Si l’industrie touristique tente de se développer en Haïti, l’instabilité du pays rend la tâche difficile. La diaspora représente encore la majorité des entrées au pays, mais de nouveaux plans de développement tentent d’attirer une nouvelle clientèle de vacanciers étrangers.

Depuis le début de la mobilisation pour demander la démission du président Jovenel Moïse, le 18 novembre dernier, Haïti est en crise. Dans la capitale, les habitants attendent de voir quel sera le dénouement de la situation. « Ça fait peut-être trois semaines que mon taux d’occupation est extrêmement bas et que j’ai beaucoup d’annulations », déplore le directeur général du Plaza Hotel, Marc Pierre-Louis.

Cet hôtel d’environ 100 chambres au centre de Port-au-Prince a vu son rythme de croisière grandement ralenti depuis le début des tensions. « Vu que dans le passé, quand il y a eu des manifestations et que des cas de violences se sont répartis un peu à travers la ville, tout le monde reste chez soi », explique Marc Pierre-Louis. « Donc ça fait un effet multiplicateur et un jour de manifestation annoncé, la ville est vide, l’activité s’arrête ».

Il est vrai que, quand il est question de passer ses vacances sur les plages dorées des caraïbes, la République dominicaine est beaucoup plus populaire que son voisin de l’Est. Pourtant, il y a bien une industrie touristique en Haïti. Un marché surtout alimenté par la diaspora haïtienne qui rentre chez elle en période de vacances. Une industrie ponctuée par des périodes importantes comme celles des fêtes, du carnaval, l’été et le printemps. « La période de Noël est très importante parce que beaucoup de gens rentrent et il y a une concentration de l’activité économique et touristique », explique l’hôtelier. « Alors quand il y a de l’instabilité politique et ce genre de problème, ils ne rentrent pas, ou du moins, ils diffèrent leur voyage ou ils attendent de voir ce qui se passe ».

Des initiatives de développement limitées

Si la diaspora représente la majorité des entrées touristiques du pays, le marché qui vise les vacanciers étrangers tente de se développer de plus en plus sur l’île. Différentes compagnies aériennes offrent des vols vers Haïti, et ce, pendant toute l’année.

Depuis 2013, Air Transat a développé différents forfaits tout inclus à Port-au-Prince, sur la Côte des Arcadins, ainsi qu’à Pétion-Ville. Un appel, à l’époque, de la ministre du Tourisme du pays, Stéphanie Villedrouin, explique la directrice marketing, médias sociaux et relations publiques d’Air Transat, Debbie Cabana. Le développement touristique du pays reste toutefois compliqué pour des raisons économiques, politiques et sécuritaires. « Suite au tremblement de terre, il y a eu la mise en place d’un phénomène qu’on appelle le capitalisme de catastrophe », explique l’étudiant au doctorat en géographie sociale spécialisé en tourisme, Luc Renaud.

Après un tremblement de terre comme celui qui a eu lieu en Haïti en 2010, la population perd le contrôle du territoire. C’est à ce moment que des acteurs internationaux qui possèdent des capitaux viennent acheter des terrains et investir dans la région dévastée pour y faire du développement, explique l’expert. Un phénomène qui s’est également produit en Indonésie après le tsunami.

L’instabilité du pays rend toutefois difficile la poursuite du développement. « Ça dépend d’un président à l’autre », indique Luc Renaud. « Aussitôt qu’un nouveau président arrive, les projets de l’ancien gouvernement sont mis de côté ». La cohésion avec les populations locales est aussi un enjeu important. Un bon exemple est le projet de développement de l’Île-à-Vache qui a causé une révolte de la part des habitants. « Le gouvernement avait décrété un plan de développement touristique sans concerter la population locale », indique l’expert.

L’état des infrastructures présente un autre défi important du développement touristique en Haïti. « Il n’y a pas eu vraiment d’investissement dans l’infrastructure depuis assez longtemps et les derniers grands travaux datent vraiment de la période de Duvalier », explique Marc Pierre-Louis. « C’est assez difficile de voyager à travers le pays ».

La perle des Caraïbes

Si le développement touristique est difficile aujourd’hui en Haïti, l’île a connu une époque de grand succès. « Haïti, jusque dans les années 80, a été une destination super importante », explique Luc Renaud. « On l’appelait la perle des Caraïbes ».

Dans les années 70-80, beaucoup de Québécois partaient en vacance sur les plages d’Haïti. Une destination populaire comme pouvaient l’être Acapulco au Mexique ou la Floride. « À l’époque de Duvalier, l’industrie a complètement chuté », dit l’universitaire. « L’industrie n’a pas réussi à se relever depuis cette époque-là ».

Des outils pour les investisseurs

L’investissement en Haïti est risqué et ce ne sont pas toutes les compagnies intéressées qui peuvent prendre les risques nécessaires. Ce n’est pas pour autant que le potentiel d’investissement touristique sur l’île n’est pas présent. L’ambassade du Canada en Haïti et des groupes comme le Centre de Facilitation des Investissements (CFI) tentent de guider les compagnies canadiennes qui veulent développer des projets dans le pays. Selon Marc Pierre-Louis, il ne faut pas s’arrêter à la mauvaise presse que connaît Haïti dans le domaine sécuritaire. Il indique que les crises restent passagères. « On est une des îles dans la Caraïbe qui a une histoire riche, qui a beaucoup à offrir », dit-il. « C’est un peu plus sportif que les autres îles, disons, mais les gens sont accueillants, le pays est beau. Ça vaut la peine d’être découvert ».