Québec – Accroche-toi, c’est 29 céramiques, accrochées sur différentes cordes à linge à travers les ruelles du Vieux-Limoilou, sur lesquelles sont inscrites plus d’une centaine de phrases composées par des passants à propos de leurs impressions du quartier. Avec cette exposition, Ilana Pichon, artiste multidisciplinaire, a voulu « mettre à l’honneur le quartier Limoilou ». D’origine européenne, elle a été marquée lors de son arrivée au Québec par les valeurs de partage et de soutien qui animent ce secteur. Elle y habite maintenant depuis une dizaine d’années.
Optant pour la méthode artistique de l’in situ, l’artiste s’inspire de la matière première de ses projets pour les bâtir. Dans ce cas-ci, étant donné qu’il s’agissait de Limoilou en tête d’affiche, il allait de soi à ses yeux de faire participer la population, sa « matière première ». La Limoiloise a donc demandé à des passants dans le Vieux-Limoilou, résidents ou non, leurs impressions sur l’arrondissement.
Pour composer leurs témoignages, les participants devaient découper des mots et des lettres dans les journaux apportés à cet effet pour ensuite les assembler à leur guise. Parmi les compositions, on retrouve des phrases métaphoriques, par exemple « Débusquer le coeur des petites crevettes », d’autres plus ludiques, « 102 004 812 chats », et quelques-unes symboliques, « Une histoire d’amour et de piano ».
Après avoir accumulé plus de 100 phrases, Ilana Pichon a pu passer à l’étape de la poterie. Certaines impressions plus significatives au regard de l’artiste ont été étampées sur la terre cuite, tandis que les autres ont été apposées par des calques. Aucune phrase n’a été rejetée! Après la cuisson, les céramiques pouvaient enfin être exposées au grand jour en étant accrochées aux cordes à linge.
Les métaphores d’un quartier
Du choix de la matière à la forme de l’objet, le projet de l’artiste se veut très métaphorique. Pour la créatrice, la céramique est « une matière qui est fragile au départ, puis au fur et à mesure des cuissons, des évènements qui se passent dans la vie, elle défragilise. Malgré tout, à la fin, une pièce de céramique [reste] fragile. Les processus divers qui la traversent lui permettent de se fortifier ». Pour l’artiste, cette pensée rejoint Limoilou dans le sens où le quartier a su grandir et évoluer au cours des dernières années.
Quant à la forme très particulière de la céramique, il s’agit d’une bouée. En partant de l’idée que l’arrondissement est entouré d’eau (Rivière Saint-Charles et Fleuve Saint-Laurent), Ilana Pichon a choisi d’illustrer son projet par la bouée. Elle explique que les bouées permettent autant aux bateaux de « cohabiter dans le port » que de les « empêcher de se cogner ». « Je trouvais qu’au travers du rapport à l’eau et du rapport à l’autre, on a cette dualité qui est intéressante. Il y a une douceur dans la bouée dans le fait de pouvoir être à côté de l’autre, d’exister à côté de l’autre, et en même temps de se sentir protégé », décrit l’artiste.
Encore s’il vous plaît
En exposant dans les ruelles emblématiques du Vieux-Limoilou, Ilana Pichon voulait non seulement « mettre en valeur » ce quartier, mais également « démocratiser l’art et l’offrir directement au public ». Selon elle, Accroche-toi permettrait aux gens de la place de « revoir d’une autre façon » l’endroit où ils vivent, de le redécouvrir en cassant la routine visuelle qu’ils ont.
Daniel Bérubé, résident du quartier, a la chance de trouver quelques céramiques du projet à deux pas de chez lui. Bien qu’il n’ait pas participé à la première étape des impressions, il peut néanmoins « en profiter ». « Il devrait en avoir plus! s’exclame-t-il en parlant de projets artistiques. Je trouve que [les ruelles] sont un super endroit pour diffuser l’art. » C’est aussi l’opinion de François Perron : « Ça fait du bien de rendre l’art accessible! » Au contraire de M. Bérubé, M. Perron n’habite pas le Vieux-Limoilou. Cependant, il aimerait bien lui aussi retrouver une telle initiative proche de chez lui.
Le projet fait définitivement l’unanimité. « L’idée, je la trouve super! », exprime Félix Rhéaume de Charlesbourg. Pour lui, il est intéressant de pouvoir voir le résultat final de Accroche-toi étant donné qu’il aparticipé à la conception de quelques phrases durant l’été. Bien qu’il aime le concept, M. Rhéaume émet néanmoins un bémol sur la disposition des œuvres, ayant une certaine difficulté à trouver les différents ensembles de céramiques dans les ruelles.
Les céramiques sont exposées depuis le dimanche 28 septembre et seront encore présentes jusqu’au 12 octobre 2014.
