Avec 2,4 milliards de chrétiens, soit environ un tiers de la population mondiale, le christianisme est la religion qui compte le plus d’adeptes dans le monde. Le Saint-Siège, la souveraineté du pape sur les catholiques basée au Vatican, est reconnu par toutes les instances internationales. Mais l’opinion qu’exprime régulièrement le pape joue-t-elle un rôle dans les stratégies géopolitiques des dirigeants de pays majoritairement chrétiens ?
Le Vatican entretient actuellement des relations diplomatiques avec 180 pays à travers le monde, alors qu’il n’en comptait que 84 lors de l’arrivée « au pouvoir » de Jean-Paul II, en 1978. François Mabille, membre du Groupe religions société laïcité au CNRS, estime dans une entrevue accordée à Radio Canada, que le pape « se donne très souvent un rôle politique » alors que certains chefs d’Etat « ne sont pas d’accord avec cette perception ». D’ailleurs, ces responsables politiques n’hésitent pas à critiquer le souverain pontife lorsque ses déclarations ne sont pas en accord avec les leurs.
Si autrefois, le pape avait autant, si ce n’est plus, de pouvoirs qu’un roi, ce n’est plus le cas à l’heure actuelle. Son rôle est avant tout diplomatique et son opinion n’a pas de valeur politique. À titre d’exemple, lors des grandes conférences internationales, comme à l’ONU, il expose son avis sur les divers sujets uniquement en tant que membre-observateur et non en tant que membre ayant le droit de vote. En 2003, le pape Jean-Paul II s’était fermement opposé à l’intervention des Etats-Unis en Iraq. Cela n’avait pourtant pas empêché George W. Bush, fervent chrétien, d’y envoyer ses troupes.
Le développement des relations diplomatiques avec les autres États est devenu pour le Vatican le moyen le plus sûr de conserver son influence morale. À titre d’exemple, les relations entre les Etats-Unis et Cuba se sont nettement améliorées en partie grâce au pape. La papauté peut ainsi diffuser auprès des dirigeants de la planète les valeurs catholiques les plus répandues comme les droits de l’Homme, la paix et la justice, mais aussi plus étonnamment des valeurs en lien avec l’évolution de la société et ses nouvelles préoccupations, comme le respect et la protection de l’environnement.
Cette adaptation du Saint-Siège à l’évolution de la société se remarque par la récente utilisation des réseaux sociaux, notamment de Twitter, par les dirigeants du Vatican. Une étude du cabinet Burson-Marstellera a même démontré qu’en 2014 le pape était le leader mondialement connu le plus influent sur ce réseau social. S’il n’est pas celui qui compte le plus de « followers », il est en revanche celui qui est le plus retweeté, donc celui dont les tweets circulent le plus. Le pape François, pourtant âgé de 78 ans, fait des réseaux sociaux, majoritairement utilisés par les jeunes, et plus particulièrement de Twitter, un véritable outil de communication.
Les pays du Sud : nouveau royaume de la papauté ?
Depuis les années 60 et la libération des mœurs, on observe une diminution du nombre de fidèles chrétiens en Europe. En revanche, le contraire se produit dans les pays en développement. Le Pew Research Center Religion & Public Life a comparé la répartition de la population chrétienne dans le monde en 1910 et en 2010. En 1910, les deux tiers des chrétiens étaient européens alors qu’en 2010, ils ne représentaient plus qu’un quart de la population mondiale.
Le politiste et essayiste français Gaël Brustier expliquait le mois dernier au micro de la radio Europe 1 que le pape étant Argentin, donc lui-même originaire d’un pays du Sud, il a désormais, « sur les questions de l’écologie et sur les questions des mouvements populaires, une influence très importante dans les pays du Sud ».
Le centre de gravité de la chrétienté semble être en pleine mutation, et le Vatican doit composer avec ces changements pour pouvoir continuer à faire entendre sa voix à travers le monde.



















