Voici le « faucon » de la politique japonaise. C’est ainsi que les médias ont décidé de baptiser Shinzo Abe lorsqu’il fut élu Premier ministre du Japon, le 26 décembre 2012. Depuis trois ans, c’est avec un discours aux accents nationalistes et de nombreux appels à relancer l’économie qu’il marque la politique d’un pays qui s’essouffle inexorablement. Récession, soutien à la filière du nucléaire et remilitarisation polémique du Japon, autant de champs d’action qui définissent la méthode chirurgicale du leader Abe.

Au pays du Soleil Levant, Shinzo Abe fait partie de ces hommes d’Etat comme on les souhaite. Issu d’une famille aristocratique influente (nombreux de ses aïeux sont devenus Premier ministre ou ministres), diplômé de brillantes universités japonaise et américaine, il débute au sein du Parti libéral-démocrate dont sa famille a déjà marqué l’histoire. C’est son père, Shintaro, qui l’initie. Lui dirige le ministère des Affaires étrangères. Son fils devient son assistant.

Discret à ses débuts, Shinzo Abe commence à se forger une personnalité de dirigeant lorsqu’il réussit, par camaraderie et soutien avec le Premier ministre de l’époque, à devenir le numéro deux du Parti libéral-démocrate. D’emblée, il négocie avec la Corée du Nord la libération de cinq japonais enlevés par Pyongyang. Fort de son succès, il devient le chef du Parti puis Premier ministre pour la première fois en septembre 2006. A peine un an plus tard, il doit céder sa place. Impopulaire, essuyant plusieurs échecs lors d’élections comme de propositions de loi, il entame une traversée du désert de 5 ans.

Pendant ces années, Shinzo Abe soigne une santé défaillante, une maladie incurable dont il souffre depuis ses 17 ans et sur laquelle il communique peu. Il en profite également pour polir un projet économique pour redonner du souffle à un pays à l’économie loin d’être au bout fixe. La même année, en 2012, la balance commerciale du Japon atteint un déficit record de 559 milliards de yen (5,5 milliards d’euros).

C’est surtout au plan de la politique étrangère et de sécurité que Shinzo Abe entame une révolution. Partisan du renforcement des relations nippo-américaines et pour la révision de la Constitution qui empêche le Japon de se doter d’une armée régulière. Sans oublier de juger « extrêmement irresponsable » la sortie du nucléaire promise par son prédécesseur et l’adhésion au processus de négociation de l’Accord de partenariat transpacifique pour instaurer une zone de libre-échange entre des pays asiatiques et des continents américains. C’est un succès indéniable pour Shinzo Abe dont le parti décroche la majorité absolue à la Diète japonaise. Il devient le 63ème Premier ministre du Japon.

Son leadership, lui, se renforce. Abe sait ce qu’est être désavoué par son propre camp lorsque, en 2007, les cadres du Parti libéral-démocrate l’ont poussé vers la sortie. Revenu sur le devant de la scène, le Premier ministre du Japon possède désormais la mainmise sur son Parti. Alors que le PLD devait organiser une nouvelle élection en septembre 2015 pour maintenir son chef ou en désigner un nouveau, Shinzo Abe a réussi à mettre à plat toute candidature rivale. Avec des élections législatives prévues dans 3 ans et une opposition trop faible, le Premier ministre pourrait conserver une liberté totale d’exercice de pouvoir et détenir le record de longévité à la tête du pays. Même sa popularité se renforce. Elle a bondi de 8 points en novembre selon un sondage réalisé par le quotidien économique Nikkei et la chaîne TV Tokyo. Le « faucon » du Japon cache en réalité un phénix.