial pour comprendre Frida Kahlo. »
Grâce à un miroir suspendu au-dessus de son lit, elle parvient à peindre sa convalescence. Dès ce moment-là, Frida Kahlo réalise plusieurs auto-portraits dans lesquels son corps devient sa principale source d’inspiration. Au fil de sa carrière, elle le transforme en véritable œuvre d’art. Ces portraits où elle mêle beauté féminine et maladie physique resteront à jamais associés à l’œuvre de l’artiste. « Avec Frida, on ne peut pas séparer l’art de la vie. Son art a une dimension biographique », explique André Gilbert.
De nombreuses photographies de l’artiste faites par des photographes mexicains de l’époque viennent compléter l’exposition du MNBAQ. Elles ont contribué à ancrer le visage de Frida dans l’imaginaire collectif, et à en faire « un symbole de modernité, de créativité et de liberté ».
Une icône moderne
Si Frida Kahlo est fréquemment associée au mouvement féministe actuel, André Gilbert considère qu’il s’agit là d’une approche anachronique. « Elle n’était pas engagée comme l’ont été les suffragettes ou d’autres femmes de son époque. Mais elle a été une précurseure du féminisme, dans son œuvre et dans sa vie. »
À l’époque, peu de femmes réalisent des autoportraits. Par les nombreuses mises en scène de sa vie intime, l’artiste a effectivement marqué une nouvelle ère de l’art mexicain. En représentant des scène telles que ses avortements, sa naissance et ses diverses maladies physiques, Frida Kahlo a peint « une expérience de la souffrance féminine qui rompt avec l’image traditionnelle de la femme de l’époque », estime André Gilbert.
Elle a également anticipé des questions de société qui sont aujourd’hui au cœur des débats, à savoir la question de l’identité et du genre. Son visage androgyne, accentué par son mono-sourcil et sa moustache, l’ont rendue reconnaissable aux yeux du monde entier. Son regard intense – « elle ne rit jamais », note André Gilbert – a su séduire un public international et influencer de nombreuses artistes féminines dans la représentation du corps.
Frida Kahlo n’a pas connu de son vivant le même succès qu’elle connaît aujourd’hui, souvent restée dans l’ombre de son mari Diego Rivera, l’une des vedettes artistiques incontournables à l’époque. Mais le mouvement féministe actuel s’est approprié la figure de cette femme forte pour rappeler « un désir d’affirmation de soi » qui ne passe pas par le modèle traditionnel de la féminité.