Réformer la curie romaine tiendrait-il du miracle ? En deux ans à la tête du Saint-Siège, l’engagement et la volonté du Pape François à en finir avec l’opacité du Vatican ne sont restés, à son grand désarroi, que des vœux pieux.
Deux arrestations, et la machine est relancée. Le fantôme de « VatiLeaks » ressurgit après trois années discrètes, montrant non seulement que les efforts de Jorge Mario Bergoglio n’ont rien donné, mais surtout qu’il n’a pas fait confiance aux bonnes personnes.
Lucio Angel Vallejo Balda, 54 ans, et Francesca Immacolata Chaouqui, 33 ans ont été interpellés le 31 octobre et le 1er novembre pour divulgation d’informations confidentielles. L’un est un prêtre espagnol proche de l’Opus Dei, une institution de l’Église, l’autre une laïque italienne, spécialiste des relations publiques. Tous deux appartenaient à une commission chargée de proposer des réformes relatives aux finances. Ils sont soupçonnés d’avoir livré à deux journalistes italiens des données volées sur l’ordinateur de Libero Milone, le nouvel inspecteur général des finances du Vatican.
Ce sont ces informations dérobées qui ont donné naissance aux livres Chemin de croix de Gianluigi Nuzzi et Avarice d’Emiliano Fittipadi. Les ouvrages dévoilent les dessous de la gestion financière du Vatican, des obstacles tendus contre le Pape François jusqu’au détournement de l’argent des fidèles. Selon un communiqué officiel de l’État pontifical, ces livres sont « une grave trahison de la confiance accordée par le pape ».
Surtout, ils peignent une bien piètre image des hauts membres du clergé. Entre autres exemples, Chemin de croix évoque l’histoire de Mgr Giuseppe Sciacca. Le numéro deux du Gouvernorat, jugeant son appartement au Vatican trop modeste, a fait appel une entreprise de bâtiment pour creuser un trou dans le mur du logement attenant, qui appartient à un vieux prêtre malade.
Son appartement gagne ainsi une pièce tandis que celui du prêtre en perd une. Le haut prélat en profite pour s’approprier une partie des meubles et dépose les affaires personnelles du prêtre dans le couloir. Le vieux voisin, lui, ne découvre l’affaire qu’en ouvrant la porte de son appartement à son retour. Et est trop âgé pour protester.
L’ombre de VatiLeaks
Ce n’est pas la première révélation de ce type. Le Vatican a déjà vécu une fuite du même acabit en mai 2012 – le fameux VatiLeaks – lorsque des documents tout aussi confidentiels ont été subtilisés dans le bureau de Benoît XVI par son propre majordome. Confiés à Gianluigi Nuzzi, ils avaient contribué à lever le voile sur la corruption, les pressions contre les réformes de société, les scandales sexuels ou les discussions avec les intégristes qui ont rompu avec l’Église.
Le majordome, condamné à 18 mois de prison, avait finalement été gracié par le Saint-Père. Il avait expliqué vouloir « créer un choc » pour « amener l’Eglise dans le droit chemin » et aider le Pape, qu’il ne jugeait pas assez bien informé des agissements de la curie.
Trois ans plus tard, son successeur n’a pas plus d’emprise sur les finances du Vatican. Pire : les deux livres à paraître ne font que révéler son impuissance. Incapable d’établir une véritable comptabilité, incapable de savoir où partent les donations des fidèles, incapable de faire souffler le vent de changement qu’il a tant promis, François aurait-il besoin d’un petit coup de pouce divin ?




















